Lot 72
  • 72

Bureau de pente en marqueterie première partie d'écaille brune et laiton gravé en partie d'époque Louis XIV ; la partie basse d'un bureau dit Mazarin attribué à André-Charles Boulle, vers 1690 ; la partie supérieure réalisée postérieurement remployant des éléments d'époque Louis XIV attribués à André-Charles Boulle

Estimate
250,000 - 350,000 EUR
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Description

  • Haut. 111 cm, larg. 119 cm, prof. 62 cm
  • Height 43 3/4; width 46 3/4 in; depth 24 1/2 in
la structure supérieure ouvrant à un abattant à panneau de marqueterie d'écaille brune et laiton gravé orné des figures de l'Hiver et de l'Eté de part et d'autre du groupe d'Apollon et Marsyas en bronze ciselé et doré, les côtés à décor de dauphins d'époque postérieure, l'intérieur ouvrant à quatre tiroirs d'époque Louis XVI plaqué de loupe teintée vert à l'imitation de l'écaille ; le piétement constitué d'un bureau Mazarin (sans son plateau) ouvrant à six tiroirs en marqueterie à décor de masque de Daphné et encadrements également de bronze doré marqués au c couronné ; reposant sur huit pieds en enroulement réunis deux à deux par une entretoise à motif de poste



 



 

Provenance

- probablement la collection de monsieur de Montullé, sa vente à Paris le 22 décembre 1783, lot 311

- collection de Lady Lavinia Bertie

- collection particulière française

Condition

Overall good restored condition. The bureau de pente has been restored about ten years ago and is now in good condition. As said in the description, the lower part is an early 18th century bureau Mazarin attributed to André-Charles Boulle. It had previously a rectangular top now missing. The upper part adapted during the 18th century by using 18th century elements (early 18th century as marquetery panels and drawers of the upper part are circa 1780). IE the front panel was probably originally decorated the back of the Mazarin. The top of the structure possibly 18th century while the sides and the inside were executed when adapted. The giltbronze mounts are early 18th century with a very fine chasing and a good gilding. Some of the giltbronze frames of the drawers with the C crowned mark. The structure is solid ; very interesting piece.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

IDENTIFICATION DU MEUBLE DANS SON ETAT D'ORIGINE

Sous sa forme originelle d'un bureau Mazarin, le bureau présenté correspond très probablement à celui ayant appartenu à monsieur de Montullé. On trouve dans sa vente à Paris, le 22 décembre 1783, dans un chapitre intitulé "Meubles de Boule" comprenant l'unique meuble de la vente par André-Charles Boulle, décrit de la façon suivante :

311 Un très beau bureau de Boule, première partie, à deux faces ; il est composé de six tiroirs ornés de poignées de masques de femmes, et bordés chacun en bronze ; les deux côtés en retour sont aussi décorés de masques de femmes ; les pieds, de forme chantournée avec  entrejambe, ornés chacun de rinceaux d'ornemens ; il est couvert d'un velours verd, bordé d'un carderon de bronze. Hauteur 2 pieds 7 pouces, largeur 3 pieds 9 pouces 6 lignes, profondeur 2 pieds 1 pouce.

Vendu 400 livres à Lebrun

Ce document essentiel autorise un certain nombre de conclusions importantes. Avant de les aborder, il convient d'étayer et de soutenir la justesse de ce rapprochement.

Un élément fondamental demeure le très petit nombre de bureaux Mazarin comptant six tiroirs ; la quasi totalité de ces bureaux ouvrant à cinq ou sept tiroirs tiroirs et un coffre à vantail. La description très précise du catalogue de la vente conforte cette identification, seule la partie arrière, dont la mention "à deux faces" renforce cependant le rapprochement, n'est pas explicitement décrite. Par ailleurs, les dimensions relevées sur le bureau débarrassé de sa partie supérieure (H: 80 cm, L: 118,7 cm, P: 62 cm) sont, au pouce près, les dimensions de la vente de 1783. Ces petites différences trouvent une explication simple dans une possible diminution en hauteur au moment de l'adaptation du caisson supérieur ainsi que dans la présence d'un plateau plus saillant. Il est d'autre part intéressant de constater que le plateau du bureau de monsieur de Montullé était en 1783 simplement recouvert d'un velours vert et non pas, comme on aurait pu l'imaginer, d'une riche marqueterie d'écaille et laiton gravé.

ETAPES ET MODALITES DE REALISATION DU MEUBLE

Deux étapes bien distinctes donnent à ce meubles son apparence actuelle. Les observations faites à l'occasion du démontage du meuble mettent en évidence un certains nombre d'éléments dont la mise en perspective permet d'avancer une hypothèse privilégiée.

La thèse réside dans une datation de l'abattant de l'époque Louis XIV, le bâti des petits tiroirs en chêne à l'intérieur quant à lui, au plus tôt à partir de 1760. Reste à définir la date de la transformation, partant du principe que les premiers secrétaires de pente datent des années 1730.

L'hypothèse la plus plausible demeure la transformation d'un bureau Mazarin toutes faces par dépose du panneau de marqueterie et bronze situé à l'arrière pour en faire un abattant, dépose de la marqueterie à l'arrière des pieds ; ceci à la fin du XVIIIe siècle ou dans la première partie du XIXe siècle. La philosophie générale ayant présidé à cette réalisation étant de conserver et d'utiliser un maximum d'éléments anciens.

