On January 18, 1971, Pablo Picasso dedicated to Aitana Alberti this illustrated book El Entierro del Conde de Orgaz, which had been published two years earlier. The young woman, then thirty years old, is the daughter of the poet Rafael Alberti, who authored the book’s preface and was a close friend of Picasso. Alberti himself devoted several works to the painter’s life and art, including Ce que j’ai chanté et dit sur Picasso in 1941, Picasso: Le rayon ininterrompu in 1974, or A la peinture (poème de la couleur et de la forme) written between 1945 and 1967.

This illustrated book, featuring an engraving and twelve etchings by Picasso, takes its title from a famous painting by El Greco: The Burial of the Count of Orgaz. Inspired by the spectral and mystical qualities of the elongated figures of Spanish mannerist, evident since the early years of his Blue Period, Picasso continues this legacy through distorted perspectives, dynamic compositions, and sharp, acidic colors.

On the right-hand page, Picasso sketches with a swift, swirling line a woman’s bust, perhaps representing Aitana Alberti. Beyond its spontaneous dedication, this portrait appears executed with prodigious vitality and frenzy, characteristic of the artist’s late years. At life’s twilight, seemingly driven by a sense of urgency in a race against time, Picasso adopts an elliptical, shorthand style composed of formal abbreviations and coded signs: two almonds for eyes, spirals for hair, and a double ellipse for the hat. “I have less and less time, and more and more to say,” the artist declared. The use of these primal signs evokes childlike drawing: “It took me a lifetime to learn to draw like children,” he added. This desire to lose control, to reject conformity and stylistic confinement, represents a final manifestation of Picasso’s irreducible anarchism. Like Matisse—who lamented having been “hindered by his will” and expressed at the end of his life his wish to “yield to instinct”—Picasso saw in his late work a possibility for resurrection and renewal in painting. Just as Matisse drew boldly in color near the end of his life, Picasso achieved, through this ink sketch of a woman enhanced with vivid felt-tip hatchings, a form of painting through drawing.


Le 18 janvier 1971, Pablo Picasso dédicace à Aitana Alberti le livre illustré El Entierro del Conde de Orgaz qu’il a fait publier deux ans plus tôt. La jeune femme de trente ans est la fille du poète Rafaeli Alberti, auteur de la préface de ce livre et proche ami de Picasso. Alberti a lui-même consacré plusieurs de ces livres à l’œuvre et la vie du peintre, comme Ce que j’ai chanté et dit sur Picasso en 1941, Picasso : Le rayon ininterrompu en 1974, ou encore le recueil de poèmes A la peinture (poème de la couleur et de la forme) entre 1945 et 1967.

Ce livre illustré, reproduisant une gravure au burin et 12 eaux-fortes de Picasso, porte le nom d’un célèbre tableau du Greco : L’enterrement du comte d’Orgaz. Inspiré par la spectralité et le mysticisme des figures longilignes du maniériste espagnol dès les premières années de sa période bleue, Picasso s’inscrit dans la continuité de son œuvre par ses perspectives déformées, ses compositions dynamiques et ses coloris acides et tranchés.

Sur la page de droite, Picasso esquisse d’un trait vif et tourbillonnant un buste de femme, représentant peut-être Aitana Alberti. Au-delà de sa nature de dédicace spontanée, ce portrait semble avoir été réalisé avec une prodigieuse vitalité et frénésie, caractéristique de ses dernières années de production. Au crépuscule de sa vie, comme épris d’un sentiment d’urgence dans une course contre le temps, le peintre adopte un style sténographique elliptique, fait d’abréviations formelles et de signes codifiés : deux amandes pour les yeux, des tourbillons pour les cheveux et une double ellipse pour le chapeau. « J’ai de moins en moins de temps, et de plus en plus de choses à dire » déclare le peintre. L’emploi de ces signes primaires évoquent le dessin d’enfant : « il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme eux » dit-il encore. Ce désir de perdre le contrôle, ce refus du conformisme et de l’enfermement dans un style sont une dernière manifestation de l’anarchisme irréductible de Picasso. Comme Matisse, qui regrette d’avoir été « freiné par sa volonté » et déclare à la fin de sa vie vouloir « céder à l’instinct », Picasso perçoit dans sa production tardive une possibilité de résurrection, de renouvellement de la peinture. De même que Matisse dessine à la fin de sa vie à vif dans la couleur, Picasso parvient, par ce dessin de femme croqué à l’encre et coloré de vives hachures au feutre, à peindre en dessinant.