Lot 37
  • 37

10 lithographies incunables, une gravure sur cuivre, et 5 pastels. [Twickenham], 1805-1806.

Estimate
15,000 - 20,000 EUR
bidding is closed

Description

  • Antoine d'Orléans, duc de Montpensier
  • 10 lithographies incunables, une gravure sur cuivre, et 5 pastels.[Twickenham], 1805-1806.
Louis Antoine Philippe d'Orléans, duc de Montpensier, était fils de Philippe Egalité (1747-1793) et de Marie Adélaïde de Bourbon. Il fut élevé loin de sa mère par madame de Genlis, maîtresse de son père, avec son frère aîné Louis Philippe, duc d'Orléans, futur roi des Français. Au moment de la Révolution, les trois fils de Philippe Egalité s'enrôlent dans les armées révolutionnaires, combattent à Jemmapes, et à Valmy. Antoine est arrêté à Nice en avril 1793, à l'âge de 17 ans, en même temps que tous les Bourbons, et emprisonné au fort de Marseille avec son frère le comte de Beaujolais et son père. C'est en prison, dans laquelle il passa plus de trois ans, qu'il contracta la tuberculose, dont il devait mourir dix ans plus tard, en Angleterre, dans les bras de son frère aîné Louis Philippe (1807).

Provenance

Louis Philippe - Maurice Dussarp (catalogue, n° 28).

Literature

Antoine de Montpensier, Mémoires, 1824 - Henri Bouchot,  (« L'Invention de la lithographie », in La Lithographie, 1895) - L'ensemble, alors chez Dussarp, a été étudié en 1929 dans le Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, 1929, pp. 213-218 - André Béguin, Dictionnaire technique de l'estampe, 1998, p. 211.

Condition

Quelques rousseurs et piqûres.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

La lithographie, procédé de gravure sur pierre, n'avait pas été considérée par ses inventeurs, Senefelder et les frères André comme un procédé pouvant s'appliquer aux arts nobles, mais plutôt à l'écriture ou aux partitions musicales. Senefelder abandonna vite ses essais artistiques, puis rapidement aussi son entreprise commerciale, et, après avoir cru faire fortune en Angleterre, s'en retourna à Munich. Des frères André, ses co-découvreurs, l'un tenta sa chance comme marchand de musique à Paris vers 1802, mais son affaire périclita avant deux ans. L'autre frère, Philippe André, resta en Angleterre après le départ de Senefelder. C'est avec lui que le duc de Montpensier, durant les deux années qui lui restaient à vivre, travailla le dessin sur pierre et développa l'art de la lithographie. Henri Bouchot, conservateur du Cabinet des estampes à la Bibliothèque nationale, fut le premier à analyser le berceau de l'art typographique (« L'Invention de la lithographie », in La Lithographie, 1895), et explique : « Il y a fort à penser qu'Aloys Senefelder, passé en Angleterre dans le courant de 1800, fut mis en rapport avec le prince, curieux d'inventions nouvelles et fort épris de tentatives artistiques (...) Quoi qu'il en soit, un fait reste acquis, c'est que le duc de Montpensier a laissé plusieurs lithographies de 1805 et de 1806, et que ces incunables incontestés sont conservés au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale. »  

Cet extraordinaire ensemble, qui réunit 5 pastels et 10 premiers tirages lithographiques du duc de Montpensier, provient des biens de sa famille Penthièvre Orléans, et en particulier de Louis Philippe à qui elles passèrent à sa mort en 1807. Les épreuves, d'une très grande netteté, furent sans doute les premières tirées, conservées par l'artiste. L'ensemble réunit 18 pièces, dont 10 épreuves d'artiste des tout premiers essais sur la pierre lithographique dont Montpensier fut l'un des rares artistes à signer ses épreuves. Elles sont les témoins des débuts de cet art si prometteur et montrent combien la science de l'art lithographique est en 1805 récent. La pierre est grenue, la technique du polissage encore loin. Mais cet usage de la pierre permet déjà l'entière liberté du pinceau, et les plus grands peintres de l'époque en comprendront immédiatement les avantages : Géricault, Gros, puis Goya et Delacroix se feront graveurs sans les rigueurs du burin et de la taille.    

