Lot 56
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Exceptionnel cabinet en pierres dures, ébène, bronze doré et argent, travail romain, vers 1620, provenant du pape Paul V Borghèse, puis du roi George IV

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Description

  • cabinet en pierres dures, ébène, bronze
  • Cabinet : haut. 178 cm, larg. 126 cm, prof. 54 cm ; console : haut. 84 cm, larg. 153,5 cm, prof. 65,5 cm
  • Cabinet: height 70 in; width 49 2/3 in; depth 21 1/4 in; stand: height 33 in; width 60 1/2 in; depth 25 3/4 in
la façade à trois niveaux et cinq travées, centrée d’un avant-corps, reposant sur un double soubassement ; le premier niveau rythmé par des colonnes corinthiennes, comportant une niche surmontée d’un fronton curviligne orné des armoiries du pape Paul V Borghèse ; le deuxième niveau rythmé par des colonnes corinthiennes, centré d’un fronton triangulaire, couronné d’une balustrade et flanquée d’allégories ; le troisième niveau rythmé par des cariatides et surmonté d’un fronton brisé couronné d’allégories couchées et d’une figure d’empereur ; les panneaux en marqueterie de lapis-lazuli, différents types de pierres dures et de jaspes, les colonnes en lapis-lazuli, les figures en argent et bronze doré, les côtés plaqués de palissandre ; un tiroir inscrit au crayon Joel Wood repair'd this thing Feb 27 Broad St 1824, London ; le dos marqué au fer VR BP N°188 / 1866 ainsi que C.M & W 1959 ; avec trois étiquettes, dont deux imprimées BUCKINGHAM PALACE / L.C.D. surmonté du chiffre couronné GVR (pour George V Rex) et FROM THE SUPERINTENDENT / BUCKINGHAM PALACE / FROM THE GREEN DRAWING ROOM / 7/5/58 ;
le piètement en ébène, bois noirci et bronze doré, probablement réalisé en Angleterre par l'ébéniste Louis-François Bellangé vers 1821-1827, à fond de glace, épousant le ressaut central du cabinet, composée de colonnes ioniques jumelées surmontées d’un entablement orné d’une frise de rinceaux et reposant sur une plinthe

Provenance

- Pape Paul V Borghèse, puis par descendance jusqu’au prince Camille Borghèse
- Vente à Londres « A Collector of Taste », James Christie, 4 juillet 1821, lot 89, invendu mais très certainement acheté après la vente par le marchand Edward Holmes Baldock
- Vendu par le précédent au roi George IV, le 22 mai 1827, pour le château de Windsor
- Collections royales britanniques, palais de Buckingham, Londres, vers 1840 jusqu’au moins en 1930 
- Reine Mary (1867-1953), Marlborough House, Londres
- Vente à Londres, « Property of H.M. Queen Mary from Marlborough House », Christie’s, le 2 octobre 1959, lot 184B

Literature

Hugh Roberts, For the King’s pleasure: the furnishing and decoration of George IV’s apartments at Windsor Castle, Londres, 2001, p. 269 (reproduit fig. 346)
Alvar Gonzales-Palacios, “Concerning Furniture: Roman documents and inventories” in Furniture History, vol. XLVI, 2010, pp. 1-135
Sylvain Cordier, Bellangé, ébénistes : une histoire du goût au XIXe siècle, Paris, 2012, p. 620 (reproduit fig. LFB 26)
Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd, Roman Splendour and English Arcadia: the English taste for pietre dure and the Sixtus Cabinet at Stourhead, Londres, 2015, p. 56 (reproduit fig. 65)

Condition

Extraordinary cabinet in good overall condition. Exceptional condition and quality of the hard stones. The hard stones condition, from the bottom to the top: The base: a few missing silver lines between hard stones. On the far right, one small rectangle (3x2 cm) replaced with resin. The main semi-circular pediment: two symmetrical patches. The first entablature in agate: six small squares (1x1 cm) replaced with resin. The centre panel above the main pediment: one missing lapis piece in the lower right angle. On the second level, the first drawer from the centre to the right: the vase partly repainted. The second entablature: eight small squares (1x1 cm) replaced with resin. The balustrade on the top of the right side: three small rectangles (2x1 cm) replaced with resin. The lapis columns: scattered missing parts and small replacements with resin, especially on the lower right side of the cabinet. A little loose to a few columns; one needs to be properly refixed. The ebony: Very few missing tiny ebony mouldings throughout the cabinet, as for example on the panel above the main arch, above the triangular pediment, or on the first drawer on the upper left. The ebony is slightly flaking on both sides; the right side is a little discoloured by sunlight exposure. Several missing pewter lines on both sides. Several secret drawers inside the carcass and under the drawers. The silver figures: All the figures have been gently cleaned up. The figure on the balustrade on the far right has lost an arm and a foot. Traces of two figures on each side on the top of the balustrade, now missing. The gilt-bronzes: Very tiny spots of oxidation, especially on the capitals and the bases of the columns. The niche: The ivory elements on the floor, as well as the lines on the doors and inner drawers, are missing. The doors in the niche are slightly warped and need to be properly refixed. Traces of tiny previous ornaments on the recesses of the arch vault ceiling. The console: Expected minor scratches, dents and marks throughout the ebony surface. One chip on the right angle of the top; just below, two corners on the right side with a patched restoration. The gilt-bronze mounts are a little tarnished and rubbed, especially the capitals, and would benefit from a slight cleaning. The ebony is a bit dry on the columns. Three sections of the border of the plinth (one on the front and one on each side) with old traces of woodworm not active any longer. The mirror plate behind with stains and oxidation, as expected.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

Le Cabinet Borghèse-Windsor
Alvar González-Palacios

De nobles proportions, ce cabinet grandiose (en italien « stipo »), caractéristique du maniérisme tardif, se présente comme un palais en miniature ou, si l’on préfère, comme un magnifique objet d’art à très grande échelle  (178 cm - incluant la statuette – x 126cm x 54 cm). Composé de trois étages, il est entièrement recouvert de pierres dures et divisé en deux ordres de colonnes plaquées de lapis-lazulis, quatorze colonnes scandant le premier niveau et douze rythmant l’étage supérieur.

