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Lot 136
  • 136

La Poupée. Maquette originale avec 23 photographies. 1936.

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Description

  • Hans Bellmer
  • La Poupée.Maquette originale avec 23 photographies.1936.
In-16 (120 x 81 mm). 



illustration : 8 photographies originales en noir et blanc (environ 55 x 55 mm), 13 photographies originales coloriées, de même format, et 2 découpes photographiques originales coloriées ; au total 23 photographies dont 15 en couleurs.



envoi autographe signé : "À Georges Hugnet comme signe de mon admiration et de mon amitié. Hans Bellmer. 1937" à l'encre rose, autour du premier découpage photographique du volume sur la page portant la date imprimée "1936".



reliure signée de georges hugnet et réalisée par Louis Christy, vers 1936-1937. Maroquin noir à bords bombés encadrant sur chaque plat une « vitrine reliquaire », contenant chacune une attache métallique de porte-jarretelles à tissu de soie élastique vert jade, fixée à un morceau de bas de soie noire, et sortant d'un fragment de napperon blanc brodé, dos lisse, gardes de soie de brodée rose à pois, doubles gardes ornées de décalcomanies originales à l'encre noire, tête dorée. Boîte-étui moderne de maroquin noir.
Parfait état de conservation.

Provenance

Georges Hugnet.

Literature

Pierre Dourthe, Bellmer, le principe de perversion, J.-P. Faur, 1999, p.59-61.

Catalogue Note

Exceptionnel livre-objet, l'un des 2 connus avec l'extraordinaire reliure reliquaire de Georges Hugnet doublée de décalcomanies originales, l'autre provenant de la bibliothèque Daniel Filipacchi.   
Confectionné entre 1936 et 1937 pour Georges Hugnet lui-même, considéré comme la charnière essentielle entre la première Poupée (publiée en 1934 en Allemagne et en 1936 en France) et l'édition en couleurs des Jeux de la Poupée (en 1949), cette maquette est avec ses 23 tirages une des plus riches en photographies originales de La Poupée, toutes éditions confondues.
L'exemplaire Filipacchi comportait 15 tirages (dont 9 coloriés). Un exemplaire relié en soie par Georges Hugnet, actuellement dans une collection privée européenne, compte 17 photographies. 
Seuls une maquette de 1938 avec 24 tirages coloriées, et un exemplaire des Jeux de la Poupée avec les 15 photographies du volume augmentées de 10 tirages supplémentaires coloriés sont plus complets : mais la première, légèrement postérieure à notre exemplaire, est dans une collection publique (Centre Pompidou) et le second, dans une collection privée, est postérieur de quelque douze années.

La confection artisanale de cette maquette, quelquefois appelée "Poupée 2" ou "reportage" par Bellmer lui-même, semble avoir été réalisée à très peu d'exemplaires destinés aux amis surréalistes parisiens de l'artiste : Éluard, Breton, Parisot, Valançay et, bien sûr, Hugnet. Elle marque la toute première apparition des Poupées coloriées. "Je les faisais de 36 à 37 dans la petite maison de campagne, en pleine forêt, où j'ai passé une partie essentielle de mon enfance. Partout là où des détails de la Poupée entre en contact avec un arbre, avec un escalier, avec une vieille chaise, pour se fusionner avec ces objets" (cf. catalogue Beaubourg 2006, p. 238). L'idée des Poupées en couleurs ainsi que le procédé technique pour les colorier furent suggérés par Eluard : dès l'été 1936, Bellmer colorie à la main ses premiers personnages, avec une peinture à l'aniline, soit de façon monochrome (jaune, bleu, vert, rose ou bleu électrique) soit en variant sur le même cliché les passages de couleurs : coloration artificielle, expressioniste, qui renforce l'étrangeté de l'image. Ce procédé était utilisé à l'origine par les surréalistes pour peindre leurs cartes postales anciennes, notamment les érotiques.  

C'est vraisemblablement au sujet des présentes images que Hugnet écrivit à Bellmer, le 23 janvier 1937 : "Vous pensez quelle a été ma joie de recevoir vos superbes photos en couleurs. Je me demande si elles ne sont pas mieux encore que les premières. Votre entreprise, le monde que vous avez créé, sont en tous points sensationnels". Hugnet s'imposera comme l'alter ego français d'Hans Bellmer : ils prendront le parti d'Eluard en 1938 lors de la rupture avec Breton avant de collaborer à l'édition d'un autre bijou du livre illustré surréaliste : Oeillades ciselées en branche en 1939. 

On connaît également l'admiration émue avec laquelle Breton reçut "le petit livre colorié dont vous nous avez fait présent et dont on tourne les pages avec un regard de plus en plus lointain, dans la lumière des terrains vagues de l'enfance que vous êtes seul au monde à recréer : rien de plus tentant, de plus dangereux que cette vision qu'on vous doit sur le monde perdu qui continue à flanquer l'autre de ses balustrades si tendres ; vous êtes le grand livreur du secret." (lettre à Bellmer, 6 février 1936). Le saisissement des surréalistes sera unanime : La Poupée, conjuguant eros, jeu, délire, mort et enfance, est d'emblée perçue comme l'objet surréaliste par excellence : "Elle répond tant aux recherches menées, depuis le début des années 30, autour de l'objet, essentiellement par Dali (Objet à fonctionnement symbolique), Giacometti (Objets mobiles et muets) et Eluard (Physique de la poésie) qu'à leur intérêt pour l'érotisme et à leur désir d'invention d'une mythologie moderne" (catalogue Beaubourg 2006, p. 223).