PF1227

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Lot 469
  • 469

Schoenberg, Arnold (1874-1951).

Estimate
100,000 - 150,000 EUR
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Description

  • Deuxième Quatuor pour Cordes, op.10. Manuscrit musical autographe, signé par le compositeur : "Arnold Schönberg"
  • ink on paper
Superbe manuscrit, préparé à l'origine par le compositeur pour sa femme Mathilde (née Zemlinsky), dédicataire de l'oeuvre, portant une longue inscription dédicatoire à la famille Seybert, signée, au bas de la première page de musique : "Verehrte Familie Seybert! Diese Abschrift dieses meiner Frau gewidmeten II. Streich-Quartettes habe ich seinerzeit für meine Frau angefertigt. Indem ich Sie bitte, sie zum Andenken anzunehmen, gebe ich meiner Frau die Gelegenheit zu einem posthumen Dank für die Güte, die Sie uns getan - welches sie Ihnen gewiß zu höchst anrechnet aber wofür selbst zu danken gewiß ihr höchster Wunsch ist. Vielen Dank! Ihr Arnold Schönberg Oktober 1923".
[J’ai créé à l’époque pour ma femme cette copie du deuxième quatuor à cordes dédicacée à ma femme. Je vous prie de l’accepter en tant que souvenir, et ainsi permettre à ma femme de trouver l’occasion de vous remercier à titre posthume pour votre générosité – ce qui compte beaucoup pour elle, mais son plus grand souhait est certes de vous remercier elle-même ! Merci beaucoup ! Votre Arnold Schönberg, octobre 1923].
Manuscrit également signé par le compositeur sur la dernière page : "Arnold Schoenberg".

27 pages numérotées, in-4 oblong (27 x 36 cm), rédaction à l'encre sur du papier à musique de 20 portées de la Compagnie Johann Eberle, Vienne ("J.E....N.o 12a 20linig"), jusqu'à quatre systèmes de musique par page , avec numéros de mouvements et indications de tempo autographes ("I. Mässig (moderato)...etwas langsamer anfangen...II. Sehr rasch...III. Litanei (Stefan George) Langsam...IV. Entrückung (Stefan George) Sehr langsam..."), contenant des annotations et des corrections autographes au crayon (dont une mesure entièrement rayée), mesures numérotées entourées au crayon rouge. La reliure de demie-percaline grise à coins est recouverte d’un papier cartonné et déchiré annoté par le compositeur et protégeant un feuillet de papier musique portant le titre de l’oeuvre « Il Streich-Quartett von Arnold Schönberg », datée « Octobre 1923 ».

Literature

W. Reich, Schoenberg (London, 1971), p. 31; Arnold Schönberg. Sämtliche Werke, Serie A: VI Kammermusik - Band 21 (Kritischer Bericht: 1986), 111 pp.

Condition

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Catalogue Note

Spectaculaire manuscrit d'une oeuvre charnière dans la production de Schoenberg, et d'une composition décisive pour l'histoire de la musique du vingtième siècle.

Cette partition est l'autographe musical le plus important du compositeur à paraître en vente publique ; le dernier manuscrit majeur était la partie vocale du monodrame "Erwartung", vendue chez Sotheby's à Londres, le 21 Mai 1998 (lot 330).

Le Deuxième Quatuor est l'une des oeuvres les plus personnelles de Schoenberg. Il occupe une position déterminante dans la période expressionniste du compositeur. Schoenberg rompt en effet avec la tradition du quatuor à cordes en introduisant une voix de soprano dans les deux derniers mouvements, chantant deux poèmes ("Litanei" [Litanie] et "Entrückung" [Ravissement]) du recueil Der siebente Ring [Le Septième Anneau] de Stefan George, publié en 1907. Le célèbre quatrième mouvement, qui met en scène l'extatique et visionnaire "Entrückung" de George ("Ich fühle luft von anderem planteten [Je sens le souffle d'autres planètes"]), est désormais célèbre car la convention d'une armature définie de la clé y est abolie. Ce sont les premières pages atonales du compositeur, le mouvement gardant un vocabulaire d'accords classés mais dans une syntaxe bouleversée qui ne respecte pas les lois de la tonalité. Ces pages nous permettent d'assister à la naissance de la musique moderne.

Schoenberg commenta ainsi son oeuvre:

"...il y a de nombreuses sections dans lesquelles les parties individuelles progressent sans s'inquiéter de faire aboutir leurs rencontres à des harmonies codifiées... L'armature définie de la clé est présente distinctement aux principaux points de rupture de l'organisation formelle. Pourtant l'écrasante multitude de dissonances ne peut être équilibrée par des retours occasionnels à des accords parfaits, représentants d'une tonalité."