- double portrait lithographique
4 épreuves in-folio oblongues (238 x 318 mm), dont 2 sans signature et date, comme à l'ordinaire, et une signée et datée par l'artiste au crayon A.P.D.O. fecit, 1805. Quelques piqûres.
Incunable de la lithographie, le célèbre double portrait en profil de l'artiste et son frère, fut identifié par Henri Bouchot : « La première estampe représente deux jeunes hommes , traités assez crânement (...) Elle est signée A.-P.d'O. fecit, 1805. A force de comparaisons, nous sommes arrivé à établir que le personnage de gauche, portant perruque à queue et favoris, n'était autre que le futur Louis-Philippe, et que son pendant montrait l'auteur de la lithographie lui-même, Antoine Philippe, duc de Montpensier (...) A l'intérêt artistique, cette pièce joint donc une importance historique considérable, car les portraits des princes exilés sont rares, et nous avouons n'avoir jamais rencontré ailleurs Louis-Philippe coiffé de la perruque à queue du Directoire (...) Jusqu'à nouvel ordre et sauf trouvaille nouvelle, le portrait des deux princes, daté de 1805, reste pour l'art de Senefelder [la lithographie], l'incunable à date certaine, indiscutable, antérieure d'un an au Cosaque, dessiné par Lejeune dans l'atelier de l'inventeur à Munich. »  
Le dessin original du profil de Louis Philippe est conservé au Musée Chantilly et porte la légende Louis-Philippe d'Orléans duc d'Orléans, / (Le Roi Louis-Philippe)/ Vers l'âge de trente ans. / Esquisse de son frère le duc de Montpensier.

- le portrait lithographique de Louis Philippe seul.
Une épreuve in-8 (233 x 160 mm), signée à la main au crayon A.P.D.O., non datée. Il s'agit du double portrait divisé en deux pour ne conserver que celui de Louis Philippe, et dont la signature originale au centre a été partiellement effacée. Une nouvelle signature a été portée à la main par le duc de Montpensier sous le portrait seul.

- portrait du père et de ses fils dans la prison révolutionnaire du fort Saint-Jean à Marseille. Quelques rousseurs.
Une épreuve in-folio, oblongue (323 x 430 mm). Non signée, non datée. Philippe Egalité son père et le comte de Beaujolais, son frère cadet, accueillent dans leur cellule le duc de Montpensier qui entre, fou de joie, les bras ouverts. Montpensier a décrit précisément cet évènement , qui survint en août 1794, à la faveur d'un changement de gardes, dans ses Mémoires : « je m'élançais hors de mon affreux tombeau, malgré le caporal qui mourrait de peur, et disait toujours : 'Mais citoyen, mais citoyen, cela ne se peut pas'. Je l'assurai que cela se pouvait, et je montai quatre à quatre le vilain petit escalier qui conduisait à la prison de mon père et de Beaujolais. Leur grille était ouverte parce qu'on venait de leur apporter à déjeuner : je me précipitai dans les bras de mon père, et ce fut un plaisir bien vif ! » (Mémoires, p. 116). Des trois frères, seuls les deux cadets étaient emprisonnés à Marseille, avec leur père. Leur frère aîné Louis Philippe, dont la fuite à l'étranger avait déclenché l'ordre d'arrestation de tous les Bourbons de France, erra d'une ville d'Europe à l'autre jusqu'à l'annonce de la libération de ses frères à la condition qu'il émigre loin aux Etats-Unis. Les 3 frères ne se retrouvèrent ainsi qu'en 1797 à Philadelphie. Ils gagnèrent ensuite l'Angleterre et Twickenham, où l'artiste mourut de sa tuberculose contractée au Fort Saint Jean.
Cette lithographie est restée inconnue et ne figure pas dans les collections publiques. Restée inconnue de Bouchot aussi, elle n'est ni datée, ni signée, mais sans doute de 1805.  

