Three naked men occupy the space of a studio. The youngest is playing the flute on a large windowsill, another, motionless, stares at the viewer. The older man lies dozing on a bedsheet. An easel, a clay pot and a statue of a female figure complete the scene.

The canvas was painted in 1942. During World War II, when most of his artist friends had gone into exile, Picasso had chosen to remain in Paris. Without ignoring the dramatic events he decided to isolate himself, as an act of resistance, in his studio of the rue des Grands Augustins. As it had at the Château de Boisgeloup in the 1930s, the artist’s studio became his entire world. It was there that five years earlier he had worked on his famous Guernica, the last great history painting of the 20th century.

"For Picasso, the problem was not to put his art 'at the service of', but to verify to what extent his art could face the unparalleled rise of the forces of darkness, first in Spain but also in Nazi Germany. His entire artistic life for the past thirty years had been spent in the certainty that the meaning of the world could be expressed through the shape of a glass on a table or a woman's face reduced to its rhythms and volumes. He, who had been a pacifist in 1914 and concerned to keep his art away from the events, immediately took sides. The bombing of Guernica, the photos he saw on April 30, were not the trigger but rather the signal that he could no longer back down" (Pierre Daix, Dictionnaire Picasso, in ‘Guerres mondiales’).

In Nus masculins (Les trois âges de l’homme), the scene, whose suspenseful atmosphere is conveyed by the deliberately restricted palette, is tinged with a diffuse hedonism. Certain details of the composition suggest a classic Arcadian atmosphere: the young flautist looks like Pan, the mask as an accessory evokes the Commedia dell'arte, the man in the prime of life has the posture of an antique statue, the old man that of a sated Dionysus. The work expresses a series of humanist overtones as counterpoints to the fatality of war.

Amidst the devastation, Picasso delved into his own aesthetic repertoire, suggesting his attachment to tradition: "Returning to what was already a familiar theme in two works from 1942, Picasso once again depicts the artist with a beard. In a painted wood panel from November 1942 [Nus masculins], he embodies the three ages of man in a single image of three naked men of different generations. Looking forward through a bay window, a young boy plays happily with a kind of flute, perhaps an echo of La Flûte de Pan of 1923. Behind him stands a bearded man, holding the mask of a faun - as in a drawing of April 23rd, 1936. In the foreground, a middle-aged man, whose build is taken from Picasso's drawings of 1953-54, lies sleeping on the floor. A statuette on a stand to the right resembles that in a drawing of August 4, 1931, but the unfinished canvas on the easel does not allude to anything in the past' (Brigitte Leal, Christine Piot, Marie-Laure Bernadac, The Ultimate Picasso, New York, 2000, p.347).

In the enclosed space of the artist’s studio, Picasso found his inspiration in the masters of the past: those of the Spanish Golden Age with the tradition of the still life genre (Bodegones) and those of the Italian Renaissance, including Giorgione and Titian. In their footsteps he explores the theme and iconography of the ages of life. Amidst the chaos, there is clearly in these references a reaffirmation of the values of European culture. Abandoning the use of landscape as a background for the depiction of the cycle of life, Picasso chose to set the scene in the contemporary setting of the studio.

With its stunning graphic and chromatic elegance, Nus masculins (Les trois âges de l’homme) is a metaphorical work. Here, in the face of wartime horror, the breakdown of European civilization, Picasso reaffirms his belief in the power of art as a means to overcome tragedy.


Trois hommes nus occupent l’espace d’un atelier. La plus jeune joue de la flûte assis sur le rebord d’une grande fenêtre, un autre, immobile, fixe le spectateur. Le plus âgé est étendu, assoupi, sur un drap. Un chevalet, un pot en terre cuite et une statue de figure féminine complètent l’ensemble.

La toile est peinte en 1942. En pleine Guerre, alors que la plupart de ses amis artistes ont pris le chemin de l’exil, Picasso fait le choix de rester à Paris. Sans ignorer le présent dramatique de l’Histoire, il décide, comme une entrée en résistance, de s’isoler dans l’atelier de la rue des Grands Augustins. Comme dans les années 1930 au château de Boisgeloup, l’atelier devient un équivalent du monde. Cinq ans auparavant, Picasso y avait travaillé debout à Guernica, le dernier grand tableau d’histoire du XXème siècle.

