Lot 38
  • 38

Rapa, Île de Pâques

Estimate
300,000 - 400,000 EUR
Log in to view results
bidding is closed

Description

  • Rapa
  • Wood
  • haut. 82 cm
  • 32 1/4 in

Provenance

Collection privée, Angleterre
Collection privée

Condition

For condition information on this piece please contact the department marguerite.desabran@sothebys.com +33 1 53 05 53 35
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

Par Michel Orliac

Lors de son escale à l’île de Pâques en 1868, Linton Palmer, chirurgien sur la HMS Topaze apprit le nom d’un objet sans équivalent au monde : le rapa, dont l’existence était connue depuis le voyage de James Cook (1774). Dans A visit to Easter Island, or Rapa Nui (1868), Palmer raconte avoir vu des rapa entre les mains des Pascuans dès son débarquement ; cet objet apparaissait partout, sculpté ou peint sur les roches, tatoué sur le dos des femmes ; aussi en souligna-t-il l’importance1.

Les Pascuans, jusqu’à leur conversion au catholicisme en 1868, ponctuaient l’année par de nombreuses fêtes publiques qui avaient lieu au pied des plates-formes sacrées, sous le regard des statues géantes. Certains participants y arboraient une grande variété d’objets en bois sculptés : insignes de rang et figurines. Les plus grands et les plus stéréotypés d’entre eux, ua et ao – tous deux sculptés sur leur partie supérieure d’une tête humaine bifrons –, étaient tenus à la main, leur base reposant sur le sol.

Tandis que le bâton ua présente, au sommet d’un étroit fût cylindre légèrement aplati, une tête naturaliste bifrons en ronde-bosse où flamboient des yeux incrustés d’os et d’obsidienne, l’ao (= sacré), mesurant entre 148 et 219 cm, est une sublime abstraction du corps humain, interprétée par deux pales plates reliées par une poignée. De silhouette identique, le rapa en constitue la forme diminutive, oscillant entre 43,5 et 121 cm. La pale supérieure du rapa, tout comme celle de l’ao, est ornée d’un visage aveugle bifrons résumé à l’étroite ligne en champlevé des sourcils et du nez. Cette nervure continue s’étire depuis les sourcils jusqu’aux sphères des ornements d’oreilles. La pale inférieure évoque quant à elle, par ses courbes sensuelles, le bas du corps. Elle est parcourue axialement par une carène discrète qui se prolonge, au-delà de sa base, par un appendice nettement phallique. Si l’on connaît le nom – mata kaokao ( = yeux perçants) – des très grands et rarissimes ao dont le visage est éclairé par des yeux d’os et d’obsidienne, celui des entités surnaturelles à double visage qui animent ua, ao et rapa demeure inconnu.

Si la grande dimension de l’ao imposait une certaine solennité dans sa manipulation, sa forme diminutive, le rapa, était maniée avec une grande vélocité : lors de danses guerrières exécutées par les chefs militaires devant le roi, les rapa virevoltaient à proximité de son visage « pour l’effrayer » (Alfred Métraux, 1934). La petite dimension des rapa autorisait également leur emploi lors de danses féminines assises. Pierre Loti aurait assisté, en 1872, à ce qu’il appelle une « danse des rapa », qu’il ne décrivit pas. Enfin, en 1886, William Thomson apprit que les rapa intervenaient lors de cérémonies destinées à protéger des esprits malfaisants la récolte des patates douces.

Comme les statuettes « féminines » moai papa, vus de profil, les élégants rapa disparaissent presque, tant leur épaisseur est ténue. Contrairement aux ao, pour lesquels diverses essences de bois ont été employées, celui choisi pour confectionner les rapa est exclusivement le toromiro (Sophora toromiro). Tailler des planches minces et rectilignes dans ce bois très dur présentant des nœuds et du contre-fil atteste d’un savoir-faire accompli. De surcroît, la rectitude de la pièce de bois nécessitait des conditions de croissance de l’arbre très maîtrisées.

Les dimensions et la forme du superbe rapa présenté ici le placent parmi les plus classiques des exemplaires connus : British Museum, ancienne collection Oldman, congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie à Rome. Les différences, qui apparaissent dans la petite population de ces rapa les plus vénérables, portent sur la forme de leurs pales, déterminée par la position de l’axe de leur plus grande largeur. Au sein de ce corpus étroit – tout comme sur cette œuvre – la largeur au-dessus des sourcils de la pale supérieure est, en général, plus importante que celle prise dans l’axe des ornements d’oreilles. Par ailleurs, ces rapa anciens présentent une pale supérieure moins large que la pale inférieure, contrairement aux plus récents qui, tels ceux collectés par Thompson en 1886, se caractérisent par des bords latéraux parallèles, et par une nette augmentation de la hauteur de la poignée.

Le respect de l¹intégrité de l¹œuvre à conduit Catherine Orliac à prélever des échantillons de dimensions très réduites. Leur analyse, partielle en raison de cette contrainte, oriente vers le genre Sophora. Sous le vernis, classiquement apposé par les collectionneurs anglais au XIXe siècle, se devinent de longues stries peu profondes, parallèles au bord de la pale inférieure, qui résultent du polissage traditionnel de finition. Sous le vernis apparaît le mince enduit noir originel couvrant tout l’objet. Sur la poignée, cet enduit est effacé par de vigoureuses manipulations cérémonielles, faisant apparaître les nuances du bois rougeâtre. Quelques traces d’érosion et de compressions ponctuelles, elles aussi émoussées, sont visibles sur le bord des pales. Il en est de même sur la plupart des rapa classiques ; ces caractères attestent, comme ici, de leur vie cérémonielle active.

