Lot 181
  • 181

Proust, Marcel

Estimate
10,000 - 15,000 EUR
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Description

  • Proust, Marcel
  • Abziens (Kasthedralch). (Facadch wwwouest). [Probablement entre automne 1901 et 1904]. Dessin original.
  • ink on paper
1 p. in-12 (178 x 115 mm). Filigrane " Au Pr[intemps] P[aris] Nouveau Pa[pier Français]".
Pliure médiane, très petite déchirure sur 3 mm à gauche.

La cathédrale d’Amiens, envoyée à Reynaldo Hahn.
L’un des dessins les plus élaborés de Proust.



Dessin de la façade ouest de la cathédrale d’Amiens. La légende est écrite dans ce "lansgage" que pratiquent alors Proust et Reynaldo Hahn : il germanise à sa manière les mots "Amiens" ("Abziens"), "Cathédrale" ("Kasthedralch"), "façade" ("facadch") et "ouest" ("wwwouest"). Le dessinateur explique aussi : "Aspect général de la cathédrale d’Amiens en négligeant justement ce que je sais (porche ouest) bien que ce soit la façade ouest mais de mémoire et très vague." Proust se réfère à la déclaration attribuée à Turner par Ruskin : "mon affaire est de dessiner ce que je vois, non ce que je sais" (Contre sainte-Beuve, p. 121) ; de la même manière, le Narrateur de la Recherche relève qu'Elstir s'efforçait "de ne pas exposer les choses telles qu'il savait qu'elles étaient, mais selon ces illusions optiques dont notre vision première est faite" (Recherche, II, p. 194). Le dessin a donc été fait de mémoire, soit après sa visite à Amiens le 7 septembre 1901. Deux fois répétée, la phrase "Je n’irai pas gare" [sic] se réfère peut-être au moyen de locomotion avec lequel, le jour de sa visite, il est allé à Amiens.



Dans le sillage de Ruskin. Dans la création proustienne, aux Plaisirs et les Jours puis à la tentative de Jean Santeuil succèdent plusieurs années consacrées à Ruskin, qu’il découvre en 1896, auquel il consacre plusieurs articles avant de publier les traductions de la Bible d’Amiens (1904) et de Sésame et les Lys (1906). Avec l’esthète anglais comme guide, il se rend à Venise en 1900 pour en admirer les Pierres et à Amiens, le 7 septembre 1901, pour en visiter la cathédrale. De cet édifice, Ruskin admire par-dessus tout la façade ouest : "Le portail d’une cathédrale gothique, et plus particulièrement d’Amiens, la cathédrale gothique par excellence, c’est la Bible", approuve Proust. Et quand il se rend à Amiens sur les traces de Ruskin, il l’examine attentivement : "étant trop près du portail pour voir l’ensemble, je revins sur mes pas, et arrivé à la distance qui me parut convenable, alors seulement je regardai" (Ruskin, p. 39).



Probablement réalisé entre son voyage à Amiens (1901) et la publication de La Bible d'Amiens (1904), ce dessin fut offert ou envoyé à Reynaldo Hahn.



Provenance : Autographes littéraires et historiques, Lettres de Marcel Proust [Marie Nordlinger] (Drouot, 15 et 17 décembre 1958, lot 211). Après Reynaldo Hahn, sa cousine Marie Nordlinger, qui avait aidé Marcel Proust dans sa traduction de Ruskin, en hérita.



Expositions : B.N.F., n° 252. -- Jacquemart-André, n° 202. -- L’Écriture et les Arts, n° 102a.



Références : Hahn, repr. p. 117. -- Rey, repr. p. 65. -- Album Pléiade, repr. p. 199. -- Sollers-Nave, repr. p. 44. -- Greene-Szylowicz, p. 7-29. -- Speck, p. 44-57.