-portrait lithographique d'Adélaïde d'Orléans, soeur de l'artiste.
Une épreuve in-folio (332 x 240 mm), signée et datée dans la pierre A.P.D.O. fecit 1806. Quelques rousseurs.
Adélaïde, émigrée en Suisse auprès de madame de Genlis, puis en Espagne auprès de sa mère, en Autriche puis en Angleterre, fut bien plus tard portraiturée par A. de Creuse, puis par le baron Gérard, à la fin des années 1830, mais aucune oeuvre ne fut tirée de ce portrait lithographique par son frère, daté de 1806. Il est sans doute le portrait le plus naturel de la fille unique si couvée de Philippe Egalité (voir lot 36), et dont la fidélité alla tout entière à son frère Louis Philippe, en émigration et durant tout son règne.  

- paysage anglais lithographique : Chaucer's tower near Benham représentant une tour en ruines. Une épreuve grand in-8 oblongue (213 x 300 mm), signée et datée dans la pierre A.P.D.O. fecit 1806.
- paysage anglais lithographique : Benham, représentant un cottage dans un parc. Une épreuve grand in-8 oblongue (215 x 330 mm), signée et datée A.P.D.O. fecit 1806.    

- une gravure sur cuivre et 2 dessins lithographiques coloriés destinés à illustrer les mémoires du duc de Montpensier. 
Très intéressant ensemble comprenant une gravure sur cuivre, au vernis mou réunissant 6 caricatures, in-folio (cuvette : 315 x 275 mm) sans lettre, et 2 lithographies quasiment identiques au cuivre, in-folio (env. : 470 x 210), chaque scénette légendée, ces épreuves signées C. Motte, Lithogr de S.A.R. Mr le Duc d'Orléans, non datées, coloriées. Légères brunissures ou rousseurs.
Chaque planche réunit 6 groupes de personnages de la vie du duc de Montpensier ou traitant de sujets familiaux (leur domestique figure dans La Leçon de Jacquelin). Chacune des 6 scénettes est accompagnée d'une légende. Les Mémoires du très jeune duc de Montpensier (il meurt en 1807 à 32 ans) ne parurent que posthumement, sous le titre Mémoires de S.A.S. Louis Antoine Philippe d'Orléans, duc de Montpensier (Paris, Baudouin Frères, 1824).
Ces illustrations ont été lithographiées par Motte sur la pierre lithographique du duc, après sa mort, et selon ses instructions. La nature de ces instructions reste inconnue, mais il s'agit vraisemblablement de la technique à utiliser pour reporter les dessins du cuivre sur la pierre et y ajouter les légendes. Les dessins sont très proches mais non identiques à ceux du duc, les légendes sont gravées, mais leur calligraphie cursive est impossible à tracer si habilement à l'envers dans la pierre... S'est-il agi d'un décalquage ? D'un report de crayon lithographique sur la pierre ? En tout état de cause, de telles légendes, fines, et comme manuscrites, sont le résultat d'une petite prouesse technique dont le secret a été emporté par l'artiste et Motte.
Cette lithographie ne fut tirée qu'à 30 exemplaires, exclusivement pour les membres de la famille royale. On en connaît une épreuve reliée dans un exemplaire des Mémoires du duc de Montpensier aux armes de la reine Marie Amélie, découpée en trois parties égales suivant les pages qu'elles étaient destinées à illustrer.

Chacune de ces rarissimes lithographies ne fut bien sûr tirée qu'à tout petit nombre d'épreuves, 30 selon Bouchot.
On joint 3 portraits gravés, dont 2 du duc de Montpensier et de Louis Philippe, postérieurs. Piqûres.

- ensemble de 5 paysages au pastels
Sur papier sombre, palette de couleurs réduites : vert, bleu, brun, (env. : 180 x 250 mm et 380 x 270 mm). 5 paysages anglais, et un portrait d'ermite mendiant.
Le duc de Montpensier étudia la peinture sous la direction de Myris. Parmi les très rares oeuvres de lui, dont Louis Philippe possédait 5 tableaux, le Portrait de Symonds, peint en 1804, Paysage d'imagination, daté en 1805,  sont conservés au Musée Condé à Chantilly.