Lot 18
  • 18

Baudelaire, Charles Théophile Gautier. Notice littéraire précédée d'une lettre de Victor Hugo. Paris, Poulet-Malassis & De Broise, 1859.

Estimate
25,000 - 30,000 EUR
bidding is closed

Description

  • Baudelaire, Charles
  • Théophile Gautier. Notice littéraire précédée d'une lettre de Victor Hugo. Paris, Poulet-Malassis & De Broise, 1859.
In-12, 180 x 116 mm.



Reliure légèrement postérieure.
Bradel demi-percaline marron, couverture, non rogné.
Coiffes et pièce de titre un peu usées.



Édition originale tirée à 500 exemplaires.



Elle comporte un premier envoi autographe signé de l'auteur à Victor Hugo, gratté et recouvert d'un second envoi à l'encre : "à M. Gélis, Hommage de l'auteur. Ch. Baudelaire".  En effet, le papier à l'endroit de la dédicace peluche très légèrement, l'exposition par transparence à la lumière naturelle montre qu'il y avait une précédente inscription manuscrite qui a été soigneusement grattée – à l'oeil nu, on devine encore quelques lettres. Exposé à la lampe UV – ou lampe de Wood – on peut facilement découvrir la première intention de l'auteur quant à l'envoi de cet exemplaire :
"à Victor Hugo, Témoignage d'admiration, Ch. Baudelaire". (Voir la reproduction ci-contre. L'éclairage, qui fait ressortir le repentir, donne au papier blanc une teinte grise non conforme à l'original).

Provenance

Jacques-Léon Gélis (envoi).

Catalogue Note

Ce repentir laisse rêveur et ouvre la voie à de multiples conjectures. Nous ignorons s'il existe un autre exemplaire de ce livre dédicacé par Baudelaire à Victor Hugo. Théophile Gautier parut d'abord en article dans L’Artiste du 13 mars 1859. Dès le 16 février 1859, Baudelaire pensait à le faire reparaître sous la forme d'une plaquette (lettre à Poulet-Malassis, Correspondance, Pléiade, p. 550). L'idée fut retenue et réalisée. Pour donner à la publication un intérêt supplémentaire, Baudelaire demanda une lettre-préface à Victor Hugo alors en exil à Hauteville House. Une première réponse se perdit. Baudelaire le sollicita à nouveau et ce fut la lettre du 6 octobre. Baudelaire la reçut vers le 10 et l'expédia immédiatement à Poulet-Malassis sans manquer toutefois d'ajouter un commentaire ironique à l'égard du préfacier (Œ.C., Pléiade, p. 1128, et Correspondance, I, p. 608). À ce stade, il paraît bien difficile d'imaginer que Baudelaire n'ait pas fait le service d'un exemplaire dûment signé à Victor Hugo. Mais, en même temps, comment comprendre un tel palimpseste ? Baudelaire se serait-il aperçu qu'il avait déjà dédicacé son livre à Hugo ou bien se serait-il ravisé au dernier moment ? Est-ce un « repentir » dû à quelque énervement de Baudelaire à l’égard du grand exilé ? On sait que la relation de l’auteur des Fleurs du Mal avec celui des Misérables fut tumultueuse et sujette à brusques variations. Toutefois, sur un exemplaire de la seconde édition des Fleurs du Mal qu'il lui adressera deux ans plus tard, Baudelaire écrira bel et bien un envoi dont le texte n'est pas si éloigné du présent recouvert : « à Victor Hugo, / Témoignage d'admiration / de sympathie et de dévouement. C. B. ». Il existe aussi un autre exemplaire de l’édition originale de 1857 des Fleurs du Mal avec une dédicace de Baudelaire à Victor Hugo qui a été mutilé ; l’envoi au crayon y a été repassé à l’encre sans scrupules, détruisant par ce geste un trésor de la poésie du XIXe siècle.
Quoi qu’il en soit, cet envoi gratté demeure une énigme et le nom substitué de Jacques-Léon Gélis, banquier de son état, né la même année que Baudelaire en 1821, ne nous renseigne guère. D'après Claude Pichois, Baudelaire et Gélis se connaissaient depuis leur jeunesse. Gélis mourut en 1898.