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PROUST. [SOURCES DU LOIR À ILLIERS]. IMPORTANT BROUILLON DE "DU CÔTÉ DE CHEZ SWANN" : SOURCES DE LA VIVONNE. 1907-1908.

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描述

  • Proust, Marcel
  • [Les Sources du Loir à Illiers. Manuscrit. Probablement vers 1907-1908.]
  • ink on paper
4 p. in-4 (309 x 202 mm), sur un bifeuillet.
Traces de pliures, petit manque de papier au coin supérieur droit du second feuillet.

Manuscrit capital : avant-texte d’un des plus beaux passages de Du Côté de chez Swann.



Nouvelle datation pour un des premiers brouillons de Swann. Si P. Clarac déclare n’avoir "Aucune indication précise sur la date à laquelle Proust a écrit cette page" (Essais et Articles, note p. 897), l’éditeur le place dans la section consacrée "Au temps de Jean Santeuil", soit entre 1895 et 1899 (idem, p. 414-417), et Philip Kolb quant à lui plus tard, entre 1901 et 1903 (Textes retrouvés, p. 161-164). Cependant, tout porte à croire qu’il est plus tardif encore et qu’il date de la période où, après ses traductions de Ruskin, Proust se remet à l’écriture romanesque, vers 1907-1908. En effet, la narration est marquée par le ton autobiographique, introspectif qui est celui de Du côté de chez Swann, et, surtout, rédigée à la première personne, alors que le "Je" narratif est totalement absent de Jean Santeuil.



Ce texte contient en germe certains des plus beaux thèmes de Du côté de chez Swann : débutant par une description poétique de cerisiers, pommiers et poiriers en fleurs par une chaude après-midi de la semaine de Pâques, l’auteur évoque les promenades en famille jusqu’aux sources du Loir, la rivière d’Illiers. Cette longue rêverie méditative sur les arbres en fleurs et les oiseaux qui les habitent -- on reconnaît sans peine les cerisiers et aubépines qui fleurissaient dans Jean Santeuil (Pléiade, p. 278-280) -- s’interrompt soudain par l’évocation d’une promenade : "Après le déjeuner une petite marche suffit […] Je me rappelle que, tout enfant, on me mena ainsi un jour jusqu’aux sources du Loir. C’était une sorte de petit lavoir rectangulaire où mille petits poissons se concentraient comme une cristallisation frémissante et noire autour de la moindre mie de pain qu’on jetait. […] je ne comprenais pas comment ce petit lavoir […] pouvait être les sources du Loir." Cette promenade annonce de plusieurs façons celles que le jeune héros de la Recherche effectuera les jours de beau temps, vers le côté de Guermantes, le long du Loir devenu Vivonne, quand il ne va pas, quand le ciel est menaçant, du côté de chez Swann.



Les têtards de la Vivonne. Dans un des premiers brouillons de "Combray", où la rivière s’appelle encore le Loir et le côté de Guermantes le côté de Villebon, on retrouve, indépendamment des Sources de la rivière, l’évocation d’une vie grouillante : "nous jetions dans la rivière des petites boules de pain autour duquel venaient s’agglomérer les têtards en vastes systèmes d’une cristallisation identique" (Pléiade, I, Esquisse LIII, p. 807-808). On lira dans le texte définitif juste après l’évocation des carafes de la Vivonne : "j’obtenais qu’on tirât un peu de pain des provisions du goûter ; j’en jetais dans la Vivonne des boulettes qui semblaient suffire pour y provoquer un phénomène de sursaturation, car l’eau se solidifiait aussitôt autour d’elles en grappes ovoïdes de têtards inanitiés qu’elle tenait sans doute jusque-là en dissolution, invisibles, tout près d’être en voie de cristallisation" (I, p. 166).



Des sources inatteignables ou décevantes. Dans cette ébauche primitive du thème, à la différence de ce qui se lira dans le texte publié en 1913, le narrateur atteint les sources de la rivière : "Pourtant c’étaient là les Sources du Loir qui, invisibles tout le long de la route étai[en]t rejoint[es] deux lieues après en arrivant à Illiers, large et gracieuse rivière. Aussi je ne comprenais pas comment ce petit lavoir […] pouvait être les sources du Loir. Mais l’absence de tout rapport entre [le Loir et] ce petit lavoir au bord duquel traînaient tout le temps des linges auxquels on me défendait de toucher ne me rendait ce lieu que plus mystérieux et lui donnait mieux ce caractère incompréhensible qui devait être attaché à l’origine d’une vie naturelle." On connaît d’autres esquisses de Du côté de chez Swann dans lesquelles le héros parvient aussi aux sources de la rivière, et pour la rédaction desquelles Proust semble avoir repris nos pages : "Un jour nous poussâmes jusqu'aux sources du Loir. Je vis seulement une espèce de petit lavoir carré à la surface duquel crevaient quelques bulles. Et je me penchais avec étonnement sur ce lavoir où était cette chose immatérielle et immense : les Sources du Loir, comme pouvait se pencher un Romain sur le [un blanc], où est située la porte de l'Enfer" (Pléiade, I, Esquisse LIII, p. 809 ; voir aussi Pléiade, I, Esquisse LXVII, p. 877, où le Loir est devenu Vivonne, et Pléiade, I, Esquisse LIV, p. 825-826, où le Loir s’appelle la Vivette). Dans le roman définitif à l’inverse, l’auteur ménage la surprise : son héros n’atteint pas les sources de la Vivonne ("Jamais dans la promenade du côté de Guermantes nous ne pûmes remonter jusqu’aux sources de la Vivonne" [Pléiade, I, p. 169]), qui resteront pour lui de l’ordre de la mythologie ; ce n’est que bien plus tard, devenu adulte, lors d’une visite chez Gilberte à Tansonville dans Albertine disparue, que le héros marchera jusqu’aux sources de la rivière et en conçoit une vive déception : "Un de mes autres étonnements fut de voir les ‘sources de la Vivonne’, que je me représentais comme quelque chose d’aussi extra-terrestre que l’entrée des Enfers, et qui n’étaient qu’une espèce de lavoir carré où montaient des bulles" (IV, p. 268).



Dans les deux versions, l'imaginaire des sources est lié à la mythologie antique : l’eau du lavoir est pour lui "aussi abstraite" que "pouvait l’être pour le Romain le Fleuve. Et je me figurais vaguement que les femmes qui venaient sans cesse y laver leurs linges avaient choisi cet endroit de préférence à tout autre à cause de son caractère illustre et sacré."



Plusieurs passages raturés au début du texte (p. 1 et dans une moindre mesure p. 2) montrent les hésitations de l’auteur, sa recherche d’une inspiration, avant que la prose ne se déploie avec de rares et courtes corrections, dans une graphie plus dense, jusqu’à la conclusion qui semble jaillir d’un jet.



Après une première publication en 1959 dans l’Univers de Proust, Ph. Kolb le reprend en 1968 dans les Textes retrouvés puis il entre en Pléiade en 1971 grâce à P. Clarac qui l’intègre dans les Essais et Articles. On joint une transcription dactylographiée, peut-être réalisée pour l’une de ces trois publications.



Références : Le Point, "Univers de Proust", p. 33-35. -- Ph. Kolb, Textes retrouvés, p. 161-164 ; n° 323 de la bibliographie. -- Dictionnaire Proust, p. 954. -- Essais et Articles, p. 414-417.

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