Lot 32
  • 32

Robespierre, Maximilien de

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • Robespierre, Maximilien de
  • Brouillons de discours, articles, et une lettre, contenant de nombreux passages inédits.Paris, janvier 1792-juillet 1794.
116 pages (sur 64 ff.). A l'encre sur papier blanc et bleu, très nombreuses ratures, passages barrés, et corrections. Le papier qu'utilise Robespierre lui provient de divers papetiers. Il utilise ses feuilles indifféremment et l'on trouve pour un même document des feuilles de différents filigranes (C. Leroy 1789 ; à la couronne perlée ; au blason royal ; au lion hissant ; MMP ; Mols PDFDAN...).

Catalogue Note

Un ensemble exceptionnel des papiers de travail de Robespierre, conservé durant plus de deux siècles par les descendants de son ami Le Bas.
Du Discours sur la Guerre le 25 janvier 1792 au Discours du 8 Thermidor qu'il prononce la veille de sa mort, le 26 juillet 1794, ici recopié par Robespierre sans doute à l'intention de Lebas, l'ensemble réunit les fragments de 4 discours et 5 articles, ainsi que des notes éparses, et une importante lettre à un correspondant inconnu sur le fond de sa philosophie : le rapport difficile entre le Bonheur et la Liberté.
Discours, articles, notes, ces feuillets ont été pour la plupart imprimés sur décision de la Convention pour être lus par le public. En revanche, les très nombreux passages biffés, et les feuilles entières barrées, nous offrent pour la première fois les pensées et remords d'écriture de Robespierre tels qu'il les coucha sur papier avant de se corriger : ce sont les manuscrits de premier jet du plus fécond des penseurs de la Révolution, et du plus original de ses législateurs, dont les mesures transformeront la France en profondeur et pour toujours. Robespierre conserva ces manuscrits jusqu'à leur passage dans la famille de son ami le conventionnel Le Bas (voir le lot 31).

Les discours de Robespierre furent au cœur même de la Révolution française. Ils guidèrent la France depuis la monarchie constitutionnelle jusqu'au plus fort de la Terreur. Des tribunes de l'Assemblée, de la Convention, de la Commune, des Jacobins, ou du Comité du Salut Public, Robespierre fut le plus écouté des orateurs de la Révolution : ses discours occupent la moitié de ses œuvres complètes réunies en 10 volumes.

Le 27 juillet 1794, 9 Thermidor, Robespierre désavoué par la Convention se réfugie à l'Hôtel de Ville, rejoint par son frère Augustin, Joseph Le Bas, Couthon et Saint-Just. Lorsque Barras enfonce les portes durant la nuit, Le Bas se suicide, Augustin a sauté par la fenêtre, Saint-Just est vivant, le paralytique Couthon aussi. Robespierre git toute la nuit dans son sang, la mâchoire fracassée par une balle. Condamnés sans interrogatoire, ni défense, ni appel, comme en donne le droit la fameuse « loi des suspects » du 22 Prairial qu'ils avaient eux-mêmes votée deux mois auparavant, Robespierre et ses amis sont emmenés quelques heures plus tard à la guillotine.
Le domicile de Robespierre, qui est logé par ses amis Duplay dans la rue Saint-Honoré, à deux pas des Tuileries, est immédiatement perquisitionné sur ordre de la Convention, les scellés sont posés, les Duplay sont arrêtés. La commission Courtois, chargée de l'analyse de ces documents, remet son rapport une année plus tard et l'on put constater que dans sa haine de Robespierre, Courtois avait détruit les papiers qui ne lui permettaient pas de l'accabler. Il faudra attendre 1828 et la publication en trois volumes des Papiers inédits trouvés chez Robespierre, Saint-Just, Payan, etc. supprimés ou omis par Courtois pour savoir de quoi se composaient les papiers trouvés chez Robespierre. Les rares papiers rédigés par Robespierre lui-même occupent un volume. On y trouve essentiellement des notes, ainsi qu'un fragment du discours sur la faction de Fabre d'Eglantine, un cahier, et un fragment de l'affaire Chabot.