La richesse de sa façade tient à la splendeur chromatique des pierres, du bleu intense des lapis-lazulis à la lumière polychrome des jaspes – blanc et rouge, rouge orangé, jaune strié. Agates, cornalines et autres pierres dures  tachetées de nacre et de tonalités plus claires soulignent au centre l’ovale en améthyste et à l’intérieur de la niche est plaqué le plus beau jaspe jaune de Sicile qu’il m’ait été donné de voir. Cette partie du meuble est particulièrement soignée, la voûte et les portes latérales sont ornées de bronze doré et le plancher marqueté en ébène et corne.
Le reste du cabinet est également décoré en bronze et cuivre doré, depuis les bases  et les chapiteaux corinthiens des colonnes jusqu’aux volutes, des six cariatides aux quatre figures féminines en ronde-bosse – probablement des Vertus – et aux deux dernières couchées sur le tympan.
Toutes les têtes de ces statuettes sont en argent. Au sommet du cabinet, la figure d’un empereur romain,  légèrement plus grande,  confère une aura patricienne à la somptueuse construction : ses traits rappellent ceux d’Hadrien ou de Lucius Verus. Les armes sur l’arc central sont celles de Paul V Borghèse (1552-1621, élu pape en 1605) : est fait ainsi allusion à la relation entre le pouvoir temporel des empereurs de Rome et celui plus spirituel du vicaire du Christ sur la Terre.

Il s’agit du cabinet romain le plus important depuis plusieurs décennies à apparaître sur le marché. Son histoire est en partie connue, mais elle a été rappelée récemment dans l’ouvrage de Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd (voir note 3). Le meuble apparut une première fois à Londres le 4 juillet 1821, lors de la vente anonyme A Collector of taste : le catalogue Christie’s stipulait une provenance Borghèse, « this noble article is from the Borghese Palace ». Suite à la vente, il fut racheté par le célèbre marchand londonien Edward Holmes Baldock (1777-1845) qui le confia pour restauration à Joel Wood à Londres en 1824. Trois années plus tard, le 22 mai, Baldock le vendit à Georges IV (1762-1830). Le roi le destinait au Grand Corridor du château de Windsor : c’est pourquoi il fut restauré en 1828 par ses ébénistes, Morel & Seddon. Le cabinet Borghèse demeura dans les collections royales anglaises jusqu’en 1959, date à laquelle il fut vendu avec la table pariétale de goût néoclassique qui le soutenait, peut-être commissionnée par Baldock auprès de l’ébéniste français Alexandre-Louis Bellangé (voir infra) : il fut inclus dans la vente Christie’s du 2 octobre s’intitulant « Property of H. M. Queen Mary, from Marlborough House ».

Tout ce qui a été écrit jusqu’à présent à propos de l’origine Borghèse de ce cabinet est exact. Le prince Camille Borghèse (1775-1832), auquel le cabinet appartenait en tant que descendant de Paul V, était jeune et assez riche : l’héritage des Borghèse était alors intact et tous les palais et les biens des Borghèse, à Rome et ailleurs, demeuraient en sa possession. Cet héritage comprenait également de splendides collections d’œuvres d’art, à l’exception de la plupart des antiquités classiques qu’il avait dû vendre à la France suivant la volonté de Napoléon Ier - ces dernières ne lui furent d’ailleurs jamais entièrement payées. Depuis son mariage avec Pauline Bonaparte en 1803, sœur de Napoléon Ier, le prince Camille était devenu citoyen français et Altesse Impériale. Après la chute de l’Empire, le prince partit vivre à Florence au palais Salviati Borghèse, redécoré somptueusement pour l’occasion ; ses relations avec Rome et la Papauté étaient cordiales mais légèrement assombries par son passé anticlérical. Son frère et héritier présumé, Francesco Borghèse Aldobrandini, vivait pour sa part à Paris en très bons terme avec la cour des Bourbons, revenus au pouvoir en 1815. Les relations étroites entre Louis XVIII et Georges IV sont connues, et cela aurait été inconcevable de vendre au roi d’Angleterre un objet qui se prévalait d’une origine Borghèse, si cette dernière avait été fausse.

On pourrait se demander pourquoi un homme aisé et très en vue céda ainsi un meuble que nous considérons aujourd’hui un chef-d’œuvre[1]. Cependant les goûts changent et un cabinet comme celui-ci, si spectaculaire soit-il, ne fut pas toujours à la mode. Lorsqu’au XVIIIe siècle s’épanouit le goût rocaille, celui-ci s’accommoda mal des meubles en ébène et pierres dures. A l’époque du triomphe de la courbe, ce type de mobilier fut relégué dans des dépôts ou vendu. Dans le meilleur des cas, il fut, comme cela se produisit effectivement en France, envoyé dans des institutions scientifiques, à l’image du Jardin du Roi (actuel Jardin des Plantes). Ce ne furent pas des motivations artistiques qui déterminèrent ces choix, mais bien plutôt l’influence de grands hommes de sciences ou de naturalistes comme Buffon, lesquels souhaitaient étudier les pierres rares qui constituaient ces meubles.
Il n’est donc pas surprenant que, quelques décennies plus tard, Georges IV ait eu la possibilité d’acquérir le cabinet Borghèse, ou que le duc de Northumberland ait pu acheter en 1824 les deux cabinets de Domenico Cucci, réalisés à Paris en 1683 par les lapidaires florentins des Gobelins pour Louis XIV. En dépit de leur provenance, Louis XV avait décidé de les céder dès 1751. Ils se trouvent toujours en Angleterre, à Alnwick castle, où  leur grande importance historique et artistique est maintenant parfaitement reconnue.


A Rome, les meubles marquetés entièrement en pierres dures étaient fabriqués par des ateliers indépendants, et de nos jours demeurent rarissimes. A Florence au contraire, il n’y avait qu’un seul mais extraordinaire atelier appartenant aux Médicis, la Galleria dei Lavori qui occupait le premier étage des Offices. Cet atelier avait accumulé d’énormes réserves de pierres très rares, achetées au fil des décennies, parfois au prix d’expéditions lointaines.
La réputation des œuvres florentines fut telle qu’on finit souvent par oublier celles exécutées à Rome. Le cabinet  Borghèse n’en est que plus exceptionnel, d’autant que les pierres qui le décorent sont exclusivement siliceuses, dénommées en italien pietre dure – pierres dures – à cause de la difficulté à les travailler.

