“For ten years, I devoted myself to a systematic study of the problems of vision, and I came to the conclusion that we had only the slightest glimpse of the psychological significance of such a phenomenon.”
Robert Descharnes, Gilles Néret, Salvador Dalí, L’œuvre peint, Vol. I, 1904-1946, 1993, Cologne, p. 311

Dalí’s fascination with visual perception and optical phenomena, which reached its height in the 1970s, is exquisitely exemplified by the gouache and watercolor Harlequin, created in 1970 for the lithographic series Anamorphoses, published by Jean Schneider in 1972. In the spirit of his stereoscopic images and holograms—many of which are displayed in his Theatre-Museum—Dalí presents here an anamorphosis: a deliberate distortion of perspective that renders the image almost unrecognizable, only to reveal itself when viewed from a specific angle.

In this case, Dalí conceals his own self-portrait within the fantastical figure of a creature bearing a semi-cylindrical skull and a face composed from the body of a fly. When a cylindrical mirror, precisely 3 cm in diameter, is placed at the center of the composition—at the spot marked by his signature—the artist’s face emerges as a harlequin, unmistakable by his trademark moustache and piercing gaze.

The present work and its anamorphosis.

The four other lithographs in the Anamorphoses portfolio similarly employ this optical device to unveil hidden or provocative imagery: a nude, a skull, a knight, and a female torso.

In Harlequin, the fly that outlines the disguised portrait refers to Dalí’s ongoing mathematical and optical investigations. Just as he studied the logarithmic curves of rhinoceros horns, he analyzed the structure of insect eyes and their stereoscopic vision, which inspired several of his visual illusions. The fly, a recurring motif in Dalí’s hallucinatory imagery, plays a key role in works such as Le torero hallucinogène (1968–1970), painted during the same period as Harlequin, where a surreal, chaotic universe populated by both real and fantastical flies unfolds before the wide-eyed wonder of a tiny child placed in the lower right-hand corner.

In its exhibition Dalí, Stereoscopic Images, dedicated to the artist’s visual illusions, the Gala-Salvador Dalí Foundation suggests that these optical games allowed Dalí to transcend the physical constraints of ordinary vision.

More broadly, these visual deceptions echo his exploration of the paranoiac phenomenon. Through his relationship with psychoanalyst Jacques Lacan—introduced to him by André Breton—Dalí came to understand the pseudo-hallucinatory nature of paranoia. In works such as Le simulacre transparent de la fausse image (1938), L’énigme sans fin (1938), Double image – Étude pour “L’image disparaît” (1938), or Apparition d’un visage et d’un compotier sur une plage (1938), he used the double image to conjure up delusional visions and paranoiac interpretations: landscapes or interior scenes morph subtly into faces. In Harlequin, the monstrous visage shaped by this enormous hairy insect, and the threatening fury of Dalí’s mirrored gaze, amplify the sense of psychological dread and unease inherent to the paranoiac experience.

The meticulous precision of the drawing, combined with the absurd fantasy and dreamlike quality of the composition, places this gouache squarely within the broader scope of Dalí’s œuvre—defined by his tireless probing of the unconscious. Harlequin ultimately embodies the ambition he articulated in his landmark 1935 essay La conquête de l’irrationnel: “My sole ambition in the pictorial domain is to materialize, with the most imperialist fury of precision, the images of concrete irrationality (…) which are as yet neither explicable nor reducible by logical intuition or rational mechanisms.”


«Pendant dix ans, je me suis attaché à une étude systématique des problèmes de la vision et je suis arrivé à cette conclusion que nous n’avions eu que le plus mince aperçu de la signification psychologique d’un tel phénomène. »
Robert Descharnes, Gilles Néret, Salvador Dali, L’œuvre peint, Tome I, 1904-1946,1993, Köln, p. 311.

L’étude de la vision et des phénomènes optiques, qui fascine tant Salvador Dalí dans les années 1970, est merveilleusement illustrée par cette gouache et aquarelle intitulée Harlequin, qu’il réalise en 1970 pour la série lithographique Anamorphoses éditée par Jean Schneider en 1972. A la manière de ses stéréoscopies et holographies, qu’il met notamment en scène dans son Théâtre-musée, l’artiste propose ici une anamorphose : une distorsion de perspective qui déforme l’objet représenté au point de le rendre méconnaissable ; mais qui devient miraculeusement perceptible lorsqu’il est observé d’un point de vue particulier. C’est ici son propre autoportrait que Dalí a soigneusement caché derrière une créature fantastique au crane semi-cylindrique et au visage dessiné par le corps d’une mouche. En effet, lorsque l’on place un miroir cylindrique de 3 cm de diamètre dans le cercle central où est situé sa signature, apparaît le visage du peintre en Arlequin, reconnaissable à sa moustache et à son regard foudroyant.

Dans les quatre autres lithographies du portfolio Anamorphoses, Dalí s’amuse à représenter grâce à ce procédé des images secrètes ou provocantes : un nu, un crâne, un chevalier ou encore une poitrine féminine.

Dans Harlequin, la mouche esquissant le visage fait référence à ses travaux mathématiques sur les phénomènes optiques : de même qu’il analyse les courbes logarithmiques des cornes de rhinocéros, Dalí étudie la structure des yeux des mouches et leur vision stéréoscopique, qui l’inspire pour certaines de ses illusions picturales. La mouche apparaît d’ailleurs fréquemment dans ses œuvres qui traitent d’hallucinations. Dans Le torero hallucinogène de 1968-1970, réalisé durant la même période qu’Harlequin, un monde nouveau, confus, chaotique et hallucinogène, peuplé de mouches réalistes et fantastiques, semble prendre forme sous les yeux émerveillés d’un minuscule enfant placé en bas à droite de la toile.

Dans son exposition Dalí, Stereoscopic images, consacrée aux illusions visuelles dans l’œuvre de Dalí, la Fondation Gala-Salvador Dalí suggère que ces jeux optiques permettent à l’artiste d’échapper aux règles et limites physiques imposées par la vision.

Plus largement, ces illusions visuelles s’inscrivent dans ses études du phénomène paranoïaque. Avec le psychanalyste Jacques Lacan, qu’il rencontre grâce à André Breton, Dalí prend conscience du caractère pseudo-hallucinatoire de la paranoïa. Dans Le simulacre transparent de la fausse image (1938), L’énigme sans fin (1938), Double image – Etude pour « L’image disparait » (1938) ou encore Apparition d’un visage et d’un compotier sur une plage (1938), le peintre utilise ainsi l’image double pour suggérer le délire et l’interprétation paranoïaques : des paysages ou scènes d’intérieur paraissent prendre la forme d’un visage. Dans Harlequin, la monstruosité du visage esquissé par ce gigantesque insecte velu, ainsi que la fureur du regard menaçant de Dalí apparaissant dans le miroir cylindrique suggèrent encore davantage le cruel effroi associé au phénomène paranoïaque.

La précision minutieuse du dessin, allié à la fantaisie absurde et l’onirisme de la composition, inscrivent plus largement cette gouache dans l’ensemble de l’œuvre de Dalí, marquée par son exploration de l’inconscient. Harlequin semble ainsi incarner l’ambition qu’il formule en 1935 dans son essai capital, La conquête de l’irrationnel : « toute mon ambition, sur le plan pictural, consiste à matérialiser avec la plus impérialiste rage de précision les images de l’irrationalité concrète (…) qui provisoirement ne sont pas explicables ni réductibles par les systèmes de l’intuition logique ni par les mécanismes rationnels ».