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Pierre Soulages
Description
- Pierre Soulages
- Peinture, 20 juin 1957
- signé et daté au dos
- huile sur toile
- 130 x 162 cm; 51 1/4 x 63 3/4 in.
- Peint en 1957.
Provenance
Collection particulière, Pittsburgh, acquis en 1958
Exhibited
San Francisco, Museum of Art, American business and the arts, 1961
Houston, Museum of Fine Arts, Pierre Soulages: Retrospective Exhibition, 1966
Pittsburgh, Carnegie Institute, Pittsburgh Corporations Collection, 1975, no. 45
Literature
Pierre Daix, James Johnson Sweeney, Pierre Soulages, Neuchâtel, 1991
Pierre Encrevé, Soulages, l'oeuvre complet, Peintures, vol. I, 1946-1959, no. 304, illustré p. 246
Catalogue Note
signed and dated on the back; oil on canvas. Painted in 1957.
Dès 1948, dans le catalogue de l'exposition Französische abstrakte Malerei, Pierre Soulages pose le principe d'un art comme quête métaphysique : « Une peinture est une organisation, un ensemble de relations entre des formes (lignes, surfaces colorées) sur lequel viennent se défaire les sens qu'on lui prête ». Il respectera toujours cette règle, sans lui offrir une manifestation plastique figée.
Il ne travaille jamais son œuvre dans la linéarité, ni la continuité. Ses recherches picturales sont constituées de différents cycles qu'il achève, comme autant de voyages à travers la compréhension du monde et de l'Humanité.
En 1951, il affirme que le « le cadre historique (conditions matérielles et sensibilité de l'époque, échelle des valeurs et personnalité de l'artiste) s'il motive la genèse des œuvres ne la détermine pas : telle est la liberté du peintre ». (L'art et le climat visuel contemporains, catalogue du salon de mai, Paris, 1951, p.1)
Ainsi, Soulages aborde l'acte de peindre comme une « expérience poétique » transfigurant le monde. Dès lors, il n'abandonne jamais totalement une technique, il se réfère parfois à des toiles antérieures pour avancer dans de nouvelles voies prolongeant sa recherche d'une métaphore instantanée du monde. Ces différents cycles de travail pictural sont aussi le reflet d'un refus catégorique que sa peinture soit identifiée comme le reflet de son propre vécu. A ses yeux, cela entrainerait une « perception arbitraire » dans le regard du spectateur.
Sans jamais cloisonner une œuvre dans sa matérialité, Soulages insiste sur la notion d'objet mis à la disposition du public qui « en est l'interprète nécessaire pour que ce travail devienne une œuvre d'art ». (Pierre Soulages, L'espace dans la peinture, Le Disque vert, Janvier-Février 1954, p.79-81.)
L'année 1954 représente un changement dans le style de Soulages, que Pierre Encrevé identifie très clairement, et qui dure selon lui jusqu'en 1959. Il isole cinq nouveaux types de peinture, dont un groupe important commencé en 1956, qui annonce les poliptyques des années 1980. "La toile Peinture 130 x 162 cm, 20 juin 1957 est un autre exemple de triptyque latent horizontal. Dans ces peintures, dont certaines sont statiques mais d'autres dynamiques, Soulages rompt totalement avec le signe unique qui se "lisait d'un coup" au profit d'une division horizontale régulière de la surface par la répétition de "figures" autonomisées, qu'elles soient orthogonales ou réalisées par la succession rythmée de touches voisines." (Pierre Encrevé, op. cit. p. 170).
Dans cette oeuvre, Soulages joue avec les transparences des couches picturales noires et bleues, qu'il alterne en rythme sur la toile comme les touches d'un clavier. Les formes tendent à recouvrir toute la toile, annonçant la monochromie que le peintre expérimentera plus tard, et ce jeu de transparence anime la composition en lui conférant de la profondeur. 'En éprouvant, en vivant les rapports de couleurs, de formes, l'espace, les structures, les rythmes qui sont propres à un artiste, on est introduit à une nouvelle manière de réagir, d'éprouver et de comprendre le monde; ainsi naissent entre les hommes et le monde de nouveaux rapports, une nouvelle réalité. L'expérience que le peintre a du monde pénètre l'oeuvre. La peinture étant une expérience poétique, le monde y est transfiguré: le tableau est une métaphore.' Pierre Soulages, 'Chacun sa réalité', enquête de Pierre Volboudt, Vingtième Siècle, no. 9, 1957, p. 35
La période des années 50 est féconde pour Soulages, qui gagne une reconnaissance internationale par l'intermédiaire du marchand américain Sam Kootz. Celui-ci fut le premier à présenter les artistes américains en France dès 1947 et inversement, il tint à imposer les jeunes artistes français aux Etats-Unis. C'est en 1952 qu'il achète sa première peinture de Soulages, à la galerie Carré, et en 1954, il demande au peintre de devenir son représentant américain, ce qu'il accepte. Dès lors, il lui organise chaque année une exposition.
C'est au cours du mois de juin 1957, que Pierre Soulages est lauréat du prix Windsor pour favoriser la rencontre entre les artistes d'Europe et des Etats-Unis. L'artiste fut choisit sur les conseils de Jean Cassou, conservateur en chef du Musée National d'Art Moderne de Paris. En novembre, il part pour les Etats-Unis. Des réceptions en son honneur seront organisées au MoMa et au Guggenheim et des visites d'ateliers, où lui seront présentés De Kooning, Rothko et Motherwell qui resteront des amis indéfectibles. Cet événement fut le révélateur des travaux de Pierre Soulages aux yeux du grand public américain. La collaboration avec Kootz fut le prisme qui accélèrera son grand succès outre Atlantique.
Fig. 1 Atelier rue Galande, 1958 © Maywald
Fig.2 Sam Kootz dans sa galerie, 1018 Madison Avenue, New York, 1959 © droits réservés
Fig.3 Pierre Soulages, Peinture 24 juin 1959, huile sur toile, vendu € 1,498,968
Fig.4 Pierre Soulages, Peinture 9 novembre 1959, huile sur toile, vendu € 1,199,200