Le passage aux enchères du bureau Mazarin de la collection Montullé en 1783 et sa vente la somme relativement importante de 400 livres à l'un des plus grands marchand de l'époque rend tout à fait plausible une transformation en un secrétaire de pente à partir de 1783 dans le but de le revendre dans de meilleures conditions. Ceci permettant de remettre au goût du jour, un bureau Mazarin dont la forme est démodée sous Louis XVI, en le transformant en un secrétaire de pente. Le marchand fait ici un calcul statégique. La clientèle se tournant dorénavant plus volontiers vers les bureaux plat, les secrétaires à cylindre ou à abattant, cette adaptation en fait néanmoins un meuble tout à fait revendable dans les années 1780, grâce notamment à l'attrait continu pour la marqueterie d'écaille ainsi qu'à la fascination grandissante pour les oeuvres d'André-Charles Boulle.

 

LE THEME D'APOLLON

Ce thème constitue une sorte de fil directeur pour le décor de ce meuble. La façade et les côtés sont ornés de masques féminin dont la chevelure est constituée de feuilles de laurier. Il s'agit de la déesse Daphné qui, pour échapper à Apollon, est transformée en laurier. Cette plante sera dorénavant associée à Apollon et deviendra au travers de la couronne de lauriers un emblême de gloire. Cette légende tirée des Métamorphoses d'Ovide est interprétée comme une victoire de la chasteté sur l'amour sensuel.

Appolon s'illustre également, toujours dans les Métamorphoses, au travers du mythe d'Apollon et Marsyas. Pour s'être mesuré à lui afin de déterminer lequel était meilleur musicien, Marsyas fut suspendu à un arbre et écorché vif. Ce bronze d'André-Charles Boulle montre la scène, Apollon tenant encore sa lyre designant le bourreau s'apprettant à supplicier Marsyas dont la flûte git à ses pieds.

 

ANDRE-CHARLES BOULLE

L'association des deux thèmes mettant en scène Apollon, d'une part avec Marsyas et d'autre part avec Daphné, sont des thèmes déjà associés par Boulle sur une armoire en marqueterie vendue par Philipps, le 5 décembre 2001 à New York (très proche de celles conservées à la Wallace Collection de Londres, F61 et F62). On y retrouve de groupe de Marsyas, identique au nôtre, tandis que le thème de Daphné, en pendant, est illustré par Apollon poursuivant Daphné en train de ce transformer en laurier. Pour une autre mise en perspective de ces bronzes dans l'oeuvre d'André-Charles Boulle, citons également l'armoire conservée dans les collections royales de la reine d'Angleterre au château de Windsor.

Au nombre des autres éléments faisant partie du répertoire de Boulle, le dessin de l'entretoise, et plus particulièrement le motif en forme de poste, encadrant aux quatre côtés la partie centrale. Ce motif apparaît très clairement sur plusieurs des gravure d'après André-Charles Boulle publiée par Mariette.

Un autre élément caractéristique est l'enroulement du pied que l'on trouve à de multiples reprises chez Boulle notamment sur les guéridons porte-torchère, certains cartels et par extension les crosses marquant les angles des bibliothèques basses. Les bronzes du Printemps et de l'Hiver (parfois enrichi d'un braséro) sont également des leitmotivs dans l'oeuvre de Boulle.

Les masques que l'on trouve sur les côtés et en dessous des deux rangs de tiroirs à droite et à gauche de la façade, sont également utilisés d'une façon simplifiée pour servir de support au socle sur lequel repose la figure de Louis XIV des cabinets sur piétement du Louvre (OA5458) ainsi que sur un certain nombre de cabinets semblables transformés à la fin du XVIIIe siècle en meuble d'appui (notons au passage que ces cabinets possedait à l'origine une plateforme d'entretoise identique à celle de notre bureau). Ces masques sont ici enrichis de feuilles de laurier permettant d'identifier la figure de la nymphe Daphné. Ils ornent également un coffret de toilette illustré dans A. Pradère, Les ébénistes français de Louis XIV à la Révolution, fig 41, p.86 et surtout les poignées de tirage de l'extraordinaire commode en palissandre vendu par Sotheby's Monaco le 6 février 1978, lot 147 (voir Pradère, op.cit, p.107, ill.).

Si l'on examine la totalité de chaque panneau des côtés, le masque de Daphné, dans un encadrement de bronze doré à volutes et feuillages rigoureusement identique à celui qui orne un autre bureau de marqueterie attribué à Boulle conservé au Metropolitan Museum de New York (don Ogden Mills) dont le pendant a été vendu par Christie's New York le 2 novembre 2000, lot 179.

La mise en perspective avec le dessin de Jean Bérain conservé à Stockholm (voir illustration), nous éclaire notamment sur les influences mutuelles entre l'ornemaniste et l'ébéniste. Notre bureau d'André-Charles Boulle présente en effet un piétement très similaire, malgré l'absence d'entretoise au centre. Ce modèle original est également à rapprocher du célèbre tableau représesentant le régent et son fils dans un cabinet de travail (repr. in J. de La Gorce, Bérain, Paris, 1986, p. 41)

S'il en était besoin, rappelons que le catalogue de la vente Montullé, attribue de façon ferme et définitive, le bureau Mazarin à André-Charles Boulle.

JEAN-BAPTISTE-FRANCOIS DE MONTULLE (1721-1787)

Cousin du célèbre collectionneur Jean de Jullienne, Jean-Baptiste-François de Montullé devint rapidement conseiller d'état puis secrétaire des Commandements de la reine Marie Leczinska, puis de la jeune dauphine Marie-Antoinette. Propriétaire de la célèbre manufacture de teinture développée par son cousin Jullienne, il était déjà signalé en 1762 dans le Dictionnaire pittoresque et historique d'Hébert, membre honoraire de l'Académie de peinture et sculpture. Il possédait une collection de tableaux et de sculpture importante qui fut vendue de son vivant en 1783.