PF1218

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Lot 17
  • 17

Bouchon de flûte, Aire Biwat, Cours moyen de la Rivière Yuat, Bas-Sepik, Papouasie Nouvelle-Guinée

Estimate
450,000 - 550,000 EUR
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Description

  • Bouchon de flûte, Aire Biwat, Cours moyen de la Rivière Yuat, Bas-Sepik
  • hawksbill Sea Turtle (eretmochelys imbricata)
  • haut. 59 cm
  • 23 1/4 in

Provenance

Probablement Museum für Völkerkunde, Berlin
Arthur Speyer I (1858-1923)
Arthur Speyer II (1894-1958)
Collection M.L.J. Lemaire, Amsterdam
Transmis par descendance

Exhibited

Otterlo, Rijsmuseum Kröller-Müller, Sculpture from Africa and Oceania, 17 novembre 1990 - 20 janvier 1991

Literature

Kooten & Heuvel, Sculpture from Africa and Oceania, 1990, p. 24 7, n° 93
Meyer, Art Océanien, 1995, p. 210, n° 220, et couverture
Schindlbeck, Gefunden und Verloren, Arthur Speyer, Die Dreissiger Jahre und die Verluste der Sammlung Südsee des Ethnologischen Museums Berlin, 2012, ill. 52 et 55.

Condition

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Catalogue Note

Louis Lemaire, un marchand pionnier d'art ethnographique

Cette année, Markus Schindlbeck, conservateur au Museum für Völkerkunde de Berlin, publiait pour la première fois, dans son ouvrage Gefunden und vVerloren, les photographies prises entre 1923 et 1927 dans les appartements des Speyer, célèbre dynastie de collectionneurs et de marchands d'art ethnographique. Sur deux clichés, pris dans l’appartement d’Arthur Speyer I puis dans celui de son fils sur Prager Platz 1 apparaissent, suspendus à un mur, cinq bouchons de flûte Biwat, entourés d'objets remarquables d'Océanie, comme une figure Uli, des crânes de Nouvelle-Guinée et des chaises d'orateurs. Selon Schindlbeck, ces figures Biwat provenaient probablement des collections du musée de Berlin. L'une fût vendue à Mathias L.J. (Louis) Lemaire (Schindlbeck, 2012, p. 112).
Louis Lemaire (1892-1979) fut un marchand pionnier dans le domaine des arts d’Afrique, d’Océanie et d’Asie du Sud-Est. Il débuta sa carrière à Rotterdam, où débarquaient les voyageurs de retour des colonies, en particulier des Indes néerlandaises. Il travaillait notamment avec Speyer et Umlauff, et en Angleterre avec Webster. Sa plus remarquable acquisition fut celle de la collection du Dr. Lautenbach, qu'il vendit au Völkerkunde Museum de Rotterdam. Sa galerie est reprise par son fils Frits et sa fille Thérèse, puis dans les années 2000, par sa petite-fille.
Louis Lemaire vendit la plupart de ses objets à des collectionneurs, des musées et des marchands internationaux. Il ne conserva pour sa propre collection que quelques œuvres, parmi lesquelles ce bouchon de flûte qu'il acquit d'Arthur Speyer. Il devient l'œuvre emblématique de sa collection et fut précieusement conservé, tel quel, par ses descendants. Fasciné par cet objet, Anthony J.P. Meyer le choisit pour illustrer la couverture de son célèbre ouvrage Oceanic Art, l'inscrivant ainsi parmi les icônes de l'art océanien. 

Le bouchon de flûte de la collection Lemaire

Les bouchons de flûte Biwat (wusear) comptent parmi les sculptures les plus mystérieuses créées et utilisées, dans le cadre de leur vie rituelle, par les populations de Nouvelle-Guinée. Parmi ceux aujourd'hui conservés dans des collections privées ou muséales, certains, comme celui de la collection Lemaire, sont parés d'ornements raffinés, tandis que d'autres en sont dépouillés, seule subsistant la sculpture de bois.