Le cabinet du pape Sixte Quint, conservé au château de Stourhead (Wiltshire, Angleterre) et dont les dimensions sont similaires bien que légèrement plus hautes (214 x 126 x 84 cm), comprend en revanche deux types de pierre, des pierres siliceuses et des marbres colorés appelés en italien  pietre tenere – pierres souples. Sur la façade, les colonnettes sont taillées en différents types d’albâtre ou de marbre, tandis que les côtés du meuble sont également marquetés en marbres colorés, avec seulement quelques médaillons de lapis-lazuli et ou d’agate. Sur le cabinet de Sixte Quint, les pierres dures sont donc rares et leurs dimensions relativement réduites.
Le choix des pierres n’était pas sans implication dans le prix final de l’œuvre : scier et polir les pierres dures était très compliqué et représentait un coût élevé. Les marbres, en revanche, y compris les porphyres et les granits, comportaient moins de difficultés. Ce n’est pas par hasard que les documents d’archives pour ce genre de travaux recensent des artisans aux spécialités bien distinctes : ceux qui travaillaient les pietre dure ou siliceuses étaient pour la plupart des orfèvres et des joailliers, tandis que ceux qui s'occupaient des marbres ou pietre tenere étaient plutôt des tailleurs de pierre ou des marbriers. Pour saisir la différence essentielle qui existait entre ces deux  techniques, il convient de préciser qu’à ma connaissance, il n’y eut que cinq ouvrages réalisés exclusivement en pietre dure à Rome au XVIe siècle[2]. Même la magnifique table Farnèse, autrefois au palais éponyme à Rome et maintenant conservée au Metropolitan Museum de New York, fut exécutée en marbres colorés, ne comprenant que quelques détails en pierres dures.

C'est l'absence d'une chronologie précise qui rend l’analyse de ce genre d’œuvre assez complexe. Très peu de meubles peuvent être datés précisément et les noms de leurs auteurs ne sont presque jamais parvenus jusqu’à nous, y compris pour la fameuse table Farnèse. Quant au cabinet de Sixte Quint (le meuble artistiquement plus proche du cabinet Borghèse, comme l’a déjà souligné S. S. Jervis[3]), il est impossible de le dater avec certitude : peut-être a-t-il été conçu, même si c’est peu probable, après le pontificat de Sixte Quint (1585-1590), mais une proximité stylistique  avec  la table de Philippe II exécutée en 1587, me fait pencher pour une datation avant 1590.

Les deux cabinets papaux ne sont pas en tous points identiques. Structurellement, le cabinet de Sixte Quint est plus élancé que celui de Paul V ; en outre, les matériaux et l’échelle chromatique choisis présentent des différences. Le cabinet Borghèse ne peut être antérieur à la nomination de Paul V en 1605 ; sa silhouette et son allure sont moins gracieuses mais plus puissantes. Les figures en bronze et argent le décorant, possèdent un caractère plus plastique que pictural, relevant davantage du travail d’un sculpteur que de celui d’un joaillier. Enfin, la figure de l’empereur au sommet est très proche d’une sculpture ayant appartenu à la reine Christine de Suède : en albâtre et bronze doré, elle représente Tibère et fut conçue au début du XVIIe siècle à partir d’un torse et d’une tête antiques auxquels on adjoignit des mains et des pieds en métal doré (aujourd’hui au musée du Prado à Madrid).[4]

Bien que peu d’années séparent les deux cabinets, leur conception est  différente. Non seulement le chromatisme dans son ensemble s’assombrit légèrement dans le cabinet Borghèse, mais on n’observe plus non plus certaines ornementations consistant en de petites bandes de disques de pierres dures, que l’on retrouvait aussi bien sur le cabinet de Sixte Quint que sur la table de Philippe II. Les côtés du cabinet de Sixte Quint sont, comme on l’a dit, ornés de marbres colorés et demeurent clairs et lumineux, bien qu’ils ne soient pas en pierres dures. Pour le cabinet Borghèse, on préféra supprimer la décoration latérale, les côtés étant désormais entièrement plaqués d’ébène et de palissandre,  conférant ainsi un aspect plus solennel et majestueux au cabinet.

L’évolution stylistique des cabinets de marbres et pierres dures se poursuivit tout au long du XVIIe siècle : moins imposants, ils réduisirent en hauteur, ce qui atténua leur dimension architecturale. Le cabinet de la galerie Colonna par exemple (pour lequel nous n’avons pas de date certaine, même s’il serait prudent de le situer vers le troisième quart du XVIIe siècle) semble, à l’instar des autres meubles du même type, qu’ils soient en pierres dures ou non, avoir perdu en hauteur ce qu’il a gagné en largeur. De manière générale, le modèle du cabinet tendit à évoluer vers un dessin plus rectangulaire, de dimensions plus restreintes : toutefois, le changement majeur consistait non pas en un format plus petit, mais tenait surtout à un goût nouveau, privilégiant les lignes horizontales aux verticales.[5]

Une paire de cabinets appartenant jadis aux Borghèse, et figurant depuis le XVIIIe siècle à Castle Howard (Yorkshire, Angleterre), a été vendue chez Sotheby’s à Londres le 8 juillet 2015 : présentant de nombreuses similitudes avec le cabinet de Paul V, ils ont probablement été réalisés autour de 1620, bien qu’il faille considérer cette date avec précaution, car ils pourraient tout aussi bien remonter aux années 1610. A l’occasion de cette vente, j’ai rappelé comment John Evelyn, après son séjour à Rome en 1644, racontait avoir vu de nombreuses œuvres en pierres dures appartenant aux Borghèse, lors d’une visite le 28 novembre, dans le palais qu’il pensait être celui du cardinal Borghèse (il s’agit sans doute d’une erreur puisqu’en 1644 aucun cardinal Borghèse n’était alors en vie). Le bâtiment qu’Evelyn visita était en réalité le palais Borghèse au Campo Marzio : “We were shown here a fine cabinet and tables of Florence work in stone” [6] (Evelyn les croyait florentines, ainsi que le pensaient souvent les visiteurs étrangers de l’époque). Il est fort probable que le meuble observé par Evelyn ait été le cabinet Borghèse présenté ici. Les Borghèse possédaient beaucoup d’autres cabinets que j’ai déjà dérits par le passé[7] ; cependant, ils n’auraient pas été qualifiés comme uniquement en pietre dure,  car ils étaient également composés de nombreux autres et luxueux matériaux.

