Lot 48
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Exceptionnelle paire de candélabres aux caryatides d'époque Louis XVI, les figures en biscuit de Sèvres d'après Simon-Louis Boizot, la monture de bronze doré attribuée à Pierre-Philippe Thomire très probablement offerte par le roi Louis XVI en 1785 à la princesse des Asturies, future reine d'Espagne

Estimate
800,000 - 1,200,000 EUR
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Description

  • Haut. 128 cm, larg. 35 cm
  • Height 50 1/3 in, width 13 2/3 in
les deux figures de femmes drapées en biscuit de porcelaine de Sèvres soutenant un petit vase de style grec à figures rouge sur fond noir d'où s'échappent cinq bras de lumière en bronze doré à enroulements et arabesques terminés par des figures d'enfants ailés ; l'ensemble reposant sur des bases cylindriques en porcelaine de Sèvres (marquées des L entrelacés) à fond gros bleu et décor en or de rinceaux et guirlandes ornées de bronze doré à motif de godrons et rais de coeur ; avec une inscription 139+ ; (restaurations au biscuit et reprises à la dorure)

Provenance

- Très probablement offerts par le roi Louis XVI en 1785 à la princesse des Asturies, future reine d'Espagne, puis vendus par Isabelle II (1830-1904) en exil à Paris, vers 1870

- Ancienne collection Rothschild au château de Mentmore, vente Sotheby's le 18 mai 1977, lot 47

- Vente Sotheby's à Monaco le 8 février 1981, lot 300

- Vente Paris, étude Ribeyre et Baron, le 2 décembre 1991, lot 86

- Galerie Gismondi, Biennale des antiquaires 1996

 

Literature

Bibliographie :

J.D. Augarde, "Un cadeau de Napoléon à sa soeur Caroline", Catalogue de la Biennale des Antiquaires de Paris, Paris, 1996, pp. 56–57

P. Kjellberg, Objets montés du Moyen Age à nos jours, Paris, 2000, p. 171

Louis-Simon Boizot, cat. exp. musée Lambinet, 23 octobre 2001–24 février 2002, Versailles, 2001, pp. 277–279 (ill.)

Condition

Candelabra with left hand side arm up: Figure: left shoulder and left hand side are restored (refixed), some minor chips to the base of the drapery (restored). Porcelain base: the garland frieze with traces of restoration. This frieze has been restored (apparently with four breaks) which means that the painted ground and gilding has been retouched. Three chips to the circular base, two minor chips at the bottom. Arabesque vase: restoration to the base of the vase. Gilt bronze mounts: high quality of the chasing, most probably by Thomire. Attractive patterns. The gilding is ormolu gilding with refreshments in places. One central foliage refixed. Candelabra with right hand side arm up: Figure: shoulder restored as the other, three fingers restored on right hand. One chip on the base. Left foot restored. At the back of the drapery, there is also a chip (restored). Porcelain base: the garland frieze restored (was in five pieces). At the bottom, there is a minor chip. Two chips (restored) on the upper part. Again blue ground and gilding retouched. Base with varnish. Arabesque vase: base partly restored as the other. Gilt bronze mounts: fine condition. Despite this long and precise list of restoration to the porcelain, the candelabra are absolutely stunning. The previously described restorations were handled very carefully and are now slightly visible due to the varnish which has turned into a light yellowish aspect which can be easily retouched. Rare model with an unusual combination of biscuit and porcelain combined with example of the finest Louis XVI gilt bronze mounts. Impressive model, highly recommended in overall fine restored condition. Very good provenance as a strong possible royal provenance (gift of King Louis XVI to the Princess of Asturias, later Queen of Spain) in the late 18th century and a noticeable Rothschild provenance at Mentmore in the late 19th and 20th centuries. Please note that a pair of gilt bronze mounted white columns has been made on purpose by Mr Léon Lévy to display them, as visible on page 174. This pair will be delivered to the buyer of the lot.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

UN CADEAU DIPLOMATIQUE

 

La tradition des cadeaux diplomatiques illustre de manière très concrète la recherche de l'excellence dans les arts décoratifs au XVIIIe siècle. Tout en soutenant historiquement la production des objets de luxe et notamment des manufactures royales, elle traduit d'autre part, en matière politique, l'incessant tourbillon des alliances entre états, au cœur des préoccupations du temps. Les visées diplomatiques trouvaient un écho naturellement favorable dans le soin particulier apporté aux productions les plus originales, perçues comme autant de preuves du rayonnement de la France à l'étranger. Voyages, audiences, mariages, étaient des occasions de mettre en exergue l'excellence française dans des domaines tels que l'orfèvrerie, la tabletterie, l'horlogerie, tapis ou les tapisseries. Certains de ces présents sont aujourd'hui répertoriés parmi les chefs d'œuvres des arts décoratifs, le braséro offert à Said Efendi à l'occasion de l'ambassade de 1742 est un exemple unique du talent de bronzier de Jean-Claude Duplessis (1695-1774). De près de 70 cm de hauteur, entièrement conçu en courbes et contre-courbes vigoureuses, l'objet n'a aucun équivalent connu, il est toujours conservé à Istanbul.

