Lot 24
  • 24

Joseph Vernet

Estimate
400,000 - 600,000 EUR
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bidding is closed

Description

  • Joseph Vernet
  • Le lever du jour, le départ des pêcheurs
  • Signé, localisé et daté en bas à gauche Joseph Vernet f. Roma 1747
  • Huile sur toile

Provenance

Collection E. Milnes Gaskell ;
Vente de feu Monsieur P. "Jules Pagès", Paris, Galerie Georges Petit, 17-18 juin 1924, lot n°125 ;
Probablement vente anonyme,  Londres, Christie’s, 6 mai 1927, lot n°102 (en paire) (acquis par Halleyn) ;
Collection Roger Ehrhardt de Schiltigheim ;
Probablement vente Schiltigheim, Paris, 16 février 1939, lot n°16 et 17 (en paire) (121 x 171 cm) ;
Château de Ferney-Voltaire ; 
Vente anonyme, Monaco, Mes Calmels, Chambre et Cohen, 1er août 2000, lot n°18 ;
Acquis à cette vente



Condition

A l'œil nu : Le tableau se présente en bel état. Le tableau a fait l'objet d'un rentoilage, probablement au début du XXe siècle, correctement réalisé et qui n'a pas tassé la matière A la lampe UV : On remarque quelques restaurations dans le ciel dont une restauration horizontale sur 20 cm. à 15 cm. du bord gauche traversant le sommet du mat du bateau à gauche. On remarque deux autres restaurations de 10 à 15 cm. de longueur légèrement t obliques à 10 cm. de la première. On remarque quatre autres reprises de 3 à 4 cm. de longueur dans le ciel à gauche entre le mat et le bord du tableau, quelques reprises ponctuelles le long du cadre : dans le bord gauche, le coin supérieur gauche, le bord droit (au centre) et le coin supérieur droit. On remarque une restauration en diagonale d'environ 8 cm. au centre du ciel vers la droite. Une restauration circulaire d'environ 3 cm. de diamètre dans le ciel à 20 cm. de la tour. On remarque quelques petits points de restauration éparses dans le ciel. La partie inférieure est très bien préservée et on ne remarque aucune restauration dans les barques et les personnages.
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NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

Nous remercions Emilie Beck d'avoir confirmé l'authenticité de cette oeuvre, d'après un examen de visu.

We are grateful to Emilie Beck for confirming the authenticity of this painting, based on first-hand inspection.

On devine derrière la brume du matin, un soleil pâle se reflétant sur une mer endormie. Sur le rivage la journée commence doucement, les premières barques s’apprêtent à partir tandis qu’un personnage profite des derniers instants de repos allongé à même le sol.
La transposition atmosphérique de ce moment de la journée est saissisante de vérité. Vernet intitulait ses tableaux en commençant par le moment de la journée qu’ils représentaient. Ce choix exprime à quel point il attachait une extrême importance à rendre avec précision les effets atmosphériques propres aux différents moments de la journée.
Originaire d’Avignon, Joseph Vernet débuta son apprentissage avec son père (peintre décorateur) puis dans l’atelier du peintre Philippe Sauvan mais très vite il déménagea à Aix-en-Provence afin de continuer sa formation chez le peintre de marines Jacques Viali. Héritier de Claude Lorrain, sa première série de paysages attira l’attention de Joseph de Seytes, marquis de Caumont qui lui proposa de financer un séjour en Italie. Pendant son séjour, Vernet devait continuer sa formation tout en réalisant des dessins des ruines de la ville pour son mécène.
Dès son arrivée à Rome en 1734, il s’intégra rapidement dans la communauté des artistes français installés dans la ville. Il eut accès à l’Académie de France où il travailla étroitement avec Adrien Manglard. En quatre ans, son succès fut tel qu’il commença à tenir un livre de commandes. A partir de 1740, sa réputation de peintre de marines et de paysagiste était faite et en 1743 les Italiens reconnaissaient son talent en l’élisant membre de l’Accademia di San Luca. Sa renommée grandit parallèlement en France surtout à partir de 1746 quand commence sa participation au Salon après sa réception à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. Mais les Anglais furent sans aucun doute ses clients les plus enthousiastes. Ses œuvres évoquaient les souvenirs du « grand tour » que tout gentilhomme se devait d’accomplir pour connaître le monde de son époque. Des contacts s’établirent d’abord à Rome mais continuèrent tout le long de sa vie sans doute facilités par le beau-père de Vernet, Mark Parker, Irlandais et qui avait appartenu à la marine papale. Vernet avait épousé sa fille en 1745.
C’est grâce à l’intervention d’un autre important mécène, la Marquise de Pompadour, que Vernet se décida à rentrer finalement en France en 1750. Ce retour aboutira à la commande royale des quinze Ports de France par Louis XV et au titre de Peintre de marines de Sa Majesté.
Onze ans plus tard après la perte des colonies et le traité de Paris, le duc de Choiseul, ministre de la marine et de la guerre, insistait auprès du roi sur l’importance pour la France de posséder une puissante marine. La réponse de sa Majesté fut « Mon cher Choiseul, vous êtes aussi fou que vos prédécesseurs : ils m’ont tous dit qu’ils voulaient une marine : il n’y aura jamais en France d’autre marine que celle du peintre Vernet. »[1].
Sa réputation débordait les frontières à tel point qu’aucune collection en Europe n’aurait été considérée comme complète sans la présence d’au moins un de ses tableaux.