A partir des documents d’archives qui nous sont parvenus, on peut identifier les différents métiers impliqués dans la réalisation du cabinet Borghèse ;  il est bon de souligner que chacun de ces artisans intervenait sur des aspects bien spécifiques de l’exécution. A l’origine, un architecte livrait le dessin du cabinet et, dans la plupart des cas, supervisait la réalisation de l’œuvre. C’était ensuite au menuisier (falegname en italien) de construire un bâti en bois sur lequel un ébéniste venait plaquer les bois précieux et moulurer les tympans, encadrements et motifs en ébène. Un groupe de lapidaires concevaient les marqueteries en pierres dures, et probablement un autre lapidaire se chargeait spécifiquement des colonnes en lapis-lazuli ; un fondeur (metallaro)  fournissait  les montures en cuivre ou bronze doré, tandis qu’un sculpteur, et peut-être aussi un orfèvre, réalisaient les figures en bronze et en argent. Il fallait enfin que l’ébéniste fixe les montures sur le cabinet et qu’un serrurier (chiavaro) élabore les mécanismes pour ouvrir et fermer les différents tiroirs et compartiments. D’autres artisans étaient certainement sollicités, comme un ébéniste spécialisé dans le travail de l’ivoire par exemple.

Les noms des artistes et artisans exerçant ces métiers sous le pontificat de Paul V sont connus.[8] Parmi eux, il est ainsi possible d’en relever quelques-uns, susceptibles d’avoir pu travailler sur ce cabinet, mais en aucun cas ces suggestions ne doivent être considérées comme des attributions. L’un d’entre eux, Innocenzo Toscani, était réputé pour travailler l’ébène : son nom nous amène à penser qu’il était italien, bien que les ébénistes les plus renommés de l’époque vinssent du nord de l’Europe. L’orfèvre originaire de Nuremberg Hans Keller (dénommé Cheller ou Chellero en italien) est mentionné pour la première fois en 1617. L’artisan le plus susceptible d’avoir apporté sa contribution au cabinet est l’ébéniste allemand Remigio Chilolz mais nous n’avons aucune information sur lui avant 1629 (il mourut en 1661). Le fondeur et sculpteur Giacomo Laurenziani apparait plusieurs fois parmi les fournisseurs de Paul V, ainsi que les orfèvres Tomasso Cortini et Martino Guizzardi. Enfin, l’ingénieur et bronzier Pompeo Targone (1575-v.1630)  conçut pour la chapelle Pauline (basilique Sainte-Marie-Majeure) - dont le chantier était suivi avec le plus grand soin par le pontife - des colonnes entièrement recouvertes de lamelles de jaspe enchâssées de métal doré : un tour de force technique jamais réalisé jusque-là, même sous l’Antiquité. Une hypothèse encore plus satisfaisante serait l’ébéniste flamand Giovanni van Santen (connu en Italie sous le nom de Vasanzio) : en 1606, il est mentionné comme proposant dans sa boutique de la Via Giulia des cabinets d’ébène ornés de gemmes, puis il travailla de 1613 jusqu’à sa mort en 1621, comme architecte attitré des Borghèse. Malheureusement, il n’existe pas d’objet comparable nous permettant de faire un rapprochement définitif avec l’œuvre de Vasanzio ou de Targone, bien que la technique employée pour les colonnettes en lapis-lazuli du cabinet Borghèse soit la même que celle employée sur les grandes colonnes de la chapelle Pauline.

Un indice confortant la provenance du cabinet est l’exceptionnelle qualité des jaspes ornant sa façade. Dans les documents d’archives, Antonio Del Drago est mentionné en 1608 comme le préposé aux pierres dures du pape: la même année, il reçoit un dépôt de jaspes pour la chapelle Pauline du marchand Giovanni Geri qui approvisionna directement en jaspes le chantier de la chapelle à une autre occasion cette année-là. En 1612, on relève encore le nom de Del Drago vérifiant les fournitures livrées par le fondeur Fiochino (ce dernier pourrait être l’un des auteurs des montures du cabinet). En 1610, un prince sicilien fit livrer des jaspes pour la chapelle du pape et, en 1612, Francesco Cechone est indiqué comme sciant des marbres pour le même chantier (le document parle de marbres plutôt que de pietre dure). Quoi qu’il en soit, une attention toute particulière était portée aux jaspes siciliens puisque l’administration papale fit donner vingt-cinq écus « aux marins qui ont rapporté les jaspes de Sicile »[9]. Il y eut également deux achats successifs en 1609 et 1610 de lapis-lazulis auprès de Giovanni Battista Bolognetti à Venise : ces pierres semi-précieuses étaient, d’après les documents, destinées à la chapelle du pape à Sainte-Marie-Majeure, mais du point de vue de Paul V, ce qui était destiné au pape lui appartenait aussi en propre. N’était-il pas l’élu de Dieu ?

[1] J’ai lu récemment la Description de l’inventaire de tout le mobilier existant dans les appartements du Palazzo Nobile à Rome et de celui des appartements du Casino, de la Villa Pinciana, propriétés de Son Altesse Monsieur le Prince Camillo Borghèse occupées temporairement par Sa Majesté le Roi Charles IV (Archives Secrètes du Vatican, Archives Borghèse, fascicule 309). Aucun meuble en pierres dures n’est mentionné au Palazzo. Néanmoins, les propriétés des Borghèse étaient bien plus nombreuses et je n’ai pas eu occasion de voir s’ils existaient des inventaires de l’époque pour les autres résidences de la famille Borghèse, ni n’ai pu accéder aux inventaires de l’époque pour les résidences du prince lorsqu’il vivait à Turin en qualité de Gouverneur d’une grande partie du Nord d’Italie.

