Lot 21
  • 21

Guiseppe Cesari dit le cavalier d'Arpin

Estimate
80,000 - 120,000 EUR
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Description

  • Guiseppe Cesari dit le cavalier d'Arpin
  • Suzanne et les vieillards
  • Huile sur cuivre

Provenance

Galerie du Régent, Philippe duc d’Orléans;
Vendu avec d'autres tableaux de la collection par Louis Philippe en 1791;
Collection Edward de Walkiers en 1791;
Collection  Monsieur François Laborde-Méréville en 1791;
Collection Jérémie Harman en 1793;
Collection du Comte Gower, comte Carlisle et duc de Bridgewater en 1798;
Vente au Lyceum à Londres, 1798, lot 285;
Vente à la Bryan’s Gallery, 1800, lot 25;
Acquis à cette vente par John Woodburn, [catalogue annoté conservé à l’Isabella Stewart Gardner Museum, Boston, MA, USA];
Vente après décès d’Armand-Frédéric-Ernest Nogaret, 6 Avril 1807, lot 88, retiré de la vente;
Donné par descendance à son neveu Dominique-Vincent Ramel-Nogaret ;
Par descendance jusqu'aux actuels propriétaires.

Literature

G. Waagen, Treasures of Art in Great Britain, Londres, Vol II, 1854, p.489;
J. Couché, La Galerie du Palais-Royal, gravée d'après les tableaux des différentes écoles qui la composent, L’éditeur, Paris, 1858-1864, rep. par la gravure p.63;
C. Stryenski, La Galerie du Régent, Philippe duc d’Orléans, Paris, 1913, Goupil & cie. cité n°156;
N.Turner, A newly discovered Painting by the cavaliere d’Arpino, Burlington magazine, Octobre 1977, rep. par la gravure p. 710-713;
H. Röttgen, Il cavalier Guiseppe Cesari d'Arpino, un grande pittore nello splendore della fama e nell'incostanza della fortuna, Rome, 2002, cité comme perdu p.374

Condition

The painting is in a good state of preservation. It is painted on a beautiful copper, perfectly flat. We can notice two vertical restorations, going from the upper edge, on the left, and going down, on about 12 centimeters, and the other on about 5 centimeters. We can also notice on circular restoration of about 3 centimeters of diameter, above Suzanne’s head. These restorations are overflowing. Under a yellow, mat, partially moldy and really dirty varnish, we can notice a truly beautiful painting surface. Under UV light : under a green uniform varnish. We can notice the restoration previously mentioned, above Suzanne’s head. However we do not see anything around the drips mentioned below.
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Catalogue Note

Giuseppe Cesari dit le cavalier d’Arpin doit son surnom à son lieu de naissance, le château d’Arpin dans le Latium. Le jeune Cesari arriva vers treize ans à Rome. Travailleur, il réussit à obtenir une bourse du Pape Grégoire XIII lui-même. Cela lui permit d’entrer dans l’atelier du peintre maniériste Niccolo Cirgnani. Son talent répondant aux attentes du Pape, il aura toujours l’appui de ce grand mécène. Grâce à ce soutien papale, la décoration de la chapelle Olgiati de l’église Santa Prassede à Rome (exécutée vers 1593-95) lui fut confiée et ce, alors qu’il était tout juste âgé de 25 ans. Cette commande est souvent considérée comme l’un de ses premiers chefs d’œuvre mais aussi comme l’augure d’une carrière fulgurante. Reconnu comme l’un des peintres romains les plus prometteurs, Cesari fut appelé pour la décoration de la voute de la chapelle Conteralli pour l’église de Saint Louis des Français à Rome. Il fut très probablement assisté par son futur rival, le jeune Caravage, qui est répertorié comme faisant partie de son atelier dès 1593. Malgré l’élection du pape Clément VIII en 1592 il ne perdit pas son statut d’artiste favori des pontifes, bien au contraire, puisque le nouveau pape, l’admirant encore plus que son prédécesseur le nomma premier peintre de Rome, et, en 1600, l’adouba du titre de Cavalier di Cristo. La décoration de la chapelle Pauline à Sainte Marie des Mages (1610-1612) fut l’une de ses dernières grandes commandes. 

La Suzanne et les vieillards que nous présentons est une redécouverte importante dans l'oeuvre de l’artiste. En effet, le tableau était répertorié dans le corpus de l’artiste comme une œuvre perdue. Ce tableau inédit qui nous apparaît dans un état de conservation formidable était conservé dans la même famille depuis 1812.