Margaret Mead et son second mari, Reo Fortune, sont les seuls à avoir pu les observer in situ, lors des recherches qu'ils conduisirent auprès des groupes de langue Biwat (qu'ils nommaient alors Mundugumor). Les Biwat avaient définitivement abandonné leurs rites d'initiation vers 1930. Cependant, Mead et Fortune obtinrent, en la commanditant, qu'une performance des rituels d'initiation à la flûte fût organisée à l'automne 1932, que Mead décrit en détail dans ses notes de terrain (cf. The Mundugumor de Nancy McDowell, 1991, pp. 130-152). Mead (1935, p. 181 et suivantes) revient sur les initiations dans Sex and Temperament in Three Primitive Societies ainsi que dans un bref article intitulé “Tamberans and Tumbuans in New Guinea”, publié en 1934 dans la revue Natural History (34, p. 234-246). 

Si ces statues sont présentées, dans la plupart des collections privées et muséales, à la verticale comme des œuvres d'art à part entière, dans la région du fleuve Sepik le personnage, comme en général pour les bouchons de flûte de cette région, obturait l'extrémité de longues flûtes en bambou. Selon Mead, elles représentaient un crocodile - animal dangereux associé aux notions de férocité, de force et de puissance. Au cours des différentes étapes du rituel, le musicien soufflait dans un trou percé dans le bambou et tenait généralement l'instrument dans une position plus ou moins parallèle au sol, de sorte que la sculpture semblait être couchée sur le côté ou sur le dos. Mead publia une photo de jeunes hommes jouant de la flûte, sur des instruments dépourvus de décoration (1934, p. 243). Il existe plusieurs types de flûtes, chacune représentant des esprits de la brousse ou de l'eau. De fait, c’est le bouchon qui anime la flûte crocodile et qui lui confère le pouvoir qu'elle exerce sur tous ceux qui l'entendent. Ces sculptures constituent un élément essentiel des flûtes et le nom de "bouchons de flûte" qui leur est attribué, bien que techniquement correct, omet une grande partie de leur signification.

Le bambou dont elles sont composées était considéré comme putrescible et aisément remplaçable. De même, les ornements décoratifs qui parent cette superbe sculpture n'étaient pas considérés comme faisant impérativement partie de l'œuvre. Ils pouvaient donc en être séparés et utilisés pour décorer d'autres flûtes ou d'autres objets rituels, sans que cela n’affecte la puissance fondamentale de la sculpture en bois, qui en constituait l'essence. Ici le bouchon est paré d'ornements habituellement portés par les hommes afin d'embellir leur apparence et de souligner leur virilité. Les plumes de casoar sont caractéristiques des coiffes portées par les danseurs Biwat (cf. photographie de Mead, 1934, p. 234), tandis que les boucles d'oreilles sont faites d'anneaux de coquillages et d'écailles de tortue, ornements précieux réalisés dans les villages côtiers et sur les îles, en particulier à Tarawai, Ali et Seleo. Le coquillage nassa ornant le bandeau frontal provient du lac Murik, à l'embouchure du Sepik. Ainsi, la configuration de cette sculpture atteste des liens que les Biwat entretenaient avec les autres peuples de la région, tout autant qu'elle symbolise la fortune et le pouvoir personnels de son propriétaire.

Conservée intacte, parée de tous ses éléments décoratifs, cette statue impose une puissance dont les sculptures dépouillées de leurs ornements manquent souvent. Ces décorations venaient sans aucun doute compléter la symbolique liée aux esprits représentés qui, selon Mead, pouvaient prendre une forme humaine ou animale, sans pour autant être eux-mêmes un être humain. Elles ne constituent pas, par exemple, la représentation d'ancêtres ou de fantômes d'humains, mais celle d'esprits qui peuplent la rivière ou la forêt, et dont la puissance doit être contrôlée afin de garantir la santé des hommes et la prospérité au sein de l'espace civilisé qu'est le village.

Robert L. Welsch
Département d'anthropologie
Franklin Pierce University
Rindge, New Hampshire

Biwat ancestor spirit figure from a sacred flute, Middle Yuat River, Lower Sepik, Papua New Guinea