Rapa, Easter Island

By Michel Orliac

During his visit to Easter Island in 1868, John Linton Palmer, surgeon aboard HMS Topaze, learned the name of an object with no known equivalent in the world: the rapa, the existence of which had been known since James Cook’s second voyage (1774). In A Visit to Easter Island, or Rapa Nui (1868), Linton Palmer writes that he saw rapa in the hands of Easter Islanders as soon as he landed. He pointed out the symbolic importance of the rapa which ‘occurs continually’, whether carved or painted on rocks, or ‘in the tattooing on the women’s backs.’ [i].

Until their conversion to Catholicism in 1868 the Easter Islanders punctuated the year with several public celebrations which were held at the foot of the sacred platforms beneath the gaze of the giant stone statues. Some of the participants carried a wide variety of wooden ornaments – insignia of rank and figures. The largest and most stereotypical of these objects, the ua and ao, the upper parts of which were carved with Janus heads, were held in the hand, with their bases resting on the ground.

The ua club has a naturalistic Janus head, sculpted in the round, from which eyes inlaid with bone and obsidian blaze out, whilst the ao (meaning sacred), which measures between 148 and 219 cm, is a sublime abstraction of the human body, composed of two flat blades connected by a handle. With an identical silhouette, the rapa is smaller in size, ranging from 43.5 to 121 cm. The upper blade of the rapa, like that of the ao, features a ‘blind’ Janus face, pared down to a narrow champlevé line indicating the eyebrows and nose. This ridge stretches continuously round from the eyebrows to the spherical ear ornaments. Meanwhile the sensual curves of the bottom blade evoke the lower body.  The lower blade is traversed axially by a discreet crest that extends beyond the base into a markedly phallic appendage. Although we know the name, mata kaokao (meaning penetrating eyes), of the very large and rare ao with faces illuminated by eyes of bone and obsidian, the names of the double-faced supernatural entities that animate ua, ao, and rapa remain unknown.

Whilst the large size of the ao necessitated a certain solemnity in its handling, the diminutive form of the rapa meant it could be manipulated at great velocity as, for instance, during war dances performed by military leaders before the King, when the rapa were twirled close to the King’s face ‘to scare him’ (Alfred Métraux, 1934). The small scale of the rapa also meant it could be used in seated female dances. It seems that Pierre Loti attended what he called a ‘paddle dance’ in 1872, although he did not leave an account of it. Finally, in 1886, William Thomson learned that rapa were involved in ceremonies to protect the harvest of sweet potatoes from evil spirits.

Like the ‘female’ moai papa figures, when seen in profile the elegant rapa are so thin that they seem to almost disappear. Whilst ao were made from several different types of wood, rapa were carved solely in toromiro (Sophora toromiro). Producing thin straight planks out of this very hard wood, with its cross grain and knots, required masterful craftsmanship. Moreover, the straight plank required for a rapa meant that the growth of the tree itself had to be carefully controlled.

In its scale and shape, the superb rapa offered here takes its place alongside the most classic known examples: a rapa in the British Museum, a rapa formerly in the Oldman collection, and another, from the Congregation of the Sacred-Hearts of Jesus and Mary in Rome. The differences within the small corpus of these most venerable rapa relate to the shape of the blades, which is determined by the position of the axis of their greatest width. Within this limited corpus the width above the eyebrows of the upper blade is generally greater than that observed along the axis of the ear ornaments; this characteristic is visible in the offered rapa. Furthermore, these old rapa have an upper blade which is narrower than the lower blade. In contrast, more recent rapa, such as the one collected by Thompson in 1886, are defined by parallel lateral edges and by a sharp increase in the height of the handle.

Respect for the integrity of the work led Catherine Orliac to take only very small samples from this rapa. Whilst the analysis was therefore partial, it tends to suggest the wood is Sophora toromiro. Beneath the bitumen varnish, a type commonly applied to objects by nineteenth century English collectors, one may observe long shallow grooves in the wood. These grooves, which run parallel to the edge of the lower blade, are the result of the traditional final polishing of the rapa. Beneath the varnish one can see the original thin black coating which covered the whole object. On the handle, this coating has been worn away by vigorous ceremonial handling, revealing shades of reddish wood. Some traces of erosion and occasional blunt contusions are visible to the edge of the blades. This wear is evident on most classical rapa and, as is the case here, attest to the active ceremonial life of these objects.

1. L’autre nom actuellement donné au rapa : « pagaie » ou « rame » de danse est inadéquat car, à l’île de Pâques comme ailleurs en Polynésie, les pagaies ne présentent jamais la forme d’un rapa. Mieux vaudrait le nommer « double pales rapa ».

[i] The other name currently used for rapa – dance ‘paddle’ or ‘oar’ – is inadequate as paddles on Easter Island (and indeed elsewhere in Polynesia) are never shaped like rapa. ‘Double bladed rapa’ would be a more accurate name.