Zitterlein, by Yann Hendgen - Artistic Director of the Zao Wou-Ki Foundation

Zitterlein. This curious title is far from French and even futher from Chinese. It sounds Germanic. Yet it must have meant something specific to Zao Wou-Ki, as he wrote it down on the back of his work and used it as the painting’s title.

It has often been said that, for the sake of convention, Zao Wou-Ki abandoned titles after his move to abstraction, and, from 1959 onwards, only titled his works with the date of their completion. This is largely incorrect.

From August 1949, Zao Wou-Ki began to produce more and more figurative paintings whose titles were their date of completion, written on the back of the work. 04.10.49 shows the meeting of two wolves against a bright red background, and 18.08.50 shows a couple of lovers embracing in a mountainous landscape. When he feels the need, he juxtaposes date and figurative title as in Voiles aux étoiles - 05.06.54.

Vent, painted in December 1954, is considered as his first truly abstract painting. Zao Wou-Ki did not, however, abandon figurative titles after this work. There were, for example, Jardin de mon père and Pins landais in 1955, Marais in 1956 or Près de la Loire in 1957. Zitterlein, painted in 1956, is also an abstract painting, with no figurative representation and a multitude of colored touches.

How should one interpret this title? A reference to the short story published in 1835 by Friedrich Hebbel, “The Barber Zitterlein” seems unlikely, as it is hardly known nowadays, and was probably unknown to Zao Wou-Ki.

The art historian would like to be able to weave a link with a place that is artistically or historically significant for the artist. Or, to recognize a reference to the title of a book, as in the case of Nous deux encore, which Zao Wou-Ki borrowed from his great friend Henri Michaux to name a painting of mourning, in 1974. However, it is nothing of the kind.

TK

Louis Poëtevin indicates, in his Nouveau dictionnaire suisse, françois-allemand et allemand-françois, published in Lausanne in 1754, that the word Zitterlein designates a small guitar. In the seventeenth century, this term was sometimes used in England for a plucked instrument of the lute family. This would be a more sensible approach.

Zao Wou-Ki, a great music lover, hesitated for a long time to become a professional tenor. He was very well versed in Western music, from Johann Sebastian Bach to Edgar Varèse. He sometimes integrated musical instruments into his compositions, as in Nature morte au Biba, 1952, which shows this traditional Chinese plucked string instrument of the lute family.

Yet, nothing in Zitterlein evokes a lute. Should we then look to see in these color arrangements a musical reference? The rhythm of the composition is frantic: the signs seem to be dancing - or struggling - as a wave of orangey reds and yellows seems ready to engulf them.

This colorful outburst could also refer to another state - that of trembling. Zitterlein can be related to the German verb zittern, which means “to tremble.” It would then be tempting to analyze this painting with a biographical lens.

1956 was a difficult year for Zao Wou-Ki, as his wife, Lalan, left him. The artist repeatedly exorcised his pain and anger in paintings from 1955 and 1956, such as Ville engloutie, which is aesthetically and formally similar to Zitterlein. Zitterlein seems more ferocious, but less melancholic: subtle shades of saffron yellow, oranges and carmine red rub against blacks and peaks of ultramarine blue, creating a majestic saraband. It is chaotic only in appearance. This painting seems to announce a new beginning rather than the collapse of a world.

By opting for abstraction, Zao Wou-Ki has left the world of resemblance. Thus, he discovered the shores of infinitely more vast and richer worlds - those of feeling, space, sensation, all equally real to him.

His works have since, on occasion, sparked surprising interpretations. Zao Wou-Ki did not wish to explain his works. "What matters is only the painting," he wrote in his Self-Portrait (p. 99). Zitterlein and its areas of mystery are a perfect example.

Zitterlein, par Yann Hendgen - Directeur Artistique de la Fondation Zao Wou-Ki

Zitterlein. Ce curieux titre n'évoque rien de français et encore moins de chinois. La sonorité semble germanique. Il devait pourtant signifier quelque chose de précis pour Zao Wou-Ki qui l’a noté au revers de son œuvre afin d’en faire le titre du tableau.

