Painted in early 1940, Tête d’homme is emblematic of Picasso’s art during what is known as his 'Royan period'. The few months he spent in this seaside town, inseparable from the political context of the era, had a significant influence on the master’s stylistic development.

It was a particularly gloomy time for Picasso. In addition to his personal woes (Picasso lost his mother in 1939 as well as his former dealer Ambroise Vollard), there was also the start of the war. Traumatised by the Guernica bombing on 26 April 1937, Picasso decided to flee to Royan on the advice of his friend André Breton. From the beginning of the war in 1939, he stayed there with Marie-Thérèse Walter, with whom he had been having a secret relationship for several years, along with their daughter, Maya. Marie-Thérèse and Maya lived in the villa Gerbier-des-Joncs. He joined them in Royan on 2 September 1939, the very eve of the declaration of war. He arrived in the seaside town accompanied by his mistress Dora Maar, his secretary Jaime Sabartes, and his dog Kazbek; they all moved into the Hôtel du Tigre, only a few streets away from the villa Gerbier-des-Joncs. It was during this stay that the two women who shared Picasso’s life—the blonde Marie-Thérèse and the brunette Dora—learned of each other’s existence, got to know each other, and formed a rivalry, much to Picasso’s delight.

(left) Portrait of Dora Maar, side profile, reading a newspaper, Boisgeloup, March 1936. Photography by Pablo Picasso. Paris, Musée Picasso, Archives Picasso, AP PH 15320. © Succession Picasso - Gestion droits d'auteur - © Succession Picasso 2020. Photo © RMN-Grand-Palais (Musée National Picasso-Paris) / image RMN-GP | (right) Marie-Thérèse Walter, 1930. Collection of Maya Widmaier Picasso.

His arrival in Royan coincided with a return to serenity for Picasso, who divided his time between his two 'families', living with Dora Maar at the Hôtel du Tigre but setting up his studio in the villa where Marie-Thérèse and Maya were staying. Several days after completing this painting, he moved his studio to larger premises in the house 'Les Voiliers', a studio to which neither of the women had access.

Although Picasso found peace in Royan, he was reminded of the global conflict when it came to his materials. Indeed, it was difficult to find materials to work with in Royan, where the painter only had small canvases, and paper was his main medium of expression. That is why many of his most accomplished works of this period were done on paper, with a complexity worthy of his most impressive paintings.

I do not evolve, I am. There is, in art, neither past nor future. Art that is not in the present will never be.
Picasso to Marius de Zayas

In the art he developed in Royan, Picasso demonstrates a real radicalization of form, which is particularly striking in his portraiture. The contours become particularly vigorous and the face becomes increasingly less structured. Tête d’homme is one of the rare male portraits from this period, when the artist mainly painted large portraits of women, beginning with the portrait of his lover, Dora Maar, which he continuously deconstructed. In Tête d’homme, we find the same sculptural qualities as those in the famous portraits of Dora Maar, whether in the way her features are reconstructed, in the depiction of the bridge of her nose and her eyes, or in the frontal nature of the composition. The power of this vigorous portrait and the contrasts used are also reminiscent of Picasso’s depictions of the Minotaur from the same period.

In this extraordinary male portrait, the painter achieves a remarkable degree of expressiveness with an economy of means and colours. In this work, it is not hard to see the Spanish master’s influence on later artists, especially Francis Bacon. Although the two men never met, Bacon never hid the fact that it was the discovery of Picasso’s art during an exhibition at Galerie Paul Rosenberg that made him decide to paint. How could one not see obvious traces of Picasso’s art in the English painter’s tormented portraits? Both artists sought to destroy the human body, especially the face, which they deconstructed and reconstructed in the course of their pursuit. Michael Peppiatt, Bacon’s biographer, confirmed that it was Picasso’s work that made Bacon realize that 'the only way of keeping the human figure at the heart of art was to deform it.' Bacon himself paid homage to his elder as follows: 'Picasso opened the door to all these new systems. I have tried to stick my foot in the door so that it does not close.'


Peint dans les premiers jours de l’année 1940, Tête d’homme est emblématique de l’art de Picasso pendant la période dite de Royan. Les quelques mois passés dans cette ville balnéaire, indissociables du contexte politique de l’époque, eurent en effet une influence considérable sur l’évolution stylistique du maître.