 

Marie-Louise de Bourbon-Parme (1751-1819), petite fille de Louis XV (fig.1), était très attachée à son cousin le roi Louis XVI ; en signe d'affection, il lui fît parvenir chaque année pendant plus de vingt ans de nombreux objets en porcelaine de Sèvres. Charles IV avait épousée Marie-Louise en 1765, ils devinrent roi et reine d'Espagne en 1788 à la mort de Charles III. De multiples liens unissaient les deux familles royales. Les deux monarques descendaient directement de Louis XIV par l'intermédiaire de Philippe V d'Espagne, par ailleurs leurs deux mères, Marie-Joseph de Saxe et Marie-Amélie de Saxe étaient sœurs.

 

 

IDENTIFICATION DES CANDELABRES

 

Les archives du Ministère des affaires Etrangères relèvent les nombreux présents envoyés en Espagne par Louis XVI. La brièveté des descriptions rend difficile les identifications avec des objets connus. La plupart des mentions correspondent à des « vases » ou des « cabarets », difficilement reconnaissables.

 

Il est pourtant intéressant de noter en 1785 la description de « deux vases jonquilles » ( 2 vases riches en arabesque figures orientalles monté en bronze doré d'or moulu au mat) et « deux vases en arabesque » ( deux autres vases sujet pastoralle colorié en arabesque à figures  et ornements coloriés monté richement décrits en 1788 chacun pour 3240 livres chaque paire).

 

 

Toutes aussi lacunaires sont les descriptions de candélabres ou girandoles dans les archives de la Manufacture de Sèvres, ne simplifiant pas les rapprochements avec les objets aujourd'hui conservés. On trouve cependant quatre mentions successives entre 1785 et 1796. Les prix cités s'entendent par objet et non par paire, il semble également possible qu'au moins une paire de candélabres soient décrits deux fois. Il est en effet fait mention de deux candélabres rendus en l'an II (1794-1795), il pourrait s'agit de ceux vendus une première fois en 1791-1792 et revendus ensuite en vendémiaire an III (septembre-octobre1794) au marchand Empaytaz . Cette hypothèse implique la réalisation de deux paires de candélabres identiques, hypothèse renforcée par la fabrication de deux socles décrits en 1785 à la Manufacture : « quatre piédestaux pour les figures candélabres beau bleu arabesque en or ». Deux paires de candélabres ont probablement été réalisées, l'une en 1785 et l'autre en 1791-1792. Cette seconde paire, nous l'avons vu, est bien celle rendue en 1794 ou 1795 (an II) et probablement celle très bien décrite, revendue également en l'an III (1794) : « une paire de girandoles, figures en biscuit à trois candélabres, socle de porcelaine bleue compris les frais de raccommodage par Thomire 6500 livres » au marchand Empaytaz. En pleine période de dévaluation de la livre la somme de 6500 livres très nettement supérieure au 4800 livres précédentes ne doit cependant pas surprendre. De plus, à l'appui de cette identification et à l'aide d'un raisonnement a contrario, les candélabres vendus entre le 22 décembre 1790 et le 10 janvier 1791 sont sans grand doute possible ceux encore aujourd'hui conservés à Madrid au Palais Royal (P. Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, 1987, p.47, fig.41) et illustrés ci-dessous (fig.3)

 

 

Deux hypothèses sont donc bien envisageable. La première consiste en un achat des deux candélabres au prix de 2400 livres chacun soit 4800 livres lors des ventes de décembre au château de Versailles par le comte de Vergennes pour le Ministère des Affaires Etrangères au mois de décembre 1785. Louis XVI ordonne immédiatement leur envoi en Espagne, les archives parlent de « deux candélabres ou girandoles » en cadeau pour ses étrennes à la princesse des Asturies (Arch. Min. des aff. Etr., P2090, f.41-42)

La seconde hypothèse d'identification déjà évoquée correspond à la paire de candélabre que l'on retrouve très certainement à la fois en 1792 puis en l'an III (voir tableau récapitulatif). Cette paire semble aujourd'hui disparue, disparition beaucoup plus plausible pour celle-ci que pour la précédente que l'on retrace depuis le XIXe siècle.