Il a souvent été dit, par souci de convention, que Zao Wou-Ki abandonne les titres après son passage à l’abstraction et qu’à partir de 1959, il ne titre plus ses œuvres que de la date de leur achèvement. C’est en grande partie inexact.

À partir d’août 1949, Zao Wou-Ki multiplie les tableaux figuratifs qui n’ont pour seul titre que leur date d'achèvement, inscrite au revers de l'œuvre. 04.10.49 montre ainsi la rencontre de deux loups sur un fond rouge éclatant et 18.08.50 un couple d’amoureux enlacés devant un paysage de montagnes. Quand il en ressent la nécessité, il juxtapose date et titre figuratif comme dans Voiles aux étoiles – 05.06.54.

Vent, peint en décembre 1954, est considéré comme son premier tableau réellement abstrait. Passé cette date, Zao Wou-Ki n’abandonne pas pour autant les titres figuratifs, comme Jardin de mon père et Pins landais en 1955, Marais en 1956 ou Près de la Loire en 1957. Zitterlein, peint en 1956, est lui aussi un tableau abstrait : nulle représentation figurative mais une multitude de touches colorées.

Quelle interprétation peut-on alors donner à ce titre ? Il semble ardu de voir une référence à la nouvelle publiée en 1835 par Friedrich Hebbel, Le Barbier Zitterlein, qui n’est guère connue de nos jours et ne devait pas l’être de Zao Wou-Ki.

L'historien de l’art aimerait pouvoir tisser un lien avec tel lieu artistiquement ou historiquement signifiant pour l’artiste. Ou reconnaître la référence au titre d’un livre comme pour Nous deux encore qu'il emprunta à son grand ami Henri Michaux pour nommer un tableau de deuil en 1974. Il n’en est cependant rien.

Louis Poëtevin indique dans son Nouveau dictionnaire suisse, françois-allemand et allemand-françois, publié à Lausanne en 1754, que le mot Zitterlein désigne une petite guitare. Au XVIIème siècle, ce terme était parfois utilisé en Angleterre pour un instrument à cordes pincées de la famille du luth. Cette piste semble plus cohérente.

Zao Wou-Ki, grand mélomane, a longtemps hésité à devenir ténor professionnel. Il avait une solide connaissance de la musique occidentale de Jean-Sébastien Bach à Edgar Varèse. Il a parfois intégré des instruments de musique dans ses compositions comme dans Nature morte au Biba de 1952, qui montre cet instrument à cordes pincées traditionnel chinois de la famille du luth.

Mais rien dans Zitterlein n’évoque un luth. Faut-il alors voir dans ces arrangements de couleurs une évocation musicale ? Le rythme de la composition est effréné : les signes semblent danser – ou lutter – alors qu’une vague de rouges et de jaunes orangés semble prête à les engloutir.

Ce déchaînement coloré pourrait aussi évoquer un autre état, celui du tremblement car Zitterlein peut être de nos jours rapproché du verbe zittern, trembler, en allemand. Il serait alors tentant de faire une lecture biographique de ce tableau.

1956 est une année difficile pour Zao Wou-Ki puisque son épouse Lalan le quitte. L’artiste a à plusieurs reprises exorcisé sa peine et sa colère dans des peintures de 1955 et 1956, comme Ville engloutie qui présente bien des similitudes esthétiques et formelles avec Zitterlein. Cette dernière semble plus féroce mais moins mélancolique : les subtiles nuances de jaune safrané, d’oranges, de rouge carmin, se frottent aux noirs et aux pointes de bleu outremer, créant une sarabande majestueuse. Son désordre n’est qu’apparence. Ce tableau semble annoncer un nouveau départ plus que l’effondrement d’un monde.

En choisissant l’abstraction, Zao Wou-Ki a bien quitté le monde de la ressemblance. Il découvre alors les rives de mondes infiniment plus vastes et riches, ceux du sentiment, de l’espace, de la sensation, tout autant réels pour lui.

Ses œuvres ont depuis parfois donné lieu à des interprétations surprenantes. Zao Wou-Ki ne souhaitait pas expliquer sa peinture. « Ce qui compte, c’est uniquement le tableau », écrit-il dans son Autoportrait (p. 99). Zitterlein et ses zones de mystères en est un parfait exemple.