C’est en 1903 que Schoenberg, de retour à Vienne, rencontre Mahler, pour qui il voue une admiration profonde depuis l’écoute de sa Troisième Symphonie, dans laquelle intervient une voix de contralto. Le principe d'une voix seule intervenant au milieu d’une grande formation orchestrale est d’ailleurs utilisé par Mahler dans plusieurs symphonies (2e, 3e, 4e et 8e) et il est peu surprenant de le retrouver chez Schoenberg dans le Deuxième Quatuor : c’est une œuvre dont le but est l’expression directe, sans détour ni développement, s'écartant ainsi des conventions. La forme de l'œuvre doit être le produit de la sensibilité de l’artiste, expression d’un mal-être qui naît dans la sphère artistique viennoise de l’époque, et aboutit à une exacerbation de tous les éléments musicaux. De 1908 date également Das Lied von der Erde [Le Chant de la Terre], symphonie de Mahler pour ténor, alto et grand orchestre que Schoenberg sera amené à transcrire pour orchestre de chambre. Son influence sur le Deuxième Quatuor est déterminante.

Le quatuor est composé à Vienne entre mars 1907 et avril 1908, une période marquée par la liaison de sa femme Mathilde avec leur ami commun, l'artiste Richard Gerstl. Il apparaît que le compositeur eut vent de cette liaison une fois le quatuor terminé ; il n'est donc pas certain que la liaison de sa femme l'ait poussé vers l'atonalité. Schoenberg dédia sobrement ce quatuor "A ma femme". La présente partition, préparée à l'origine par Schoenberg pour sa femme, fut offerte en octobre 1923 en signe de gratitude par le compositeur à la famille Seybert, qui l'hébergea avec ses enfants durant les semaines précédant la mort de Mathilde (le 18 octobre) au sanatorium Auersperg. La famille Seybert est très certainement liée à Lisette Model, photographe célèbre née Stern : elle étudia en 1920-21 avec Schoenberg,  dont elle dit : « si j’eus jamais un grand professeur et une grande influence dans ma vie, c’est Schoenberg ».

En plus de cette partition, les autres sources autographes de cette oeuvre sont: un brouillon et un premier autographe incomplet (Centre Arnold Schönberg, Vienne) ; une partition autographe (Bibliothèque du Congrès, Washington), qui servit de source au Stichvorlage autographe à présent perdu ; et un ensemble de parties fragmentaires. L'autographe présent est une copie de la partition de la Bibliothèque du Congrès, réalisée alors que les corrections apportées à cette dernière étaient encore incomplètes. Schoenberg révisa son oeuvre en 1921. Le quatuor fut exécuté pour la première fois à Vienne, le 21 décembre 1908, devant un public hostile, par le Quatuor Rosé et Marie Gutheil-Schoder.




The celebrated fourth movement, setting George's ecstatic and visionary "Entrückung", and opening with the words "Ich fühle luft von anderem planeten [I feel the air from other planets]", famously abandons the convention of a key signature and contains the composer's first atonal pages. It is in such pages as these that we seem to witness the birth of modern music.
Of this work Schoenberg himself commented:

...there are many sections in which the individual parts proceed regardless of whether or not their meeting results in codified harmonies...The key is presented distinctly at all the main dividing points of the formal organization. Yet the overwhelming multitude of dissonances cannot be balanced any longer by occasional returns to such triads as represents a key.

The present score, originally prepared by Schoenberg for his wife, was given as a token of gratitude by the composer in October 1923 to the Seybert family, with whom he and his family stayed during the final weeks before Mathilde's death (on 18 October) in the Auerspergstrasse sanatorium.

In addition to this score, the other autograph sources for the work are as follows: draft material and an incomplete first autograph (Arnold Schönberg Center, Vienna); an autograph score (Library of Congress, Washington), which served as the source of the now lost autograph Stichvorlage; and a fragmentary set of parts. The present autograph represents a copy of the Library of Congress score, and was made at a time when corrections to the latter were incomplete. A revision of the work was undertaken by Schoenberg in 1921. The quartet was first performed (to an increasingly hostile audience) by the Rosé Quartet and Marie Gutheil-Schoder, in Vienna, on 21 December 1908.








...Ich fühle luft von anderem
planeten.
Mir blassen durch das
dunkel die gesichter
Die freundlich eben noch
sich zu mir drehten.
Und bäum und wege die
ich liebte fahlen
Dass ich sie kaum mehr
kenne und du lichter
Geliebter schatten--rufer
meiner qualen--
Bist nun erloschen ganz in
tiefern gluten
Um nach dem taumel
streitenden getobes
Mit einem frommen
schauer anzumuten.
Ich löse mich in tönen,
kreisend, webend,
Ungründigen danks und
unbenamten lobes
Dem grossen atem
wunschlos mich ergebend...