PF1231

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Lot 7
  • 7

Martial Raysse

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • Martial Raysse
  • Arbre
  • assemblage de bouteilles et brosses en plastique sur tige en métal
  • 180 x 80 x 80 cm; 70 4/5 x 31 1/2 x 31 1/2 in.
  • Exécuté en 1959-1960.

Provenance

Pierre Restany, Paris
Marie-Aline et Jean-François Prat, Paris
Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris
The Mayor Gallery, Londres
Acquis auprès de celle-ci en 2000

Exhibited

Paris, Galerie Nationale du Jeu de Paume, Martial Raysse, 1992-1993; Vienne, Museum Moderner Kunst, Stiftung Ludwig, Palais Lichtenstein, 1993; Valence, IVAM, Ventre Julio Gonzalez, 1993; Nîmes, Carré d'Art, Musée d'Art Contemporain, 1993; catalogue, p.44, illustré en couleurs
Copenhague, ARKEN Museum of Modern Art, Eoro Pop : A dialog with the US, 1999; catalogue, p.43, illustré en couleurs
Londres, The Mayor Gallery, Nouveau Réalisme, 2000; catalogue, no.10, illustré en couleurs

Literature

Encore un instant de bonheur, 90 statues de Martial Raysse, Paris, 2008, p.9, illustré en couleurs

Catalogue Note

Tom Wesselman, Great American Nude no.48, 1963 (détail), Sotheby's, New York, 14 mai 2008 © Sotheby's
Luchas Cranach l’Ancien, L’Arbre de la Connaissance du bien et du mal, vers 1530 © D.R.
Robert Rauschenberg, The Tower, 1957 © D.R.
Marcel Duchamps, Porte-bouteille, 1914  © D.R.
Martial Raysse, Conversation printannière, 1964 © ADAGP
Martial Raysse dans l’atelier vers 1959, © Gilles Raysse, Paris 

« Ce qui m’intéresse, c’est la profusion colorée de l’article en série, l’afflux quantitatif des étalages, la marée de produits neufs dans les grands magasins […]. Les Prisunics sont les musées de l’art moderne «  (Martial Raysse, in Martial Raysse, Nîmes, Jeu de Paume, 1992, p. 36).

En 1959-1960, Martial Raysse crée Arbre. L’œuvre est inaugurale, historique et emblématique.

En 1959, avec quelques œuvres-sculptures dont Arbre, Martial Raysse inaugure une nouvelle vision de l’Art : la vision hygiéniste. Sans commune mesure, à  vocation universelle, cette vision est née du constat circonstancié suivant : dans les années 1960, l’art n’est plus en phase avec la société. Il est en décalage. Déconnecté. Les images de la société ne sont plus celles de l’art. La péremption le dispute à la prétention de l’artiste, égotiste perdu au milieu d’une société de plus en plus massive. «  Le problème de notre génération a été de rattraper un immense retard. On découvrait le monde dans la rue où l’on voyait des choses fantastiques comme le néon, les voitures modernes, les premiers spoutniks, mais en entrant dans les galeries on ne voyait qu’une peinture intimiste qui n’avait aucun rapport avec les concepts que l’on pouvait rencontrer à chaque détour de la rue ou à chaque page de journaux. Une mise à nouveau s’imposait afin qu’il n’y ait plus de différence entre la rue et les galeries » (id). Peu avant 1960, à rebours et supra-contemporain, Martial Raysse s’auto-baptise héraut et proclame : l’art sera hygiéniste ou ne sera à plus. Spectateur perspicace et sensible, il s’empare des attributs du monde qui lui est contemporain : un monde qui cultive les suffixes stéréotypés à outrance : cosmétiques, plastiques et antiseptiques. Comme les tubes de rouge à lèvres, les poupées gonflables, les fleurs synthétiques, les emballages fluorescents, les seringues, les ventilateurs et les néons, brosses et flacons de produits d’entretien sont assemblés à la gloire de la modernité et de la modernité dans l’art. Les instruments ambiants et foisonnants du consommateur deviennent les instruments du peintre-sculpteur, assembleur-concepteur. Arbre exhibe ces tenants et ces aboutissants. Il est un sommet de concrétisation toute à la fois analytique et synthétique.

Alentours, dans le contexte de l’après-guerre, post-holocauste et pénurien, la réaction est multiforme. En 1960, Martial Raysse signe le Manifeste du Nouveaux Réalistes réunissant pêle-mêle Klein, Arman, Spoerri, Tinguely, Hains, Villeglé, Dufrêne. Si le mot d’ordre est celui de la reconsidération de la réalité pour renouveler radicalement l’expression artistique, les mises en œuvre sont variées. Certains piochent dans les reliefs et les rebuts de la société de consommation (affiches lacérées, vaisselle usagées, détritus, etc) pour leur donner, dans la transcendance formelle de l’œuvre d’art, une nouvelle valeur sociale. D’autres qui sont moins nombreux- Raysse est peut-être systématiquement le seul- n’explorent pas la réalité à travers les stigmates de la consommation mais à travers ses produits flambants neufs. En 1961, Martial Raysse rencontre Rauschenberg à Paris. Outre-Atlantique, celui qui fait de l’assemblage un art est aussi l’initiateur du courant Néo-dada annonciateur du Pop Art. Sous les auspices de Marcel Duchamp qui fait sensation dès 1913 aux Etats-Unis, l’Assemblage se combine presque consubstantiellement au Ready-made. En France, de manière précoce et originale, Martial Raysse bâtit sa propre vision hygiéniste sur cette association sensationnelle. Arbre en est le premier signal.

Avec Arbre, Martial Raysse renouvelle un symbole antédiluvien. Oscillant entre Arbre de Vie et Arbre de la connaissance, il arbore les fruits simulacres de la société moderne. « Martial Raysse pousse encore plus loin la systématisation de son anti-naturalisme : puisque l’univers imaginaire n’est fait que de substituts, il faut en inventer à outrance. Il ne s’agit donc pas, pour Raysse, de faire un tableau qui ressemble à une prairie ou à un portrait, mais d’inventer un nouveau substitut à la prairie ou au portrait […]. N’importe quoi, à condition de briser l’identité et d’élargir la distance avec le réel. Raysse veut rester dans le domaine de l’illusion, du rêve » (Otto Hahn, Martial Raysse ou l’obsession solaire, Paris, 1965, n.p.). Matériaux sans vie organique, les brosses synthétiques et les tubes de plastique s’épanouissent en un feu d’artifice saturé de couleurs autour d’un tronc métallique d’où monte une improbable sève. A la fois œuvre d’art et métaphore de la vie, Arbre montre combien, dès les années 1960, le projet démiurgique de Martial Raysse est mûr. Première phase : assainir. Deuxième phase : recréer : « Une fois le monde nettoyé, il le reconstruit en n’y admettant que des éléments neufs : le plastique, matière inorganique, frigide, chimiquement pur». Enfin, vivifier : « Après le nettoyage, il faut insuffler la vie. C’est là la seconde obsession de Martial Raysse » (id.). Du haut de ses un mètre quatre-vingts, Arbre est l’incarnation provocante d’une fiction arcadienne moderniste où l’art a la morgue de tendre à devenir plus beau que la vie. Il est le symbole d’une ère nouvelle. Dérisoirement sublime. Assurément plus belle.