Lot 24
  • 24

Artemisia Gentileschi

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • Artemisia Gentileschi
  • Marie Madeleine
  • Huile sur toile

Provenance

Collection particulière du sud de la France depuis au moins deux générations.

Literature

G. Papi, Artemisia Gentileschi, Milan, in Burlinghton Magazine, décembre 2011, CLIII, p.846-847, rep fig 83 (par Artemisia Gentileschi, localisation et dimension inconnues).

Condition

The following condition report has been established by Mr Alain Goldrach, independant specialist and restorer. The painting was relined in the past with glue, and the reason is obvious when examined under ultra-violet light. The canvas bears several cuts,tears,inserts. The most visible with the naked eye is along the left edge,8" from the top right corner and 1/2"from the right edge. A long cut 10"from the right edge runs down all the way to the bottom.The retouch covers 1/2"on both sides of the damage. Another cut 4"left of the previous one and running down for about 8". A tear 14"from top edge,17"from left edge. A tear 6"from top edge,16"from left edge. An insert of canvas 8"from right edge and 2"from bottom edge. A cut at bottom right where the original canvas has separated from the lining. Also under ultra violet all the edge have been repainted but one can observe some scalloping,indicating that the painting is close to or at its original size. Some pinpoint retouches conceal some abrasions in the face and shoulder of the Mary Magdelene. The varnish is scratched at center right and otherwise completely oxidized and uneven. And strangely all these damages don't interfere with the great beauty and power that the painting exude.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

Dans les années 1600-1606, Orazio Gentileschi rencontra le Caravage qui était alors à Rome. On sait qu'ils ont échangé et que Caravage est venu dans l'atelier des Gentileschi. Bien que très jeune, Artemisia a sans doute vu ses œuvres qui sont déjà exposées dans les églises mais aussi dans les collections privées auxquelles elle a peut-être eu accès.
L'influence de cet artiste révolutionnaire marqua profondément la peinture de la jeune femme notamment dans la mise en place de ses compositions. Elle se trouve à la charnière de cette génération d'artistes que l'on appellera les artistes caravagesques et qui furent bouleversés par les idées du Maitre. Artemisia, elle, connut le grand maitre, pas assez vieille pour être contrainte par ses propres principes et pas assez jeune pour ne pas comprendre la psychologie du personnage, elle travailla à un moment critique pour ce mouvement, ses œuvres font partie des toutes premières réinterprétations. Le tableau que nous présentons est un parfait exemple des œuvres caravagesques romaines de l'aube du XVIIe siècle.
Orazio prit beaucoup à Caravage mais, il avait déjà 40 ans lorsqu'ils se sont rencontrés aussi, bien qu'on puisse noter une évolution dans sa peinture, il ne changea pas radicalement de style. Il s'appropria le clair-obscur, cette manière d'éclairer les œuvres qui donne un coté mystérieux et puissant aux sujets. Artemisia quant à elle, s'appropria la violence de cette peinture mystérieuse et utilisa avec génie cette lumière très crue, ces clairs obscurs violents typiques de l'œuvre du Caravage. Bien qu'elle se différencia dans cette interprétation de l'œuvre de son père c'est quand même avec lui qu'elle a appris son métier et ses premiers tableaux reflètent l'influence de ce dernier aussi bien dans le choix de ses sujets que dans le choix de la palette. Cependant il y a un côté plus doux, moins brutal dans les œuvres d'Orazio.

Artemisia, connue pour sa vie privée mouvementée, est une des premières femmes à intenter et à gagner un procès pour viol. Cette période de sa vie est probablement très difficile, particulièrement parce qu'elle accusa un grand artiste protégé par des mécènes influents: Agostino Tassi. Elle devint la curiosité de son quartier, dut se soumettre à des analyses gynécologiques et même à des séances de torture terribles qui permettaient de vérifier qu'elle ne mentait pas. Sa famille, sa servante et ses proches se retrouvèrent devant les juges pour témoigner. Grâce à sa force de caractère mais aussi grâce au soutien de sa famille pendant cette épreuve, elle gagna le procès et Agostino Tassi fut condamné à la prison. Suite à cette épreuve et afin de pouvoir envisager une vie "normale" il lui fallait se marier au plus vite. Un peintre florentin, Pietro Antonio di Vincenzo Stiattesi, accepta l'union en échange d'une dote assez importante constituée par son père. C'est donc en 1613, a 21 ans, qu'Artemisia quitta Rome pour la première fois et se rendit à Florence pour s'installer avec son mari.

