Lot 90
  • 90

Manuscrit autographe signé de deux nouvelles : « Les Mains » et « La Nature humaine ». New York, juin 1953.

Estimate
20,000 - 30,000 EUR
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Description

  • Gary, Romain
  • Manuscrit autographe signé de deux nouvelles : « Les Mains » et « La Nature humaine ».New York, juin 1953.
119 pages grand in-folio (348 x 210 mm), à l'encre bleue sur 61 feuillets de papier de vélin fort, lignés, margés en rouge et chiffrés à la presse de 3 à 124 (3 pages vierges).
Signature et date en bas de la page 103 : «Romain Gary / New York, / juin 1953».



Manuscrit abondamment corrigé, avec de très nombreuses lignes biffées, présentant plusieurs états différents du même texte, avec de nombreuses et importantes variantes.
Les feuillets ont été débrochés violemment du cahier sur lequel ils avaient été rédigés, et présentent pour certains d'entre eux une déchirure avec manque de texte pour les pp. chiffrées de 14 à 48. Le manuscrit est très lisible, de l'écriture ronde et ample de l'écrivain. Léger jaunissement en bordure des feuillets

Literature

Dominique Bona, Romain Gary – Myriam Anissimov, Romain Gary le caméléon

Catalogue Note

Précieux et rare ensemble manuscrit de Romain Gary : Les Mains. Nouvelle publiée d'abord en juin 1954 dans la revue La Table Ronde, sous le titre « Ainsi s'achève une journée de soleil », puis intégrée sous le titre « Le Luth » dans le recueil intitulé d'abord Gloire à nos illustres pionniers, publié chez Gallimard en 1962, et enfin retitré Les Oiseaux vont mourir au Pérou, après la réalisation du film éponyme par Romain Gary lui-même, tiré d'une des nouvelles du recueil.
Le manuscrit comporte deux états complets de cette nouvelle : un premier état (sans doute rédigé vers 1948) portant le titre biffé « Un son de guitare », occupant les pages chiffrées 3 à 39 ; un second état, daté de 1953 et signé, postérieur au premier d'après les corrections et modifications apportées, aux pages chiffrées de 51 à 103.
Le manuscrit contient également des brouillons retravaillés de plusieurs passages de cette nouvelle, aux pages chiffrées 104 à 109, 111 à 113 (pour les premiers paragraphes), ainsi que de longs développements sur le thème des mains, aux pages chiffrées 114 à 124, dont plusieurs ne furent pas conservés dans la version imprimée de la nouvelle. Dans l'un de ces passages figure une citation d'un texte anglais d'histoire naturelle relatant la saison des amours chez les pieuvres.

- Par ailleurs le manuscrit présente un état de la nouvelle «La Nature humaine», vraisemblablement de tout premier jet, occupant les pages chiffrées 41 à 49. L'écrivain retravailla et allongea cette nouvelle en l'intégrant également au recueil Les Oiseaux vont mourir au Pérou. Cette nouvelle raconte l'auscultation, par un docteur, d'un géant de cirque en présence de son « propriétaire », un nain cynique.

« Les Mains » ou plutôt « Le Luth » est considérée comme l'une des meilleures nouvelles de Gary, avec «Les Oiseaux vont mourir au Pérou», qui donnera son titre au recueil de 1962 après son adaptation au cinéma, nouvelles où « l'on sent surtout le conteur qui se ravit lui-même du plaisir de conter », comme l'écrivit le critique littéraire du Monde de l'époque, Pierre-Henri Simon.

Entre 1952 et 1954, Romain Gary est diplomate aux Nations-Unies à New York. « Débarquant du paquebot Ile de France en compagnie d'autres membres de la Délégation française », il entre dans la «comédie américaine» (D. Bona, p. 145). Représentant la France au moment des premiers conflits de la décolonisation, Gary doit défendre des idées qui ne sont pas les siennes, éperdu qu'il est de liberté. Il écrira plus tard : « L'ONU, c'est le viol permanent d'un grand rêve humain » et avouera ainsi n'avoir pas cru longtemps en l'efficacité de cet organisme pour assurer la paix universelle. 
A cette période, il rédige « Les Mains », qui met en scène la découverte par un diplomate de son homosexualité, avec un jeune turc qui lui apprend à jouer du luth. Un diplomate français, qui avait été à l'origine d'un scandale de mœurs à Washington en 1951, crut se reconnaître dans le héros de cette nouvelle et en conçut une haine tenace pour Romain Gary. D'après Myriam Anissimov (Romain Gary le caméléon, Paris, Denoël, 2004), l'écrivain affirma à Henri Hoppenot qu'il avait écrit sa nouvelle en 1948 à Sofia et que cet ambassadeur indigné avait eu tort de s'y reconnaître.

La présence des deux états différents du texte permet de se rendre compte du travail d'écriture de Gary.