A l'appui de la première hypothèse qui semble de loin celle devoir être privilégiée, le parcours d'un certain nombre d'objets français des collections royales espagnoles demeure très significatif. Un groupe de meubles et objets d'art composé notamment : du guéridon à plaques de porcelaine vendu à Paris (vente Paris, étude Tajan le 20 juin 2001, lot 146, puis Galerie Aveline, aujourd'hui dans une collection particulière, fig.2), des vases arabesques cités plus haut, des grands candélabres en bronzes patiné et doré passés sur le marché de l'art au début des années 2000 ainsi que bien entendu de la paire de candélabres de la collection Levy, se retrouve dans les collections Rothschild, probablement dès le dernier tiers du XIXe siècle. L'hypothèse la plus plausible réside donc dans un achat de plusieurs objets, en bloc, à la reine Isabelle II en exil, au moment ou elle s'installe en France, après 1868. Ces meubles et objets, réapparus depuis sur le marché de l'art, provenaient tous d'un membre de la famille Rothschild ; seul le hasard des ventes met ce fait en évidence, renforçant ainsi notre hypothèse.

 

 

BOIZOT, THOMIRE, SEVRES ET LA POSTERITE DU MODELE

 

Louis Simon Boizot (1743-1809) entra comme chef de l'atelier de sculpture de la manufacture de Sèvres en 1773. Une première collaboration avec un bronzier fut très probablement envisagée pour la réalisation d'une paire de girandoles destinées à madame Du Barry. On trouve notamment dans le mémoire du bronzier Gouthière la mention d'un paiement au sculpteur pour la réalisation de figures que l'on reconnait dans celles de Zéphir et Flore exposée au Salon de 1773 et éditées ensuite en porcelaine à Sèvres (Christian Baulez in « Louis-Simon Boizot », cat. exp. musée Lambinet, 23 octobre 2001-24 février 2002, Versailles, 2001, p.275). Les girandoles présentées sont plus probablement l'œuvre de la collaboration entre Boizot, en tant que donneur de modèle à Sèvres et le bronzier Thomire. Pierre-Philippe Thomire (1751-1843), reçu maître fondeur en 1772, fut présenté en 1783 par Boizot à d'Angiviller, comme successeur de Duplessis qui meurt le 2 août de cette année. Il devient dès lors le bronzier attitré de la manufacture et c'est à lui que doivent par conséquent être attribués les candélabres Levy.

 

Stylistiquement, il est intéressant de noter également la nouveauté des petits vases imitant les vases antiques grecs à figures rouges. Jean-Jacques Lagrenée  fut l'un des artisans de  la diffusion de ce goût pour l'antiquité archéologique en  publiant en 1782 son « Recueil de différentes compositions, frises et ornements dessinées et gravées à la manière du lavis par Lagrenée le jeune « . Il devient en 1785 l'un des directeurs de la manufacture de Sèvres et dessine peu de temps après une coupe aujourd'hui disparue décrite « en peinture etrusque (...) fond noir à Figures rouge-aurore qui donne un air d'antiquité ». Ce type de décor devait être très similaire à celui du petit vase surmontant la figure en biscuit. Hettlinger, directeur-adjoint de la manufacture, commente cette innovation de la façon suivante : « Il auroit mieux valu de ne pas y mettre des filets d'or, et sans or, elle seroit recherché du public » (Selma Schwartz, « The Sèvres porcelain service for Marie-Antoinette's dairy at Rambouillet  : an exercice in archeological neo-classicism», The French Porcelain Society Journal, IX, 1992). C'est également à cette époque que Dominique-Vivant Denon négocie avec les Bâtiments du Roi la vente de sa collection de vases grecs qui sera ensuite déposée à la manufacture de Sèvres.

 

Ce modèle de femmes drapées en caryatides fut repris ensuite en bronze patiné par le bronzier Rémond. Le modèle en bronze avait semble-t-il été crée pour le duc de Penthièvre qui paya la somme de 3400 livres en 1785. Signalons que le modèle en bronze était d'une valeur plus faible que le modèle en porcelaine. Sa dimension était également sans commune mesure. Un autre exemplaire fut réalisé par Rémond en 1787 pour le salon de musique de l'hôtel de la Princesse Kinsky situé rue Saint Dominique (collection particulière). Les figures furent  ensuite doré puis jugées dignes, quelques années plus tard, de figurer parmi les objets réservés par la Commission  des Arts en 1794. François Rémond réutilisa ces figures, en association avec Daguerre pour la pendule dite « au chapiteau » dont un exemplaire est aujourd'hui conservé dans les collections du duc de Wellington à Stratfield Saye (Angleterre). Ce sont également les mêmes figures, assises cette fois, qui ornent une autre pendule, variante de la précédente, exécutée par Rémond à partir de 1796.

Rappelons pour conclure l'extrème rareté de ce type de candélabre associant bronze doré et parfois patiné avec la porcelaine de Sèvres. Un exemple peu connus est aujourd'hui conservé en Russie au château de Pavlosk, les deux candélabres à décors d'enfants et béliers auxquels sont associés une pendule en forme de vase (voir illustration fig.4)