Bien qu’il ait peint, sur commande, nombre de magnifiques et importants tableaux représentant des lieux bien définis, Vernet s’en tenait plus généralement à des scènes d’imagination. Il semble qu’il préférait ces dernières dans la mesure où elles lui permettaient plus de liberté artistique, ce qui ravissait ses clients. Tout comme Panini assemblait plusieurs ruines pour en faire un tableau, Vernet composait ses paysages et ses marines à partir de divers éléments pris sur le motif.
C’est avec de telles œuvres que Vernet débuta au Salon de Paris. Les contemporains de Vernet furent saisis par l’impression vive de nature qui se dégage de son œuvre, malgré une composition convenue. La Font de Saint-Yenne[2] écrivait « Les effets (de la nature etc…) attachent avidement nos regards dans les tableaux de sieur Vernet par la force de la vérité et le charme de l’imitation…tout cela est d’un grand Peintre, d’un Phisicien[sic] habile scrutateur de la Nature dont il sait épier les moments les plus singuliers avec une sagacité étonnante ».
Vernet n’a jamais été abandonné par le public des Salons, ni par les collectionneurs qui s'arrachaient ses œuvres ; mais à partir de 1760 il avait tendance à s’en remettre à des recettes éprouvées, et, dans ce sens, son succès même était devenu son pire ennemi. En 1769, alors qu’il exposait une paire de tableaux de son époque italienne à côté d’œuvres récentes, Diderot remarquait : « On le compare à lui-même et c’est lui qui se blesse ».
Notre tableau appartient à cette période extrêmement recherchée de l’artiste, où à l’apogée de son art, il scrute la nature, saisissant avec justesse chaque effet de lumière, chaque mouvement de l’eau… Par la conciliation des détails et la conception de l’ensemble, Vernet invente des compositions extrêmement réalistes, grâce à des motifs pris sur le vif, qui réussissent à transporter le spectateur. Comme l’écrivait Sir Joshua Reynolds dans les années 1780 dans une lettre adressée à un jeune candidat à la peinture de marines ; « je vous conseille de peintre directement sur le motif et non d’après de simples croquis, d’apporter votre palette et vos crayons au bord de l’eau. C’est ainsi que procédait Vernet que j’ai connu à Rome. C’est là qu’il me montra ses études en couleur qui me frappèrent par cet accent de vérité qui n’appartient qu’aux exécutées sous le coup de l’impression première. A cette époque il rendait admirablement le caractère de l’eau, si j’ose employer cette expression. Maintenant il n’est plus qu’un maniériste et il n’y a plus à recommander de chercher à l’imiter »[3]. Vernet eut une énorme influence dans la peinture de paysage anglaise.
Même les Goncourt, écrivant en 1852 au sujet de l’école de Barbizon, pouvaient faire allusion à « l’école du XIXe siècle, inaugurée au XVIIIe siècle par Vernet, qui commençait à regarder ».

De par sa provenance, notre tableau a été classé Monument Historique avec l'intégralité du mobilier du Château de Ferney-Voltaire en 1958.
Ce tableau ne peut donc pas quitter le territoire français.

[1]. Introduction à l’exposition Joseph Vernet (1714 -1789), Musée de la Marine, Palais de Chaillot, Paris, 15 octobre 1976 - 9 janvier 1977
[2] Un des premiers critiques d’art français
[3]. F.W. Hilles, Letters of Sir Joshua Reynolds, Cambridge University Press, 1929, p. 73.

The English version of this article is available in the e-catalogue.

One may suppose behind this morning mist, a pale sun is reflecting onto a sleepy sea. Along the shore the day starts slowly, the first boats prepare to leave while a person enjoys the last few moments of rest while lying on the ground.
The atmospheric transposition of this time of day grasps realism. Vernet entitled his paintings by beginning with the depicted part of the day. This choice demonstrates how much emphasis he placed onto rendering accurately the ambience effects specific to different daily moments.