Dora Maar, Picasso posing next to several paintings under the window of the Grands-Augustins studio, 1944, Paris. © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris)/ Mathieu Rabeau © ADAGP, Paris, 2022. © Succession Picasso 2022.

‘‘Pour Picasso, le problème n’était pas de mettre son art ‘au service de’, mais de vérifier dans quelle mesure son art était capable de faire face à une montée sans pareille des forces des ténèbres d’abord en Espagne mais également en Allemagne nazie. Toute sa vie artistique depuis trente ans s’était déroulée dans la certitude que la signification du monde pouvait s’exprimer par la forme d’un verre sur une table ou celle d’un visage de femme réduit à ses rythmes et volumes. Lui qui avait été pacifiste en 1914 et soucieux de tenir son art à l’écart des évènements, va tout de suite prendre parti. Le bombardement de Guernica, les photos qu’il en vit le 30 avril ne furent pas l’élément déclencheur mais plutôt le signal qu’il ne pouvait plus reculer’’ (Pierre Daix, Dictionnaire Picasso, entrée ‘Guerres mondiales’).

Dans Nus masculins (Les trois âges de l’homme), la scène dont le caractère suspensif d’un point de vue temporel est relayé par la palette volontairement restreinte, est teintée d’un hédonisme diffus. Certains détails de la composition suggèrent cette atmosphère d’Arcadie antique : le jeune flûtiste a des allures de Pan, le masque comme accessoire évoque la Commedia dell’arte, l’homme dans la force de l’âge à la posture d’une statue antique, le vieil homme celle d’un Dionysos repu. L’œuvre a des accents humanistes comme autant de contrepoints à la fatalité de la guerre.

Au milieu de la dévastation, Picasso se plonge dans son propre répertoire suggérant son attachement à la tradition. "Revenant à ce qui était déjà un thème familier dans deux œuvres de 1942, Picasso représente à nouveau l'artiste avec une barbe. Dans un panneau de bois peint de novembre 1942 [Nus masculins], il incarne les trois âges de l'homme en une seule image de trois hommes nus de générations différentes. Regardant vers l'avenir à travers une baie vitrée, un jeune garçon joue gaiement avec une sorte de flûte, peut-être un écho de La Flûte de Pan de 1923. Derrière lui se tient un homme barbu, tenant le masque d'un faune - comme dans un dessin du 23 avril 1936. Au premier plan, un homme d'âge mûr, dont la carrure est reprise des dessins de Picasso de 1953-54, dort allongé sur le sol. Une statuette sur un support à droite ressemble à celle d'un dessin du 4 août 1931, mais la toile inachevée sur le chevalet ne fait allusion à rien dans le passé" (Brigitte Leal, Christine Piot, Marie-Laure Bernadac, The Ultimate Picasso, New York, 2000, p.347).

Dans l’espace clos de l’atelier, Picasso trouve ses interlocuteurs dans les maîtres du passé : ceux du siècle d’Or espagnol avec la tradition du genre de la nature-morte (bodegones) et ceux de la Renaissance italienne, dont Giorgione et Titien. Avec eux il explore le thème et l’iconographie des âges de la vie. Au milieu du chaos, il y a dans cette citation quelque chose encore de la réaffirmation des valeurs de la culture européenne. Abandonnant le recours au paysage comme une rythmique du cycle de la vie, Picasso choisit de camper la scène dans le cadre moderne de l’atelier.

D’une grande élégance graphique et chromatique, Nus masculins (Les trois âges de l’homme) est une œuvre métaphorique a bien des égards. A cet endroit, face à l’horreur que l’homme peut infliger à son semblable, face à la condition temporelle vouée à la mort de toute vie comme de toute civilisation, Picasso réaffirme sa croyance en la puissance de l’art.