Lot 47
  • 47

[Baudelaire, Charles] Nadar (Félix Tournachon, dit). [Manuscrit autographe et notes préparatoires de son ouvrage : Charles Baudelaire intime : le poète vierge ]. (Entre 1901 et 1910).

Estimate
12,000 - 18,000 EUR
Log in to view results
bidding is closed

Description

  • [Baudelaire, Charles]
  • Nadar (Félix Tournachon, dit).[Manuscrit autographe et notes préparatoires de son ouvrage : Charles Baudelaire intime : le poète vierge ]. (Entre 1901 et 1910).
Manuscrit et notes non datés (entre 1901 et 1910 ; certaines notes sont vraisemblablement antérieures), formant un total de 86 pages sur 81 feuillets in-4 ou grand in-8.
Très bon état de conservation pour le manuscrit : papier légèrement jauni, quelques taches et petites brunissures, quelques pliures angulaires. De nombreuses pages sont avec découpes montées. Certaines pages des notes sont en mauvais état (déchirures, pliures et salissures, taches d’encre ou de colle).



Détail de l'ensemble :

1) Manuscrit autographe de premier jet.
53 pages petit in-4, 230 x 180 mm, à l’encre noire aux rectos de 53 feuillets de papier pelure, chiffrées au crayon de « 1bis » à « 63 » (manquent les pages 30 à 32, 41 à 43, 53 à 56, avec 2 pages chiffrées 58, et 60 à 62). La page 24 comporte au verso des notes au crayon et à l’encre.
Manuscrit très corrigé, présentant près de 300 corrections dont de nombreux passages et lignes supprimés, plusieurs pages également entièrement biffées au crayon bleu ou rouge de typographe ; des corrections à l’encre ou au crayon. Des mentions au crayon bleu ou rouge émaillent les pages : « revoir original », etc ; la page 21 porte en rouge : « Épisode Jules Janin supprimé ».
Ce manuscrit présente de nombreuses variantes avec le texte publié ainsi que des passages demeurés inédits. Si le texte parfois est très proche de la version imprimée, il s’en sépare en d’autres endroits complètement remaniés.
Exemples de passages supprimés : pp. 7 et 8 sur le « racisme » à l’égard des noirs et les opinions contraires de Baudelaire « (…) Quel stupide préjugé dédaigne les noirs au point d’étendre à leur sensibilité la défaveur attachée au pigment de leur race ? Mon ami se déclarait enchanté de sa mulâtresse et des distinctions de son cœur (…) » Autre important passage supprimé, l’épisode « Jules Janin », pp. 20 et 21, montrant le critique en extase enfantine devant le poète que lui présente pour la première fois Nadar : « (…) à peine avais-je nommé mon compagnon, que Janin, ravi, gagnait le corridor et l’escalier, et, appelant sa digne épouse à tue-tête, faisait retentir de sa joie éberluée toute la maison : - Cocotte ! Baudelaire ! Baudelaire qu’amène Nadar !! C’est Baudelaire !! Viens voir, Cocotte !!!… Ce jour-là le poète des Fleurs du Mal put se croire le pair de la femme à barbe, du mouton à cinq pattes et du phoque parleur. Pourtant, si quelqu’un s’était conduit en original, était-ce lui ? »



2) Notes préparatoires.
33 pages au total, la plupart grand in-8 ; certaines pages biffées d’un trait de plume, d’autres comportant de nombreuses corrections avec remaniements et modifications. La graphie de Nadar est très changeante sur certains documents. Un feuillet in-8 comporte une liste de noms des amis et relations de Baudelaire, biffés après mention. Certaines annotations semblent avoir été ajoutées postérieurement.
Nadar a consigné des pensées, aphorismes et souvenirs de son ami : « Il disait : Je hais les testaments et je hais les tombeaux / corbeaux de lettres. Je suis de ceux qui s’éloignent au moment du commencement des discours funéraires. » On trouve également des fragments d’une première version de son texte ainsi que cette justification de son entreprise : « D’autres diront mieux que moi ce que vaut le poète qui a écrit Les Fleurs du Mal, – ce livre célèbre et inconnu. Bien plus inconnu lui-même et non moins légendaire, l’homme a dû compter que ceux qui ont vécu de sa vie et qui l’ont aimé lui apporteraient au moment venu leur témoignage, et c’est le devoir dont je m’acquitte à cette heure. »

Catalogue Note

Le manuscrit et les notes préparatoires comportent des graphies différentes de Nadar, témoignant du temps consacré à cette étude. Plus qu’une simple biographie du poète, tâche dont s’acquitta le premier Charles Asselineau, ce texte présente un Baudelaire en mouvement, à la fois intime et proche, vu à travers le prisme d’une amitié fraternelle et sans égal.
Nadar et Baudelaire s’étaient rencontrés au début des années 1840, et restèrent liés par une très forte amitié malgré des brouilles passagères. La correspondance de Nadar avec Baudelaire permet d’appréhender cette amitié de façon plus intime. Nadar, qui survécut plus de quarante ans à son ami,  lui donna pour finir cette dernière preuve d’amitié après l’avoir immortalisé à travers ses célèbres portraits photographiques. L’ouvrage de Nadar a été publié la première fois de manière posthume, en 1911, à Paris, chez Auguste Blaizot.
Nadar a souvent décrit Baudelaire, notamment lorsqu'il le rencontra pour la première fois. Baudelaire « était alors un long garçon sans fin, maigre en diable et dégingandé, - quelque chose comme une ficelle avec des nœuds - émerillonné, toujours en quête d’aventure, le plus grand chasseur de filles devant l’Éternel que j’aie rencontré. (…) » De même a-t-il fixé pour toujours la silhouette de la célèbre muse du poète, qui avait été auparavant sa propre maîtresse, Jeanne Duval (le manuscrit diffère du reste quant aux dates de la première rencontre avec Jeanne : « Vers 1841-42 » écrit-il, tandis que la version publiée comporte : « Vers 1839-40 »). C’est au théâtre que Nadar et Baudelaire la virent pour la première fois : « En tenue consacrée de soubrette, le petit tablier et le bonnet à rubans flottants, une grande, trop grande fille qui dépasse d’une bonne tête les proportions ordinaires, surtout dans l’emploi, c’est déjà quelque chose pour surprendre. Ce n’est rien : cette soubrette d’extradimension est une négresse, une négresse pour de vrai, une mulâtresse tout au moins...» et Nadar de se tourner alors vers Baudelaire : « Mais le confrère est pour l’heure moins que jamais à son « Sacerdoce » non plus qu’à la pièce ni à l’artiste : il n’a vu, il ne voit que la femme qu’il a du premier coup d’œil déclarée « fort intéressante », et avec lui on sait ce que parler veut dire : « La bête » est partie... » Le récit de Nadar se termine par les moments douloureux de la fin de Baudelaire. Une grande partie de la fin du manuscrit est restée inédite et l’essentiel a été remanié.