Rodin. Portrait de Victor Hugo, dessin original. Hugo. Lettre autographe à Paul de Saint-Victor. France. Discours sur Victor Hugo, manuscrit autographe.

Portrait de Victor Hugo vu de profil à droite par Auguste Rodin. [1883]. Plume et encres brune et noire, lavis d'encre et rehauts de gouache, 154 x 100 mm, sur papier vergé collé sur un feuillet in-folio.
Signé et annoté à la plume et encre noire en bas, à droite : "croquis d'après le maître Victor Hugo. Rodin."



reliure signée georges cretté, successeur de marius michel, vers 1920. Maroquin vert janséniste, doublure de maroquin vert clair, gardes de tabis vert et doubles gardes de papier marbré. Etui.



pièces jointes :

- une lettre autographe. signée de Victor Hugo à Paul de Saint-Victor (Hauteville House, le 10 décembre 1865, 3 p. in-4 sur papier bleu).
- le manuscrit autographe du discours commémorant le siècle de la naissance de Victor Hugo, qu'Anatole France prononça à Paris au Trocadéro le 24 février 1902 et publié dans Pages libres le 1^{er mars de la même année (6 p. in-folio, encre violette) : "(...) Ce que nous saluons ici avec respect, ce n'est pas seulement un homme, c'est un siècle de la France et de l'humanité (...)".}

Louis Barthou, ex-libris (II, 1935, n° 1040, Portrait par Rodin reprod. pl. LXXXVI).

Victoria Thorson, Rodin graphics, The Fine Arts Museums of San Francisco, 1975, pp. 46-56-- Claudie Judrin, « Les portraits de Victor Hugo (1883-1885) » in cat. exp. Victor Hugo vu par Rodin, Musée des Beaux-Arts de Besançon, Éditions Somogy, 2002, pp. 44-52--Antoinette Le Normand-Romain et Christina Buley-Uribe, Rodin. Dessins et aquarelles, Paris, Hazan, 2006, pp. 136-137. Hugo, Oeuvres complètes, Massin, XIV, 1868-1870, p. 1571.

Bordures du manuscrit de France sur Hugo légèrement salies.
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"La première fois que je vis Victor Hugo, il me fit une impression profonde ; l'oeil était magnifique ; il me parut terrible ; il était probablement sous l'influence d'une pensée de colère ou de lutte, car son expression naturelle était plutôt celle d'un homme bon. Je crus voir un Jupiter français ; quand je l'ai mieux connu, il me paru tenir plus de l'Hercule que du Jupiter." (Rodin).

Un superbe dessin original signé de Rodin représentant Victor Hugo. Ce portrait de Victor Hugo par Rodin, est exceptionnel à plus d'un titre. D'une part, il est un des rares exemples de portraits dessinés par Rodin. D'autre part, il est contemporain des célèbres « dessins noirs » pour La Porte de l'Enfer, inspirés de Dante, très contrastés, auxquels Rodin travailla intensément pendant les premières années de 1880. Enfin, ce portrait témoigne de la rencontre du monument vivant qu'était alors Hugo avec Rodin, sculpteur prometteur mais dont la réputation était encore entachée du scandale de L'Âge d'Airain, accusé d'être le produit d'un surmoulage et non pas l'œuvre d'un sculpteur.
C'est Edmond Bazire, journaliste à l'Intransigeant, ardent républicain et proche de Hugo, qui réussit à convaincre Hugo de poser pour un nouveau buste. Il avait fortement critiqué au Salon de 1882 le faible buste de Hugo par Victor Vilain et s'était répandu en éloges sur les portraits présentés par Rodin. Bazire avait obtenu pour lui quelques séances de travail chez Hugo qui s'étaient échelonnées entre février et avril 1883. Hugo, persuadé que son buste par David d'Angers était insurpassable, n'avait accordé qu'une médiocre attention à Rodin. Il s'était contenté d'accepter sa présence, mais à la condition de ne pas poser. L'artiste, qui n'avait pas l'habitude de faire des dessins préparatoires à ses sculptures, avait dû se résoudre à confronter son travail de modelage à de nombreux croquis pris sur vif : "Je me plaçais de côté ou derrière lui, le suivant de l'œil, faisant de lui des croquis rapides, dessinant autant de profils que je le pouvais sur de petits carrés de papier ; il ne me regardait pas, mais il avait la bonté de ne pas m'écarter ; il me tolérait. J'ai fait beaucoup de dessins du crâne, je comparais ensuite mes profils avec ceux du buste ; j'arrivai ainsi à l'exécuter, mais avec combien de difficultés." (Dujardin-Beaumetz, Entretiens avec Rodin, 1913,  p. 109.) Rodin exécuta au moins une vingtaine de ces dessins—certains contenant jusqu'à sept croquis sur une même feuille. Dans un deuxième temps, il retravailla certains d'entre eux à l'encre et à la gouache. 


Ce portrait de Victor Hugo vu de profil est l'un des dessins les plus aboutis de cet ensemble. Il est aussi l'un des rares que Rodin annota et signa. Il semble répondre à un portrait au graphite, rehaussé au lavis d'encre et à la gouache, conservé au musée Rodin (D. 5356) d'un Victor Hugo vu de face (voir Le Normand-Romain et Buley-Uribe, planche 61, p. 137, repr.). Ils sont tous deux exécutés sur un même papier vergé, de mêmes dimensions.
Nous remercions vivement Madame Buley-Uribe pour sa participation à la rédaction de cette notice. Le dessin sera inclus dans son Catalogue raisonné des dessins et peintures de Rodin au numéro 80401 (en préparation).

Une très belle et longue lettre autographe signée de Victor Hugo à Paul de Saint-Victor : " La solitude serait pesante sans la communion avec les grands esprits. Je les cherche dans le passé, et ils me répondent ; je les cherche dans le présent  et ils me répondent aussi. Mes livres sont les lettres que je leur écris. Vous venez de m'accuser réception des Chansons des Rues et des Bois.
Vous avez lu ce livre, et vous en parlez magnifiquement. Vous avez le don de formuler l'art en une ligne et d'écrire un poème en une page. (...) Sur cette roche où je vis dans la brume et dans la tempête, je suis parvenu à me désintéresser de toute chose, excepté des grandes manifestations de la conscience et de l'intelligence. Je n'ai jamais eu de haine, et je n'ai plus de colère. Je ne regarde plus que les beaux côtés de l'homme ; je ne me courrouce plus que contre le Mal absolu, plaignant ceux qui le font ou qui le pensent ; j'ai profondément foi au progrès, les éclipses sont des intermittences, et comment douterais-je du retour de la liberté (...)", Hugo est à Guernesey. De Hauteville House, ce 10 décembre 1869, il ne sait pas que le jour même ses deux fils sont jugés pour avoir, dans Le Rappel, soutenu publiquement deux soldats envoyés aux compagnies disciplinaires d'Afrique. Il apprendra quatre jours plus tard l'emprisonnement de Charles, condamné à quatre mois de prison.