Il s’agit d’une période particulièrement sombre pour Picasso. Aux tourments personnels (Picasso perd sa mère en 1939 de même que son ancien marchand Ambroise Vollard) s’ajoute le début de la guerre. Traumatisé par le bombardement de Guernica, le 26 avril 1937, Picasso décide de se réfugier, sur les conseils de son ami André Breton, à Royan. Il y installe dès le début de l’état 1939 Marie-Thérèse Walter, avec laquelle il entretient depuis plusieurs années une relation secrète, ainsi que la fille qu’ils ont eue ensemble, Maya. Toutes deux sont logées dans la villa Gerbier-des-Joncs. Lui-même rejoint Royan, le 2 septembre 1939, la veille même de la déclaration de la guerre. Il arrive dans la cité balnéaire, accompagné de sa maîtresse Dora Maar, de son secrétaire Jaime Sabartes et de son chien Kazbek, tous emménageant à l’Hôtel du Tigre, situé à quelques rues seulement de la villa Gerbier-des-Joncs. C’est au cours de ce séjour que les deux femmes partageant la vie de Picasso, la blonde Marie-Thérèse et la brune Dora, vont apprendre leur existence respective et faire connaissance, entretenant une rivalité qui n’est pas pour déplaire à Picasso.

Pablo Picasso, Femme au chapeau dans un fauteuil, 1941. Kunstmuseum, Basel. © akg-images © Succession Picasso 2020

L’arrivée à Royan coïncide avec le retour à la sérénité pour Picasso, qui se partage entre ses deux "familles", vivant avec Dora Maar à l’Hôtel du Tigre mais installant son atelier dans la villa où Marie-Thérèse et Maya séjourne. Quelques jours après l’exécution du présent dessin, il déménagera son atelier dans un local plus grand, dans la maison "Les Voiliers", atelier auquel aucune des deux femmes n’auront accès.

Si Picasso retrouve à Royan la sérénité, le conflit mondial se rappelle néanmoins à lui d’un point de vue matériel. Il est en effet difficile de trouver du matériel pour travailler à Royan, où le peintre ne dispose que de toiles de petite taille et le papier va être son principal moyen d’expression. C’est pour cela que nombre de ses œuvres les plus abouties de cette période seront exécutées sur papier, avec une complexité digne de ses plus impressionnants tableaux.

Pablo Picasso, Jeune garçon à la langouste, 1941. Musée Picasso, Paris. © Succession Picasso 2020 Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean © Succession Picasso - Gestion droits d'auteur
Je n'évolue pas, je suis. Il n'y a, en art, ni passé, ni futur. L'art qui n'est pas dans le présent ne sera jamais.
Picasso à Marius de Zayas

Dans l’art développé à Royan, Picasso montre une véritable radicalisation des formes, particulièrement marquante dans l’art du portrait. Le modelé devient particulièrement vigoureux et le visage se déstructure sans cesse plus. Tête d’homme est l’un des rares portraits masculins de cette période où l’artiste peint principalement des grands portraits de femme, à commencer par le visage de son amante Dora Maar, qu’il ne cesse de déconstruire. On retrouve dans Tête d’homme les mêmes caractéristiques plastiques que dans les célèbres portraits de Dora Maar, que ce soit dans la manière dont les traits sont recomposés, dans la manière de représenter l’arête nasale et les yeux ou le caractère frontal de la composition. La force et les contrastes employés dans ce vigoureux portrait ne sont également pas sans évoquer les représentations du Minotaure faites par Picasso à la même époque.

Dans cet extraordinaire portrait masculin, le peintre aboutit à une expressivité remarquable avec une économie de moyens et de couleurs. Il est aisé de comprendre au travers de cette œuvre toute l’influence qu’eut le maître espagnol sur des artistes postérieurs, au premier rang desquels Francis Bacon. Si les deux hommes ne se sont jamais rencontrés, Bacon n’a jamais caché que c’était la découverte de l’art de Picasso, lors d’une exposition à la galerie Paul Rosenberg, qui l’avait décidé à peindre. Comment ne pas retrouver, dans les portraits tourmentés du peintre anglais, des empreints évidents à l’art de Picasso ? Les deux artistes s’attachent à mettre à mal le corps humain, et tout particulièrement le visage qu’ils décomposent et reconstruisent au gré de leur quête. Michael Peppiatt, biographe de Bacon, confirme d’ailleurs que c’est l’œuvre de Picasso qui a permis à Bacon de prendre conscience que "la seule manière de maintenir la figure humaine au cœur de l’art était de le déformer". Bacon lui-même rendra quelques années plus tard hommage à son ainé en ces termes : "Picasso a ouvert la porte à tous ces nouveaux systèmes. Moi, j’ai essayé de glisser mon pied dans cette porte ouverte pour qu’elle ne se referme pas".

© Succession Picasso 2020