Lot 97
  • 97

Roussel, Raymond Étoile cosmique. Dimanche 29 juillet 1923.

Estimate
10,000 - 15,000 EUR
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Description

  • Roussel, Raymond
  • Étoile cosmique.Dimanche 29 juillet 1923.
L : 50 mm ; ép. 15 mm.



Petit gâteau sec en forme d'étoile à cinq branches, placé dans une boîte d’argent spécialement fabriquée selon sa forme, avec un couvercle de cristal, l’habitacle ainsi constitué fermant par un minuscule cadenas. À l'anneau de suspension situé à l'extrémité d'une branche est attachée une pièce de peau de vélin sur laquelle est inscrit à la plume et encre noire : « Étoile provenant d'un déjeuner que j'ai fait le Dimanche 29 Juillet 1923 à l'Observatoire de Juvisy chez Camille Flammarion qui présidait. Raymond Roussel. »
Le gâteau est brisé.



Cet objet étonnant, sorte de « ready-made » selon l’invention de Marcel Duchamp (rappelons que ce dernier reconnut que les Impressions d’Afrique de Roussel avait en grande partie influencé son Grand Verre), fut vendu après la mort de Roussel en 1933. Retrouvé par hasard par Georges Bataille au marché aux Puces, ce dernier l’offrit à sa compagne de l’époque, Dora Maar, qui le conserva jusqu’à la fin de sa vie.
Cet objet a beaucoup frappé tous ceux qui l’ont vu, à commencer par Georges Bataille : « Pour mieux décrire ce qui se passe (ce petit craquement ouvrant un monde encore inaccessible), je chercherai à représenter les rapports de l'homme et de l'univers en me servant de l’« étoile de Roussel ». D'un déjeuner chez Camille Flammarion (qui suivait la visite d'un observatoire), Raymond Roussel rapporta un petit gâteau sec en forme d'étoile à cinq branches. Il fit faire une boîte d'argent de la même grandeur et de la même forme, avec un couvercle vitré, puis il y enferma l'étoile à l'aide d'un cadenas d'argent minuscule (ce cadenas mesure quelques millimètres à peine). Une étiquette de parchemin rattachée à la boîte d'argent rappela l'origine du petit gâteau. L'objet vendu après la mort de Roussel fut trouvé par chance au marché aux puces. Il ne m'a pas appartenu, mais il resta plusieurs mois dans mon tiroir, et je ne puis pas en parler sans trouble. L'obscure intention de Roussel apparaît bien liée au caractère comestible de l'étoile : il a visiblement voulu s'approprier l'étoile mangeable avec plus de conséquence et de réalité qu'en l'absorbant. L'étrange objet signifiait pour moi que Roussel avait accompli à sa façon le rêve qu'il avait dû former de « manger une étoile du ciel ». [« Les mangeurs d'étoiles », in André Masson, Rouen, 1940, repris dans Georges Bataille, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1970, t. I, p. 566].



Michel Leiris évoque également cet objet, à plusieurs reprises, dans ses écrits sur Roussel.
De même, Annie Le Brun qui fait un rapprochement entre la fameuse madeleine de Proust et ce « gâteau étoilé » [Annie Le Brun, Vingt mille lieux sous les mots, Raymond Roussel, J.-J. Pauvert / Fayard, 1995, p. 341 et 342].

Provenance

Camille Flammarion.
Raymond Roussel.
Georges Bataille.
Dora Maar.

Exhibited

« Exposition surréaliste d’objets », Galerie Charles Ratton, 22-29 mai 1936.
« La révolution surréaliste », Centre Georges Pompidou, Paris, 6 mars-24 juin 2002, n° .

Literature

En photographie :
Dora Maar, Galeries de la Vieille Charité, Marseille, 7 février-30 avril 2002, puis Barcelone, 21 mai-15 juillet 2002.
« Surrealismus 1919-1944 », Cologne, 2002.

Film :
« Objets surréalistes, avez-vous donc une âme ? », par Jean-Paul Fargier (diffusé sur France 5 en 2002).

Catalogue Note

Raymond Roussel fut un grand admirateur de l’astronome français autodidacte Camille Flammarion (1842-1925), qui fonda en 1887 la Société Astronomique de France et qui vulgarisa, avec un grand talent de pédagogue, les connaissances astronomiques de son temps.  La Pluralité des mondes habités (1862), Astronomie populaire (1879) sont ses ouvrages les plus connus. « Les deux pièces qu'il va écrire et faire jouer, L'Etoile au Front et La Poussière de Soleils, sont aussi des hommages à Camille Flammarion » écrit François Caradec [Raymond Roussel, Fayard, 1997, p. 261 & 262].
Rappelons qu’André Breton qui considérait Roussel, avec Lautréamont, comme « le plus grand magnétiseur des temps modernes », donna comme nom à la galerie surréaliste de l’après-guerre « L’Étoile scellée ».