[2] Ces ouvrages sont : la table de Philippe II offerte par le cardinal Alessandrino au roi d’Espagne en 1587, aujourd’hui au Prado ; une table ayant appartenu au duc de Westminster, datable à mon avis des environs de 1585 (A. Gonzalez-Palacios, Las colecciones reales españolas de mosaicos y piedras duras, Madrid 2001, p. 62) ; une table autrefois à la Corsini Gallery à New York (A. Gonzalez-Palacios, Il Gusto dei principi, Milan, 1993, fig. 702) ; le cabinet de Sixte Quint, et le cabinet Borghèse présenté ici, même si ce dernier date du début du XVII siècle.

[3] Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd, Roman Splendour English Arcadia, The English Taste for Pietre Dure and the Sixtus Cabinet at Stourhead, National Trust, Londres, 2015. Voir aussi les importantes enquêtes de H. Roberts, For the King’s Pleasure. The Furnishings and Decorations of George IV’s Apartements at Windor Castle, Londres 2001.

[4] R. Coppel, Museo del Prado. Catalogo de la Escultura de Epoca Moderna, Madrid 1998, p. 338 (l’auteur semble attribuer la sculpture à Nicolas Cordier) ; M. Simal Lopez, « Marbres pour le décor du Palais de la Granja », in Splendor marmoris, sous la direction de G. Extermann et A. Varela Braga, Rome, 2016, pages 244-245, fig. 11.

[5] Le cabinet Colonna est illustré dans le livre de A. Gonzalez-Palacios, Mobiliers et décors à la cour de Rome, Milan 2004, p. 23 – à la page 22 du même ouvrage est illustré un cabinet du château de Rosenborg, datant de 1678 et témoignant de cette tendance nouvelle : à propos de ce meuble et d’autres cabinets, voir le catalogue de vente Treasures , Sotheby’s, Londres, le 8 juillet 2015, lot 20, sous la direction de M. Tavella et A. Gonzalez-Palacios. Voir aussi Simon Swynfen Jervis et Dudley Dodd, cité supra, où on reproduit une vaste sélection de cabinets romains plus petits et de silhouette rectangulaire, pages 24, 26, 67, 68, 71 et 73. 

[6] The Diary of John Evelyn, sous la direction de A. Dobson, Londres 1906, 1er volume, p. 199.

[7]  Voir Treasures , vente Sotheby’s à Londres, le 8 juillet 2015, lot 20 ; A. Gonzalez-Palacios, “Concerning furniture : Roman Documents and Inventories”, dans Furniture History, vol. XLVI (2010), pages 11, 12, 65-70.

[8] A. M. Corbo, Massimo Pomponi, Sources pour l’histoire artistique romaine à l’époque de Paul V, Rome 1995, avec des index très utiles et une liste exhaustive de documents d’archives.

[9] Corbo, Pomponi, cité supra, pages 39, 64, 65, 68, 70, 149, 160, 170.


Le cabinet Borghèse-Windsor dans les collections royales anglaises

Etabli à Londres au 7 Hanway Street, Edward Holmes Baldock (1777-1845) débuta son activité comme marchand de porcelaines, puis se spécialisa dans la conception et la revente de meubles ornés de plaques de porcelaine ou de pierres dures. Il fut l’un des principaux fournisseurs de George IV, ainsi que des grands collectionneurs britanniques comme le duc de Northumberland  à qui il vendit en 1824 les fameux cabinets de Domenico Cucci, provenant des collections de Louis XIV.
Ce fut sans doute Baldock qui, afin de mettre parfaitement en valeur le cabinet, commanda la luxueuse console sur laquelle il repose encore aujourd’hui. Cette console est caractéristique de l’œuvre de l’ébéniste français Louis-François Bellangé (1759-1827), dont la production était particulièrement appréciée des amateurs outre-Manche et notamment du roi George IV.  Les Bellangé travaillèrent fréquemment pour Baldock : on retrouve la marque du marchand - EHB - sur un meuble en  pierres dures d'Alexandre Bellangé (cf. S. Cordier, op. cit., pp. 630-631, ALB 5). Epousant discrètement l’architecture du cabinet, la console repose des colonnes géminées dont les chapiteaux ioniques rappellent ceux du cabinet que Louis-François Bellangé livra en 1823 au marchand Maëlrondt ; la frise de rinceaux sur la ceinture de la console est aussi très similaire aux rinceaux du cabinet Maëlrondt  (cf. S. Cordier, op. cit., p. 619, LFB 25).
Néanmoins, il se peut également que George IV ait directement commandé à Bellangé la console : une note de la Royal Household fait état en 1829 d’une dette importante de la Couronne envers la veuve Bellangé, correspondant à un meuble "purchased for His Majesty" (cf. S. Cordier, op. cit., p. 356). Jusqu’à maintenant, ce meuble n’avait pas été identifié et il pourrait s’agir de notre console, d’autant que tous les autres meubles connus des Bellangé appartenant aux collections royales proviennent de marchands ou de ventes publiques, et qu’aucun ne fut directement acquitté aux Bellangé.

Nous remercions M. Sylvain Cordier pour ces informations qu’il nous a aimablement communiquées.

Le 22 mai 1827, Baldock vendit finalement le cabinet au roi George IV (H. Roberts, op. cit., p. 248). Continuant l’œuvre de son père, auquel il succéda enfin en 1820, George IV (1762-1830) contribua grandement à la rénovation du château de Windsor : sous la direction de son conseiller Charles Long et de l’architecte Jeffry Wyatville, une gigantesque campagne de travaux fut entreprise afin de redonner tout son lustre à l’antique forteresse. L’une des innovations majeures fut la création du Grand Corridor : construit entre 1824 et 1828, il ne mesurait pas moins de 168 m de long et desservait les appartements royaux. The Long Gallery se révéla bientôt être un écrin de choix pour les collections du roi : tandis que, sur les murs, se côtoyaient tableaux de maîtres vénitiens et portraits de famille, une quantité impressionnante de consoles, cabinets en laque et meubles d’André-Charles Boulle, sur lesquels étaient disposés bronzes et porcelaines, alternait avec les bustes des monarques britanniques posés sur des gaines. Trois cabinets de pierres dures, dont celui acquis chez Baldock, étaient destinés à compléter l’ensemble (H. Roberts, op. cit., p. 238).
Les ébénistes du roi, Nicholas Morel & George Seddon, furent chargés de la décoration du Corridor, aménagé dans le goût Tudor. Comme toutes les acquisitions du souverain, le cabinet leur fut confié pour restauration le 24 septembre 1828 : « To taking out thoroughly repairing, cleaning and polishing, the Mosaic panels lapis-lazuli columns, and precious stones of a large high cabinet […] » (H. Roberts, op. cit., p. 244). Une fois restauré, le cabinet fut livré à Windsor, puis mis en réserve le 13 août 1829.

