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Nicolas de Staël
Description
- Nicolas de Staël
- Bouteilles
- signé
- huile sur toile
- 60,5 x 80,7 cm; 23 3/4 x 31 3/4 in.
- Exécuté en 1954.
Provenance
Jacques Dubourg, Paris
Arthur Tooth, Londres
Illa Knina-Kodicek, Londres (vers 1956)
Vente: Christie's, Londres, 23 juin 1993, lot 326
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel
Exhibited
Literature
Françoise de Staël, Nicolas de Staël, Catalogue raisonné de l'oeuvre peint, Neuchâtel, 1997, no. 878, illustré p. 555
Catalogue Note
signed; oil on canvas. Executed in 1954.
Fig. 1 Vue de l'atelier de Nicolas de Staël © droits réservés
Fig. 2 Bouteilles en brun, ocre et rose, 1952, huile sur toile, collection privée
Fig. 3 Bouteilles rouges, 1955, huile sur toile, collection privée
Fig. 4 Nicolas de Staël dans son atelier rue Gauguet, 1954 © Min. de la Culture, Paris, 2003, Patrimoine photographique (Denise Colomb)
"Ma peinture, je sais ce qu'elle est sous ses apparences, sa violence, ses perpétuels jeux de force, c'est une chose fragile dans le sens du bon, du sublime. C'est fragile comme l'amour (...) ne montrez de moi que les bons tableaux, ceux dont on peut dire on ne sait pas où il va, ni d'où il vient."
Lettre à Jacques Dubourg, Antibes, fin décembre 1954
Couleur pour couleur c'est tout.
L'année 1954 est une année de travail frénétique pour Nicolas de Staël. Il souhaite retrouver sur la toile l'immédiateté de ses sensations, peignant plus vite, avec moins de matière, privilégiant le pinceau, le coton pour plus de fluidité. Il multiplie les natures mortes, puisant dans le répertoire d'objets présents dans son atelier. Des couleurs éclatantes font irruption sur sa palette en écho à la lumière du Midi où il s'est installé. 1954 voit les expositions se multiplier. En février s'ouvre sa première exposition chez Paul Rosenberg à New York, un succès commercial qui scelle l'enthousiasme du public américain pour son œuvre. En mai, c'est la galerie Jacques Dubourg à Paris qui présente son dernier travail. Le public est partagé quant à sa nouvelle technique mais Staël s'en défend: 'Je peins comme je peux, et j'essaie à chaque fois d'ajouter quelque chose en enlevant ce qui m'encombre. Je ne suis pas Jean Baptiste Corot, je ne vois que de loin, avoir le nez sur un tableau m'est impossible, évidemment parfois c'est trop esquisse sans être esquisse, surtout de près c'est rien, comme un calicot, il faut s'habituer à finir plus sans finir.' (Lettre à Jacques Dubourg, Antibes, 23 novembre 1954).
Artiste inclassable car à la lisière de l'abstraction et de la figuration, Nicolas de Staël cherche à exprimer une vision de la réalité vue à travers le prisme de la sensation. 'Ne pas regarder les musées, mais les tubes qui sont là'. (Lettre à Pierre Lecuire, Ménerbes, 6 mars 1954). Il n'est cependant pas exempt d'influences : les lettres à sa famille témoignent de son admiration pour la peinture hollandaise, les primitifs italiens. Il cite Van Gogh, Delacroix pour la couleur. A Paris en 1942-43, il rencontre Domela et Magnelli qui deviennent ses références pour l'élaboration de sa peinture. Mais c'est Braque, rencontré en 1944 à la galerie Jeanne Bucher, qui revient fréquemment dans ses lettres et ses conversations. Pierre Lecuire relate en janvier 1950 dans le journal de ses discussions avec l'artiste : « il a dit 'Voilà des objets. Voilà ce que je ne représente pas.' Il a pris un crayon et faisant le geste de le passer à plusieurs reprises entre le pot de colle et le cendrier : 'ça c'est de la peinture. L'entre-deux. Braque peint ce qui est autour des objets puis il représente ensuite ces objets. Moi les objets, a t-il dit pour finir, il ne me touchent pas. Je le les peins plus.' Mais ensuite, que reste t-il donc des 'objets du monde' ? Réponse de Staël : 'Rapport. Rapport. Rapport.' C'est sans doute ces relations entre les objets et l'espace qui rendent les nature-mortes de Staël si particulières, mi-abstraites, mi-figuratives, comme dans ces Bouteilles de 1954. Les formes apparaissent telles des émanations de la réalité, définies par la lumière qui vient les frapper violemment, les transformant en halos de couleurs vives déchirant l'espace. Et Staël de citer à nouveau Braque dont il a pu contempler nombre d'œuvres chez Douglas Cooper (son voisin dans le Sud de la France depuis la fin 1953) : ' Mais là où l'histoire devient passionnante, mais alors tout à fait passionnante, c'est au moment précis où l'on saisit les Braque dans la lumière où ils ont été peints, cette espèce de lumière diffuse et violente que le tableau reçoit d'autant mieux qu'il a tout fait pour y résister avec toute l'abnégation que cela comporte'. (Lettre à Denys Sutton, Ménerbes, Novembre 1953).