Originally from Avignon, Joseph Vernet began his apprenticeship with his father (painter-decorator) then entered the artist Philippe Sauvan’s studio, but soon moved to Aix-en-Provence to continue his art studies with the maritime painter Jacques Viali. Heir of Claude Lorrain, his first series of landscapes attracted the attention of Joseph de Seytes, Marquis of Caumont who offered to finance his trip to Italy. During his stay, Vernet continued his training and executed drawings of city ruins for his patron.
Upon his arrival in Rome in 1734, he quickly integrated in the French community of artists residing in the city. He had access to the Academy of France, where he worked closely with Adrien Manglard. Within four years, his success was such that he began to keep a roster of commissions. After 1740, his reputation as a martime and landscape painter was established and in 1743 the Italians recognized his talent by electing him as member of the Accademia di San Luca. His fame grew parallel in France especially from 1746 and on when he began participating in the Salon after his acceptance into France’s Royal Academy of Painting and Sculpture. But the British were undoubtedly his most enthusiastic clients. His works evoked memories from the “grand tour” that every gentleman partook to know the current world. Contacts were established first in Rome, but continued throughout his career probably facilitated by his Irish father-in-law, Mark Parker, who was a Papal Navy veteran. Vernet had married his daughter in 1745.
Vernet decided to return to France after the intervention of another important patron, Marquise de Pompadour, in 1750. This homecoming resulted in the royal commission of fifteen Ports of France for Louis XV and the title of Maritime painter for His Majesty.

Eleven years later, after the loss of the colonies and the Treaty of Paris, the Duke of Choiseul, Minister of navy and war, insisted to the king about the importance for France to have a powerful navy. His Majesty answered with a pun “My dear Choiseul, you are as crazy as your predecessors: they all told me they wanted a marine (French word for navy): there will never be another marine (French word for maritime art) in France other than those by the painter Vernet.” [1].

His reputation extended beyond the boundaries to the point that no collection in Europe was considered complete without the presence of at least one of his paintings.

Although he was commissioned to execute many magnificent and important paintings of well-defined locations, Vernet held more generally onto imaginative scenes. It appears that he preferred the latter in that they allowed him more artistic freedom, which delighted his clients. Like Panini assembling several ruins for a painting, Vernet composed his landscapes and seascapes from various elements taken from nature. Vernet debuted with these works at the Salon of Paris. Vernet's contemporaries were seized by the strong impression of nature that emerged from his work, despite the conventional composition. La Font de Saint-Yenne [2] wrote “The effects (of nature, etc.) attach avidly our glances in Mr. Vernet’s paintings by the force of realism and the charm of imitation ... all this is by a great painter, a skilled Phisicien scrutineer of Nature who knows to spy upon the most singular moments with astonishing sagacity”.

Vernet was never rejected by the public during Salons or by anxious collectors of his works. However, after 1760 he tended to rely on proven formats, and in this aspect, his success had become his worst enemy. In 1769, when he exhibited a pair of paintings from his Italian era alongside recent works, Diderot remarked: “We compare him to himself, and he himself is injured”. Our painting belongs to this extremely sought after period of the artist. At the peak of his art, he examined nature, grasped accurately every light effect, each movement of the water, etc. By reconciling the details and overall conception, Vernet invented extremely realistic compositions with motifs taken from life, which managed to transport the viewer. In the words of Sir Joshua Reynolds taken from a letter written to a young maritime painting candidate in the 1780s “I would recommend to you, above all things, to paint from nature instead of drawing; to carry your palette and pencils to the water side. This was the practice of Vernet, whom I knew at Rome; he then showed me his studies in colours which struck me very much, for that truth which those works only have which are produced while the impression is warm from nature: at that time he was a perfect master of the character of water, if I may use the expression, he is now reduced to a mere mannerist, and no longer to be recommended for imitation”. [3]. Vernet had an enormous influence on British landscape painting. Even the Goncourt, writing in 1852 about the Barbizon school, made an allusion to “the 19th century school, inaugurated in the 18th century by Vernet, which began the observing”.

[1]. Introduction to the exhibition, Joseph Vernet (1714-1789), Naval Museum, Chaillot Palace, Paris, October 15, 1976-January 9, 1977.
[2]. One of the first French art critics.
[3]. F.W. Hilles, Letters of Sir Joshua Reynolds, Cambridge University Press, 1929, p. 73.

Due to this painting’s provenance, our painting was classified as “Monument Historique” along with the entire furniture collection from Ferney-Voltaire Chateau in 1958. Thus the painting cannot leave the French territory.