Le cabinet fut bientôt transféré au palais de Buckingham où il orna The Green Drawing Room : une aquarelle par Douglas Morison (1814-1847), datée de 1843 et appartenant aux collections royales britanniques, le montre dans ce salon côté fenêtres, sous un portrait par John Singleton Copley. Il s’y trouvait encore dans les années 1930 et figurait alors de l’autre côté du salon (voir photographie reproduite ci-contre).

Mary de Teck épousa le futur roi George V en 1893. Lorsque ce dernier fut titré prince de Galles en 1901, le couple s’installa à Marlborough House, située à l’est du palais Saint-James, jusqu’en 1910, date de leur couronnement. Veuve en 1936, elle retourna habiter à Marlborough House où elle vécut jusqu’à sa disparition en 1953.
Grand amateur d’art, Queen Mary fut une collectionneuse passionnée et contribua par de nombreux achats à enrichir les collections royales britanniques. Ses connaissances et sa maîtrise des inventaires lui permirent de retrouver des œuvres importantes, oubliées depuis longtemps dans les réserves ou même « empruntées » abusivement. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait souhaité  pouvoir disposer du cabinet Borghèse pour le décor de sa résidence londonienne.

The Borghese-Windsor Cabinet
by Alvar González-Palacios

Of noble proportions, this late mannerist masterpiece looks like a miniature building, or perhaps a sumptuous objet on a grand scale (its dimensions are 178cm high, including the statuette, x 126 cm wide x 54 cm deep).  Composed of three storeys, its facade is completely covered with pietre dure, and divided by two orders of columns with lapis lazuli veneers, fourteen large columns articulate the ground floor level with twelve smaller columns above.

Its splendour is emphasised by the rich colours of the stones, from the intense blue of the lapis lazuli to the variegated luminosity of the jaspers – white and red, orange-red, and yellow with netted markings.  Agates, cornelians and other hard stones with pearly striations and lighter colouring highlight the oval amethyst used in the centre and lining the niche is the most beautiful Sicilian yellow jasper that I have ever seen. This central focus of the constructions is particularly finely executed with the vault and the side tiny doors mounted with gilt bronze and the floor inlaid with ebony and horn. The whole cabinet is richly mounted with bronze and copper gilt from the base mouldings and Corinthian capitals of the colums to the three pairs of scrolls, from the six caryatids to the four female figures modelled in the round – possibly representing Virtues – and by two others on the uppermost pediment.  All the statuettes have silver heads.  The figure of a Roman Emperor is set on top of the cabinet giving the whole a patrician quality.  Its features recall those of Hadrian or Lucius Verus and it is slightly larger in scale than the other statuettes.  The arms in the central pediment are those of Paul V (Borghese, 1605-1621) making a connection between the earthly power of the Roman emperors and the more spiritual power of the Vicar of Christ on earth.

This is the most significant Roman cabinet to have come onto to the market for many years.  Its story is partly known but has been retold by Jervis and Dodd (see note 3). Auctioned on 4 July 1821 as the property of an anonymous Collector of Taste, the  Christie’s catalogue description specified that ‘this noble article is from the Borghese Palace’. It was acquired (perhaps after the sale) by the famous London dealer Edward Holmes Baldock for whom it was repaired by Joel Wood in London in 1824.  Three years later on 22 May, Baldock sold it to George IV.  The King had it restored by his cabinet makers, Morel & Seddon in 1828 before it was placed in the Grand Corridor of Windsor Castle.  The Borghese cabinet remained in the Royal Collection until 1959, when it was sold along with its neoclassical stand, which may have been commissioned by Baldock from the French cabinet maker Alexandre-Louis Bellangé.  The Christie’s catalogue of 2 October 1959 describes it as ‘Property of HM Queen Mary, from Marlborough House’.

Everything written so far on the Borghese provenance is correct. Prince Camillo Borghese (1775-1832), who as head of the family descended from Paul V, owned the Cabinet, was still relatively young and very wealthy.  The family estates were intact and included all the palaces and property of the Borghese in Rome as well as many properties elsewhere. There were also magnificent art collections, although the greater part of the classical antiquities had been sold at Napoleon’s request to France (although never totally payed for).  After the fall of the Emperor, Don Camillo moved to Florence to the Palazzo Salviati Borghese which had been lavishly redecorated for him.  He continued to have a cordial relationship with Rome and the papacy although it was slightly upset by his anticlerical past. He was a famous man, married since 1803 to Paolina, sister of Napoleon, becoming then a French citizen and a member of the Bonaparte family with the title of Imperial Highness. His brother and heir Francesco Borghese Aldobrandini, lived in Paris and enjoyed a warm relationship with the Bourbon court.  The close ties between Louis XVIII and George IV are well known and it was therefore inconceivable that an object with a doubtful Borghese provenance could have been sold to the King of England.

One might wonder why a wealthy man with such a high social profile should have disposed of an object that today we consider a masterpiece.[1] However tastes change and this sort of work was not always in favour.  The Rococo style which emerged in the eighteenth century, was particularly ill-suited to being placed alongside pietre dure. In an age when curves were triumphant, objects made up of stone panels set into dark wood were either relegated to the deposits or sold off.  The most positive  destination for such an object at that time was the King’s Museum (now known as the Jardin des Plantes) not so much on account of its artistic merit but because the great scientists and naturalists of the day, like Buffon, wanted to study rare minerals and stones.  It is therefore unsurprising that George IV acquired the Borghese Cabinet or, that in the same period, the Duke of Northumberland, bought two cabinets made in Paris in 1683 by Florentine stonecutters from the Gobelins manufactory under the direction of another Italian, Domenico Cucci. Although originally made for Louis XIV for Versailles, by the mid-eighteenth century Louis XV was ready to dispose of them. They have remained in England ever since and there is now a much greater awareness of their considerable art historical significance.

