PF1332

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Lot 541
  • 541

Léautaud, Paul

Estimate
10,000 - 15,000 EUR
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Description

  • Léautaud, Paul
  • Le petit ami. Paris, Mercure de France, 1903. In-12. Plein daim brun, lanières de maroquin brun apparentes aux mors, pièce de titre de maroquin brun, tête dorée, couverture jaune, dos remonté (A.J. Gonon, 1921, à l'encre). Chemise et étui de l'atelier Devauchelle.
édition originale. un des [6] exemplaires réservés à l'auteur sur vergé Van Gelder, seul grand papier.

Exemplaire corrigé présentant quelques 80 modifications autographes, à l'encre noire, dans le corps du texte : mots ou lignes biffés, ajouts, substitutions de mots, commentaires dans la marge, etc.

Enrichi de trois lettres (dans l’ordre du montage) :
- Lettre autographe d'un libraire (Albert Besombes ?), datée "1928" par Raoul Simonson, le destinataire (1 p. in-16). Il mentionne cette reliure de Gonon "qui fut exécutée en 1919 [lapsus ? pour 1921] pour Léautaud lui-même et reliée en peau de daim qui a coûté à l’époque plus cher qu’un plein maroquin (difficulté du travail de se procurer une peau de cette dimension sans défauts). L’exemplaire provient de la vente de Latombe [sic, il ne figure pas dans la vente de 1921]. En principe, je vous laisse le volume au prix de 3 000 frs que vous me fixez". Il lui demande cependant un rabiot. "L’exemplaire n’a été montré à personne il vient d’une bibliothèque particulière et vous êtes le seul à qui je l’ai soumis". Il tient également à sa disposition un Du côté de chez Swann, sur Hollande, relié par Gruel, avec un envoi.

- Lettre autographe signée de léautaud à raoul simonson, Paris, 16 juillet 1931 (1/2 p. in-12, en-tête du Mercure de France, avec enveloppe timbrée) [voir reproduction à la page de titre de ce catalogue]. "En l'absence de M. Vallette, je réponds moi-même à votre lettre. Il a été tiré du Petit Ami uniquement six exemplaires sur Hollande pour l’auteur, ce qui explique qu’il ne figure pas sur la justification du tirage. Je serai très embarrassé de dire où ils ont été après tant d'années (…)".
C’est à partir de cette lettre capitale, croyons-nous, que l’information concernant le tirage de l'ouvrage fit le tour de la librairie.

- Lettre autographe signée de léautaud à rachilde. Paris, 21 février 1903 (3 pp. in-12). Il explique de façon sincère pourquoi il n'aime pas son Petit Ami, se montrant sévère pour tous les écrivains qui osent se raconter en tant de pages, citant Maupassant dont il vient de lire deux romans : "je ne revenais pas de tant de remplissage à propos de rien". Il regrette d'avoir adopté un ton littéraire, persuadé que le livre aurait peut-être été épatant dans le cas contraire. "Ce que ça donne peu envie de recommencer, et comme on était plus heureux avant, quand on imitait en cachette tel ou tel notoire contemporain. Maintenant (...) j'ai l'effroi d'écrire, même une simple lettre. (...) Ce que je garde de plus cher de ce livre, savez-vous, c'est bien le petit plaisir d'avoir parlé de mon enfance et de ma chère maman (...) mais c'est aussi une amitié plus grande pour le Mercure (...) pour Régnier, qui, de lui-même, a demandé à lire mon manuscrit"...

Dans les nombreuses corrections portées sur cet exemplaire, outre les suppressions de mots allégeant certaines phrases, on relève une atténuation des termes populaires initialement utilisés (par exemple "ce que je veux fourrer dans ce livre" devient : "ce que je veux raconter" (p. 13), ses amies qui se "tordaient" ne font plus que "rire" (p. 24) ou encore les lieux "épatants" sont désormais "heureux" (p. 35), mais également des ajouts témoignant d'une volonté de précision indiquant une date, un nom, un habit porté. A plusieurs reprises, il note des intentions de réécriture, comme à la p. 113 : "Mauvais / Mettre le nom de Batilliat" ou p. 165, à propos de l'évocation d'une soirée aux Folies-Bergères : "Refaire vrai / ?"...

unique exemplaire portant témoignage de son travail d'écrivain.

Léautaud y tenait beaucoup, refusant de s’en défaire, quel qu’en fût le prix, comme il le raconte dans son Journal, à la date du 20 septembre 1915 après sa rencontre avec M. Berthéllemy : "Ce qui l’a surtout enflammé, c’est un Hollande du Petit Ami, que certes je ne pensais plus avoir. (…) Il n’y en eut qu’une dizaine de Hollande, pas même une dizaine je crois, et non mis dans le commerce. C’est à la fois une rareté, et, pour lui, étant donné son goût pour le livre, une sorte de trésor. (…) Je n’ai plus qu’un seul exemplaire sur Hollande. Qu’est-ce que peuvent me faire quarante francs (…) je les aurai dépensés dans huit jours"…

C'est à partir de cet exemplaire "modèle" qu'il transposait ses corrections dans les exemplaires, ordinaires, cédés à ses amis. Exemples :  
-- à un collègue au Mercure de France : "Ce matin, [Paul] Morisse m’a demandé un exemplaire du Petit Ami que je dois lui donner dans quelques jours, quand j’y aurai ajouté les corrections à l’époque" (Journal, 2 novembre 1905). Cet exemplaire est bien un petit papier en reliure d’époque (collection Louis de Sadeleer).
-- "Mme Cayssac me demande depuis longtemps de lui faire lire Le Petit Ami. Je pensais n’avoir que mon exemplaire sur Hollande, avec des corrections. En cherchant, j’ai trouvé un exemplaire sur ordinaire. J’y ai reporté mes corrections" (Journal, 20 mai 1914).



exposition : Le Livre & l’Estampe. Cinquante printemps. Bruxelles, Bibliothèque royale, 2004, fasc. 161 n° 167.

Provenance

Paul Léautaud (son exemplaire). – Simonson (ex-libris) ; acheté en 1928, avec mention de relecture en 1947.

Literature

A. Lambiotte in Le Livre et l'estampe, n° 43 (1965), p. 224, n° 6 et dernier de la première recension du grand papier. -- A. Kies, "A propos de deux exemplaires du Petit Ami" (ibid., n° 127, 1987), p. 47-57 citant l’exemplaire de son beau-père Simonson ; il fait un rapprochement pour la reliure avec le style des livres d’étrennes anglais. Il ne semble pas connaître la recension citée, parue dans la revue.