Lot 90
  • 90

Louis Boulanger

Estimate
60,000 - 80,000 EUR
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Description

  • Louis Boulanger
  • Personnages en costumes grecs dans un intérieur
  • Signé en bas à droite L Boulanger
  • Huile sur toile
  • 50 x 61,5 cm ; 19 1/2 by 24 1/4 in

Catalogue Note

En 1824, les frères Devéria présentent Victor Hugo à Louis Boulanger. Rencontre déterminante pour Boulanger, source à la fois de l'amitié d'une vie et de l'inspiration esthétique renforcée par l'admiration pour l'art de Delacroix. 
Sa première participation au Salon en 1827, lui vaut le succès immédiat avec le Supplice de Mazeppa (Musée des Beaux-Arts de Rouen) qui inspire à Hugo le poème publié dans Les Orientales (XXXIV). 
Ainsi que beaucoup de ses contemporains, Louis Boulanger a été sensible aux drames vécus par le peuple grec pendant la guerre d’indépendance qui, dès le début des années 1820, l’a opposé à l’Empire ottoman. En 1826, alors qu’il n’a que vingt ans, l’artiste envoie deux tableaux à l’exposition organisée à la galerie Lebrun à Paris, pour soutenir la cause des Grecs, mais contrairement à Delacroix les scènes grecques sont rares dans son œuvre. Les livrets du Salon ne mentionnent que deux sujets philhellènes de l’artiste, l’Albanais, 1829 et un Palikare, vers1849. Plus que dans l’histoire contemporaine, l'inspiration de notre tableau est à chercher chez Delacroix, notamment dans les nombreuses études qui ont précédé Les Massacres de Scio (1824) et le Portrait du comte Palatiano en costume Souliote, exposé au Salon de  1827 (Musée de Cleveland).

Le costume de l’homme assis est très proche de ceux esquissés par Delacroix dans ses Etudes d’un personnage en costume grec (Musée du Louvre, Paris-voir l'illustration ci dessous). Il s'agit probablement d'un Souliote, un officier ou un chef de guerre, alors que l’autre soldat grec, debout doit être son aide de camp. L’éclairage artificiel et l’attitude des deux personnages suggère l’amorce ou la fin de leur dialogue. Le minaret qu'on aperçoit par la fenêtre n'est qu'un décor conventionnel qui ne permettra jamais d'identifier le lieu géographiquement. 

Au-delà même du sujet, la technique,  la matière, l’exécution libre, la palette chaude dominée par le grand drapé vieux rose dont le ton contraste avec le coussin vert, l’éclat de lumière sur le vase de fleurs vivement brossé, tout évoque l’admiration de Boulanger pour Delacroix dans ces années 1830 où le courant romantique est à son apogée. La marque du marchand de couleurs au dos de la toile permet d’ailleurs de dater le tableau entre 1830 et 1835. 

Notre tableau est un excellent témoignage de l’Orientalisme très en vogue dans les années 1820 – 1830. On peut parler d’un véritable genre, caractérisé par l’iconographie et l’éclat des couleurs. Les personnages, groupés dans un intérieur, se présentent presque toujours debout en pied, ou assis, voire couchés sur des coussins. L’intérêt se porte  sur les costumes, les armes, les accessoires, traités pour eux-mêmes de manière pittoresque. Le Turc assis sur un sofa et fumant par Delacroix en 1825 (Musée du Louvre, Paris), est typique de ce courant artistique. Les peintres qui n’ont pas voyagé s’inspirent de documents, d’objets et de vêtements rapportés d’Orient. 

On connaît une aquarelle préparatoire pour le guerrier assis seul, réapparue en vente au printemps  2009. Le personnage s’y trouve dans le sens inverse et les couleurs, plus douces, sont différentes de celles du tableau. 
L’importance exceptionnelle de ce tableau, jusqu’ici inconnu, est dans la rareté de son sujet. L’orientalisme n’apparaît que tardivement dans l’oeuvre de Boulanger, après son voyage de 1846 en Afrique du Nord. En outre, la vivacité de son style et la puissance éclatante de ses couleurs en font une révélation surprenante dans l’ensemble de son œuvre peint. Ce tableau, remarquable expression de ses aspirations romantiques illumine d’un jour nouveau les créations de sa meilleure période, avant 1835.