Furniture exclusively inlaid with pietre dure was made in Rome by individual workshops and is very rare.  In Florence on the other hand there was a single outstanding manufactory, the Galleria dei Lavori, on the first floor of the Uffizi, which belonged to the Grand Dukes, or, in effect, the state.  It had built up enormous reserves of very rare stones acquired over the years, sometimes as a result of expensive expeditions to source the materials in remote places.  Such was the fame of Florentine work that the contribution of Rome has often been lost or confused with that of Florence. This makes the Borghese Cabinet even more unusual because every one of the stones used is siliceous in type.  This means that they are hard stones - in Italian pietre dure – and, because of this characteristic, difficult to cut.

The Sixtus V Cabinet at Stourhead House in England, (which is of a greater height at 214cm, but of similar width at 126cm and depth of 84cm), uses both siliceous stones and coloured marbles (defined as pietre tenere, or soft stones, in Italian).  On the facade the colonnettes are made of different types of alabaster or marble while coloured marbles are also set into the sides of the object with only the occasional disc of hardstone like lapis lazuli or agate included among them. The choice of material is noticeably varied, the few pietre dure are relatively small in size.  To cut such stone and polish it is difficult and therefore expensive. Marbles, on the other hand, present less of a challenge, even porphyry and granites require less demanding techniques. It is not surprising that the documents record craftsmen with different specialist skills undertaking this work.  Those that worked the siliceous or hard stones – pietre dure – were mostly goldsmiths and jewellers while those that worked marbles or pietre tenere were stone cutters or marble workers.  To understand the substantial difference between the techniques employed for the two different types of material,  it may help to realise that, to my knowledge only five objects made in Rome in the sixteenth century used pietre dure exclusively.[2]  Even the magnificent Farnese Table originally in  the Palazzo Farnese in Rome and now in the Metropolitan Museum of New York, was made using coloured marbles with only a few details in pietre dure.

What makes analysis of this kind of object quite complicated is the absence of a precise chronology.  Very few have documented dates and we almost never know the names of the makers even for the Farnese Table. Neither is there a firm date for the  Sixtus V Cabinet (which is the closest to the Borghese Cabinet as S. S. Jervis[3] has pointed out).  It is possible, though unlikely, that it was made after Sixtus V’s papacy (1585-1590), but stylistic ties with the Table of Philip II (Museo del Prado) made in 1587, point to a date before 1590. 

The two papal cabinets are by no means completely alike.  Structurally the Sixtus V Cabinet is more vertical than that made for Paul V and the materials and chromatic range are different. The Borghese Cabinet could not have been made before 1605 the date of his ascendance to the papal throne and its shape and character are less graceful though more powerful.  The bronze and silver figures that adorn it have a more plastic, less pictorial aspect, as if made by a sculptor rather than a jeweller.  The figure of the emperor on the top is strikingly close to a sculpture that belonged to Christina of Sweden and is now in the Prado Museum.  Made of alabaster and gilt bronze it shows Tiberius and was remodelled at the beginning of the seventeenth century with an antique torso and head and with hands and feet of gilded metal.[4]

Although the two cabinets were made only a few years apart they are also different in character. Not only does the use of colour change from sumptuous and bright in the earlier cabinet to darker and less minutely defined in the later, but also the delicate bands containing little discs that are found both in the earlier cabinet and in the Table of Philip II are nowhere to be seen on the Borghese Cabinet.  The sides of the earlier object, made with coloured marbles, are luminous and bright, though they would have been even brighter had they been made only of pietre dure. A few years later a choice was made with the Borghese Cabinet not to decorate the sides with marbles but to apply veneers of ebony and rosewood instead, giving the object an austere, solemn presence. 

Cabinets continued to change throughout the seventeenth century, reducing in height and gradually giving less weight to their architectural character. The cabinet in the Galleria Colonna (for which we have no firm date, but which was probably made in the third quarter of the seventeenth century) appears to have lost in height what it has made up in width, like other furniture of this type in Rome whether made with pietre dure or not. In a sense the model itself was evolving towards a series of cabinets which are rectangular in shape but smaller in size.  However the change lay not so much in the reduced dimensions but in the new taste that favoured the horizontal over the vertical.[5]

The 2015 Sotheby’s Treasures catalogue featured a pair of cabinets from Castle Howard that also had a Borghese provenance.  Very similar in style to the Paul V Cabinet and close in date, they were probably made around 1620, although this is by no means certain, and they could have been made around 1610. Writing about them in 2015, I described how during his visit to Rome in 1644, John Evelyn recalled having seen a number of objects made of pietre dure belonging to the Borghese.  Evelyn believed them to be Florentine, as did many travellers.  On 28 November he went to visit the Palazzo of Cardinal Borghese (and here he confuses one thing with another because in 1644 there was no Cardinal Borghese alive).  The building Evelyn was visiting was the Palazzo Borghese in Campio Marzio and he writes, “We were shown here a fine cabinet and tables of Florence work in stone”.[6]  It is highly likely that the object seen by Evelyn was the Borghese Cabinet of Paul V.  The Borghese family had many other cabinets, about which I have written elsewhere,[7] but they would not necessarily have been described simply as works in pietre dure because they were made of many other sorts of rich materials as well.  Documents from the archives make it possible to suggest names of craftsmen who may have been involved in building the Borghese Cabinet and it is useful to point out how these craftsmen specialised in different aspects of the construction.  To start with there would have been an architect who produced a design and usually oversaw each stage of the work.  A falegname (or joiner in English, menuisier in French) would build the wooden carcase, then a cabinet maker would lay the veneers of precious woods (in this case ebony and rosewood) and assemble the cabinet, carving architectural details such as the pediments and frames in ebony.  A group of stone cutters attended to the pietre dure inlays and probably a different stone cutter would make the lapis lazuli columns.  A founder or ‘metallaro’ (metalworker) supplied the gilt-brass ornament (such as the scrolls on the facade), while a sculptor and perhaps a silversmith made the more complex elements like the figures in bronze or silver.  The same cabinet maker or another cabinet maker would attach the ornaments and then a ‘chiavaro’ (or locksmith) would have supplied the mechanisms to open and close the cabinet.  I am convinced that there would have been other craftsmen involved as well, perhaps a specialist cabinet maker called in to make the ebony or ivory inlays for the niche. 