Le sujet de notre tableau est tiré de la Bible (Daniel Livre XIII). La scène se tient à Babylone, Suzanne se prépare pour prendre un bain, nue, elle éveille la passion de deux vieillards qui lui tinrent ce discours : « Nous brûlons de passion pour vous : rendez-vous donc à notre désir, et faites ce que nous voulons. Que si vous ne voulez pas, nous porterons témoignage contre vous, et nous dirons qu’il y avait un jeune homme avec vous ». D’abord condamnée par le faux témoignage des vieillards, elle fut finalement lavée de toutes suspicions par le Roi Daniel.
Ce thème biblique connut un franc succès dès le XVIème siècle, il permettait aux peintres d’exploiter le nu féminin à loisir. Le style de notre Suzanne et les vieillards suggère qu’elle a été peinte vers 1606, on peut effectivement la comparer à la Vierge de L’Annunciazione, exécutée par Césari en cette même année (Musée du Vatican inv.365). Nous retrouvons cette même touche élégante, ces couleurs inspirées de Venise et ces fonds architecturés structurant intelligemment l’espace.
Avec cette œuvre, Arpino s’éloigna volontairement des formules carrachesques qui étaient de plus en plus en vogue en Italie. Il préféra s’en tenir à l’élégance maniériste et à ses affinités avec Venise, notamment dans le traitement de la couleur. Cesari nous offre une Suzanne nue, sensuelle qui se coiffe les cheveux. Il représente non pas le moment durant lequel Suzanne se fait presser par les deux juges, mais celui où elle est encore inconsciente du danger et des regards malsains qui la guettent. Elle se dérobe aux yeux des vieillards et se livre naïvement à ceux des spectateurs.

Une intelligente composition, que Diderot décrivit et louangea lors du salon de 1765, inspiré par une œuvre du même thème que présentait Vanloo : « Un peintre Italien a composé très ingénieusement ce sujet. Il a placé les deux vieillards du même côté. La Suzanne porte toute sa draperie de ce côté, et pour se dérober aux regards des vieillards, elle se livre entièrement aux yeux du spectateur. Cette composition est très libre, et personne n’en est blessé. C’est que l’intention évidente sauve tout, et que le spectateur n’est jamais du sujet. » (Salon de 1765, p.66). Ce grand critique reconnut, des siècles plus tard, les mérites de cette huile, nourrie d’éléments maniéristes, plutôt classique, rare exemple dans l’œuvre de ce favori des papes.

Notre chaste Suzanne est formellement répertoriée dans la collection du duc d’Orléans et ce jusqu’en 1792, c’est d’ailleurs la seule œuvre de la main du Cavalier d’Arpin présente dans sa collection. Le régent Philippe d’Orléans est à l’origine de cette fastueuse collection de peinture qui ornait les galeries du Palais Royal. Amateur d’art, il réussit à réunir un très grand nombre de tableaux des trois écoles, et s’attirait les jalousies des plus grands collectionneurs. Grand esthète, il racheta en 1721 la collection de peintures italiennes et françaises de la reine Christine de Suède après des années de négociations. Les oeuvres étaient exposées au Palais Royal, non par école ou par sujet mais de manière à maximiser l’effet de juxtaposition. Le mélange d’œuvres érotiques et religieuses n’était pas du goût de tous. Ainsi, lorsque son fils Louis, moins sensible à l’art, hérita de la collection, il attaqua au couteau la Léda et le cygne du Corrège, irrité par le manque de pudeur de la déesse. La collection resta tout de même appréciée et renommée pour ses peintures italiennes datant de la Haute Renaissance et de la Renaissance tardive.  Au XVIIIe siècle, il était facile de venir admirer la collection et beaucoup de personnes s’y intéressèrent grâce à la publication du catalogue Description des Tableaux du Palais Royal imprimé en 1727 puis réédité en 1737. Celui-ci répertoriait les 495 peintures, et contenait les gravures par Jacques Bouilliard des plus belles œuvres de la collection dont notre Suzanne et les vieillards fait partie. En 1792, face à de lourds problèmes financiers, Louis-Philippe d’Orléans, futur roi de France vendit tous les tableaux de l’école française et italienne à un puissant banquier Bruxellois pour une somme d’argent très modeste aux vues des trésors présents de la collection. C’est alors que notre tableau quitta les collections royales françaises.