Cette artiste qui a grandi dans l'atelier de son père, l'un des plus grands peintres de la Rome de son temps, a probablement broyé des pigments dès son plus jeune âge. C'est en 1610, à 17 ans, qu'elle fait ses débuts officiels en signant de sa main une œuvre magistrale, Suzanne et les vieillards (conservé à Pommersfelden). Le tableau, spectaculaire et très puissant et très proche des œuvres de son père, Orazio Gentileschi, de la même époque. Malgré ces ressemblances, Artemisia est déjà une artiste accomplie qui apprendra beaucoup au contact des peintres et des mécènes qu'elle rencontrera.
Le tableau qui est présenté ici est sans doute une œuvre de jeunesse, il serait peint entre 1613-1620, période qui s'étale entre son premier départ pour Florence et sa première visite à sa famille à Rome. Cependant, certains historiens, pensent que l'œuvre est légèrement antérieure, selon eux Artemisia n'est pas encore partie de Rome lorsqu'elle peint cela. Florence aura une toute autre influence sur la jeune peintre, elle va y découvrir un monde plus luxueux que l'univers dans lequel elle évoluait, ses sujets et sa palette vont en être marqués.  Nous pensons aussi que cette œuvre pourrait avoir été peinte juste après le procès. Artemisia n'a probablement pas encore découvert Florence, l'influence de son père est encore très présente notamment dans la palette de couleur qu'elle utilise. Le tableau est probablement l'une des premières compositions que la jeune femme imagine seule. Elle y utilise ce qu'elle connait, et on retrouve Carravage, Orazio et Rome dans ce tableau, tout cela dans une composition inédite et très personnelle.
En effet, ce tableau, peint juste après le procès, représente une Madeleine en extase mais a aussi un tout autre sens. Il s'agit très probablement d'un autoportrait de l'artiste dans une position d'abandon. On comprend clairement à la vue de cette toile que la toute jeune femme ne sait pas encore très bien ce qui l'attend mais qu'elle ressent un immense soulagement.  La puissance et la douceur qui émane de cette composition en font tout son paradoxe mais aussi tout son sens. La position et le cadrage choisis par l'artiste sont extraordinaires et inhabituels, on ne retrouvera jamais dans l'histoire de l'art une telle pose qui renvoie directement aux idées du Carravage. Orazio n'aurait jamais peint un sujet au cadre si serré, c'est bien Artemisia qui a inventé cette composition. La toute jeune femme n'a pas les moyens de s'offrir un modèle, de plus n'étant pas un homme, elle n'est pas officiellement une artiste aussi elle n'est pas autorisée à payer quelqu'un pour poser pour elle, cela explique pourquoi l'artiste apparait très souvent dans ses œuvres. Ici en plus d'avoir un autoportrait physique, on ressent un portrait intérieur puissant, un sentiment d'abandon pas banal et une idée de calme et de plénitude qui lui a probablement été inspiré par sa vie privée.
Apres le procès, donc très probablement juste après avoir peint ce tableau, elle quitta sa famille pour Florence. Aidée par Michelangelo Buonarroti qui lui demanda de peindre à la casa Buonarroti mais aussi par Come II de Médicis qui, comme ses prédécesseurs fut un grand mécène pour les artistes de son temps, elle obtint rapidement le succès escompté. Grâce à ces deux grands mécènes, elle devint rapidement influente et fut reçue à l'Accademia del Disegno de Florence ce qui lui permit d'être officiellement reconnue comme une artiste bien qu'elle soit une femme (A Rome une femme ne peut être élue membre de l'Académie de Saint Luc car elle n'aurait pas eu le droit d'assister aux réunions).

Le tableau que nous présentons, cette œuvre magistrale inédite, n'était connue jusqu'à aujourd'hui que par une vieille photographie en noir et blanc publiée par Gianni Papi (voir opus cité infra). L'œuvre se situe à un moment charnière de la vie de l'artiste. Il s'agit du tableau qui crée la rupture entre sa vie à Rome, le terrible scandale qui la pousse à quitter son père et le début de sa propre carrière officielle qui débuta à Florence.