The names of many artists and craftsmen working at the time of Paul V’s papacy, are recorded with descriptions of their specialist skills[8] so it is possible to suggest some of those who might have worked on the cabinet.  Suggestions though should not be considered attributions.  Innocenzo Toscani is one of these and he was mainly a carver of ebony, his name indicates that he was Italian although the most well known cabinet makers in this period were from northern Europe.  Then there is Hans Keller (called in Italian Cheller or Chellero) who appears first, as far as we know, in 1617, whilst the name of the German cabinet maker Remigio Chilolz, who seems the most obvious craftsman to have been involved with Borghese Cabinet, is not recorded  until 1629 and we know he died in 1661.  The founder and sculptor Giacomo Laurenziani figures many times in the accounts of Paul V, as do the silversmiths Tomasso Cortini and Martino Guizzardi.  Meanwhile Pompeo Targone, a founder, engineer and maker of exquisite objects, designed the columns in the Cappella Paolina in S. Maria Maggiore, a project close to Paul V’s heart.  They featured narrow jasper veneers fixed between gilt metal mounts running along the length of the column, something never before seen even by the ancient Romans. Then there was the Flemish cabinet maker Giovanni van Santen (known in Italy as Vasanzio) who may be an even better candidate for the Borghese Cabinet.  In 1606 he is recorded as making ebony cabinets decorated with gems in his workshop in Via Giulia. Subsequently, from 1613 until his death in 1621, he served as architect to the Borghese. Unfortunately we have no other comparisons or relevant objects that would allow an attribution to either Vasanzio or Targone even though the technique used to make the little lapis lazuli columns on the Borghese Cabinet is the same as that used on the very large columns of the Cappella Paolina. 

One further possible, indeed convincing, indicator of provenance concerns the exceptional quality of jasper used on the facade of Paul V’s Cabinet.  The name of Antonio Del Drago is known from documents which describe him, in 1608, as  keeper of the Pope’s pietre dure.  That year he received a consignment of jaspers for the Cappella Paolina from Giovanni Geri who must have been a dealer in stones because he sold jaspers directly to the chapel on another occasion that year.  In 1612 Del Drago is recorded to supervise the accounts of the brass worker Fiochino (Fiochino could be another craftsmen involved with the mounts for the cabinet).  In 1610 a Sicilian prince sent jaspers for the “Cappella del Papa” and in 1612 Francesco Cechone is recorded as cutting marbles for the same building (the document mentions marbles, rather than pietre dure).  The Sicilian jaspers are however of particular importance since the papal administration recorded a payment of 25 scudi “alli marinari che han portato li diaspri di Sicilia” – to the sailors who brought the jaspers from Sicily.[9] In 1609 and 1610 on two separate occasions, lapis lazuli was acquired in Venice from Giovanni Battista Bolognetti and documents record that these semiprecious stones were destined for the Pope’s chapel at S. Maria Maggiore but as far as Paul V was concerned what belonged to the Pope belonged by right to him as individual, since he had been chosen by God.

Translation by Emma-Louise Bassett

[1] I have recently read the, “Descrizione di inventario di tutto il mobilio esistente nelli appartamenti del Palazzo Nobile di Roma e di quello delli appartamenti de’ Casini, della Villa Pinciana spettante a S. A. I. il Sig. Pnpe. Camillo Borghese provvisoriamente occupati da S. M. il Re Carlo IV” (Archivio Segreto Vaticano, Archivio Borghese, f. 309). No mention is made of any pietre dure furniture in the Palace.  However the Borghese had many other properties and I have not had the opportunity to discover if there are surviving inventories from this period for the family’s other residences, nor have I been able to access the inventories of the Prince’s residences when he was Governor General of a large part of Northern Italy and lived in Turin.

[2] These include the Table of Philip II given to the King of Spain in 1587 by Cardinal Alessandrino, which is now in the Prado Museum;  a table that belonged to the Duke of Westminster, datable by my reckoning to around 1585 (A. Gonzalez-Palacios, Las colecciones reales españolas de mosaicos y piedras duras, Madrid 2001, p. 62); a table that was once in the Corsini Gallery in New York (A. Gonzalez-Palacios, Il gusto dei principi, Milan 1993, fig. 702); the Cabinet of Sixtus V which has been mentioned and the Borghese Cabinet under discussion here, although this last object dates to the early seventeenth century.

[3] Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd, Roman Splendour English Arcadia, The English Taste for Pietre Dure and the Sixtus Cabinet at Stourhead, National Trust, London, 2015. See also the significant findings by H. Roberts, For the King’s Pleasure. The Furnishings and Decorations of George IV’s Apartments at Windor Castle”,  London 2001.

[4] R. Coppel, Museo del Prado. Catalogo de la Escultura de Epoca Moderna, Madrid 1998, p. 338 (the author appears to be drawn towards an attribution of the sculpture to Nicolas Cordier); M. Simal López, “Marmi per la decorazione del Palazzo della Granja”, in Splendor marmoris, ed. G. Extermann and A. Varela Braga, Rome 2016, pp. 244-245, fig. 11.

[5] The Colonna Cabinet is illustrated in A. Gonzalez-Palacios, Arredi e ornamenti alla corte di Roma, Milan 2004, p. 23. On p.22 there is also a picture of a cabinet of 1678 in Rosenborg Castle which follows this new tendency. For more on this and other similar cabinets, see the auction catalogue Treasures, Sotheby’s, London, July 8th 2015, lot 20, ed. M. Tavella and A. Gonzalez-Palacios.  See also  Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd, cit., which includes illustrations of a wide range of smaller rectangular Roman cabinets, pp. 24, 26, 67, 68, 71 and 73.

[6] The Diary of John Evelyn, ed. A. Dobson, London 1906, vol. I, p. 199.

[7] See the auction catalogue Treasures, Sotheby’s, London, July 8th 2015, lot 20; A. Gonzalez-Palacios, “Concerning Furniture: Roman Documents and Inventories, in Furniture History, vol. XLVI (2010), pp. 11, 12, 65-70.

[8] A. M. Corbo, Massimo Pomponi, Fonti per la storia artistica romana al tempo di Paolo V, Rome 1995, for very useful indexes and an exhaustive list of archive documents.

[9] Corbo, Pomponi, cit., pp. 39, 64, 65, 68, 70, 149, 160 and 170.