Louis Lemaire, pioneering dealer of ethnographic art

This year Markus Schindlbeck, curator at the Museum für Völkerkunde Berlin, published for the first time the photographs taken in the Berlin apartments of the Speyer family, the famous dynasty of collectors and dealers of ethnographic art. Two photographs, taken in the apartment of Arthur Speyer I and in the apartment of his son on Prager Platz show five flute-stoppers suspended on the wall, surrounded by an extraordinary assemblage of Oceanic objects, including an
uli figure, and skulls and orators’ stools from New Guinea. According to Schindlbeck the Biwat flute-stoppers probably originally came from the Berlin Museum collections. One of these figures was acquired by Mathias L.J. (Louis) Lemaire (Schindlbeck, 2012, p. 112). Louis Lemaire (1892-1979) was a pioneering dealer in the art of Africa, Oceania and South-East Asia. He began his career in Rotterdam, where travellers landed upon their return from the colonies, especially the Dutch East Indies. He worked particularly with Speyer and Umlauff, and with Webster in England. His most remarkable acquisition was the collection of Dr Lautenbach, which he sold to the Museum voor Volkenkunde in Rotterdam. His gallery would later be run by his son, Frits and his daughter Thérèse, and then in the last decade by his granddaughter.

Louis Lemaire sold the majority of his objects to collectors, museums, and international dealers. He kept only a small group of objects for his own personal collection, including this flute-stopper which he acquired from Arthur Speyer. It became the emblematic piece of his personal collection and was carefully preserved in its original state by his descendants. Anthony J.P. Meyer became fascinated with this object and chose it to illustrate the cover of his famous book Oceanic Art, placing it amongst the most iconic works of Oceanic art. 

The flute stopper from the Lemaire Collection

Biwat Flute Stoppers (
wusear) are among the most mysterious carved objects made and used by New Guineans in their ritual lives. Amongst those that have entered private collections and museums, some, like this piece in the Lemaire collection are elaborately decorated with ornaments, while others are stripped down to the carved wooden figure.

Only Margaret Mead and her second husband Reo Fortune had seen them in use during their field research among the Biwat-speaking groups they called the Mundugumor. The Biwat had abandoned their initiation rituals about 1930, planning never to hold one again. However Mead and Fortune commissioned a performance of the flute initiation rituals in the Fall of 1932, and, in her field notes, Mead described it in some detail (cf.
The Mundugumor by Nancy McDowell, 1991, pp. 130-152). Mead (1935, p. 181 sqq.) also wrote about the initiations in Sex and Temperament in Three Primitive Societies and in a brief 1934 article entitled “Tamberans and Tumbuans in New Guinea”, published in 1934 in Natural History (34, p. 234-246). 

Although most private collectors and museums typically display these figures sitting upright as works of art in their own right, across the Sepik region the figures - as was generally the case for flute stoppers in the area - were in fact inserted at one end of a long bamboo flute. According to Mead, they represented a crocodile, in keeping with the associations of fierceness, strength, and power likened to this very dangerous creature. During various parts of the ritual the performer blows across the hole in the bamboo, which is ordinarily held running more or less parallel to the ground so that the figure is lying on its side or back. Mead published a photo of young men playing the undecorated flutes (1934, p. 243). There are several types of flutes, each representing either bush or water spirits. In fact, the wooden figure itself is what animates the crocodile flute and gives the music its power over all who hear its voice. These carvings are the central core of the flutes and calling them flute stoppers, while technically correct, largely misses their significance.

The bamboo in the flutes is thought perishable and easily replaced as needed. Similarly the decorative ornaments that cover this fine example were not held in great esteem as an ensemble belonging to a single piece. Thus the various elements could be broken apart and used to decorate other flutes or other ritual objects at will without disturbing the underlying power of the wooden carving at its core. This example is covered with ornaments ordinarily worn by men to enhance their appearance and highlight their virility. The cassowary feathers are typical of headdresses worn by Biwat dancers (see photo in Mead 1934, p.  234), while the earrings are made of ground shell rings and tortoise shell, both valuables made in coastal villages and on the islands off the coast, particularly Tarawai, Ali, and Seleo. The nassa shell in the headband comes from the Murik lakes at the Sepik mouth. So the configuration on this example embodies the wider connections the Biwat had with peoples across the region as well as symbolizing the owners’ wealth and personal power.

Intact and with all its decorative elements, this figure gives off a power that the denuded figures often lack. The decorations almost certainly completed the symbolism of the particular spirits they represented, which, according to Mead, could take on a human or animal form without being human themselves. They are not, for example, representations of ancestors or human ghosts but spirits that inhabit the river or the bush, whose power must be controlled to promote human health and prosperity in the civilized space of the village.

Robert L. Welsch
Department of Anthropology
Franklin Pierce University
Rindge, New Hampshire