Les manuscrits importants avaient été conservés par son logeur Duplay, dont la fille aînée avait épousé le conventionnel Philippe Le Bas, fervent ami de Robespierre et de Saint-Just, qui se suicide ce tragique après-midi du 9 Thermidor. Les brouillons que nous présentons ici furent conservés jusqu'à nos jours par la famille de Le Bas. Robespierre les avait-il confiés auparavant à son ami ? Les Duplay les avaient-ils, avant leur arrestation, soustraits de la chambre de Robespierre ?
Ernest Hamel, qui reste sans doute le plus grand biographe de Robespierre, eut certains de ces papiers entre les mains : « Nous avons sous les yeux un exemplaire manuscrit de l'époque, conservé par la famille Le Bas. Presque tous les discours manuscrits de Robespierre étaient, en Thermidor, entre les mains d'Éléonore Duplay, la fille aînée de son hôte, qui les cacha soigneusement, et ils avaient ainsi pu échapper au pillage du conventionnel Courtois. Mais en 1815, à la seconde Restauration, le frère d'Eléonore, Simon Duplay, administrateur du domaine des hôpitaux et hospices de Paris, avec lequel demeurait Eléonore, cédant à un regrettable sentiment de crainte, jeta au feu la plupart des lettres, manuscrits et papiers provenant de Maximilien, ainsi qu'un magnifique portrait en pied de lui peint par Gérard, et dont nous parlerons plus tard. Quelques lettres seulement et trois discours manuscrits échappèrent à ce désastre, le discours sur la pétition du peuple avignonnais [copie par Philippe Le Bas]; le discours sur les jurés  [copie par Philippe Le Bas], et celui du 8 thermidor.  Ce dernier seul, rendu incomplet à la famille Le Bas, est de l'écriture de Robespierre. » (Histoire de Robespierre d'après des papiers de famille : La Constituante. 1865, p. 365).
Ernest Hamel ne vit que les deux copies par Le Bas (voir le lot 31), et le discours du 8 Thermidor recopié par Robespierre. Il n'eut pas connaissance des pièces les plus importantes de cet ensemble que sont les brouillons autographes.

- [Robespierre contre la guerre :] Discours sur la guerre. 25 janvier 1792. 8 pages sur 4 ff. in-8 (fragment). Premier jet, de nombreux passages non barrés ici ne furent jamais publiés.
Robespierre s'adresse à l'Assemblée pour s'opposer aux partisans de la guerre contre les cours étrangères. Il voit dans l'appel à la guerre par les Girondins une manipulation de la cour tentant une manœuvre désespérée pour s'octroyer les forces militaires de la France et en user contre la Révolution. Robespierre appelle à la prudence : les ennemis de l'intérieur sont nombreux et doivent d'abord être éliminés, sinon ils prêteront main-forte aux ennemis de l'extérieur. « Ce n'est point à moi qu'il faut imputer des vœux sanguinaires et des violences contraires au véritable intérêt de la liberté. » Deux semaines après ce discours, les biens des émigrés sont déclarés biens nationaux. Le tribunal criminel de Paris s'installe, Robespierre est élu accusateur public (15 février 1792). La lutte contre "l'ennemi intérieur" guida Robespierre tout au long de ses discours, s'amplifiant jusqu'à son dernier discours de Thermidor, au plus fort de la Terreur, créant alors la répulsion et entrainant son arrestation et sa mort.

- [Robespierre se résigne à la guerre]. Discours aux Jacobins sur les circonstances actuelles. Mars 1792. 14 pages sur 7 ff. in-8 (fragment comprenant le début « Une conspiration formidable tramée de long temps contre notre liberté » et la fin du discours). Longs passages barrés, corrigés, inédits.
Robespierre prononça ce discours à l'époque de la mort de l'empereur Léopold, peu de temps avant la déclaration de guerre.
« Que le peuple français parle avec la majesté qui lui convient [...] vous verrez les despotes vous demander humblement la paix, et s'ils la refusent alors nous ferons la guerre : mais malheur aux tirans et aux traitres. »

- [Robespierre contre Brissot]. Considérations sur l'une des principales causes de nos maux. Note de bas de page. Le Défenseur de la Constitution, n° 3, mai 1792.
Le Défenseur de la Constitution est le premier journal de Robespierre. Son lancement en mai 1792 s'inscrit dans le cadre de la campagne contre la guerre menée par Robespierre, et de la polémique de plus en plus âpre qui l'opposait à Brissot et au parti de la guerre. Devant les attaques très virulentes des Girondins, Robespierre décida de répliquer lui-même par voie de presse.

- [Contre les Girondins]. Trois Fragments, dont deux semblent inédits. Sur feuillets de tailles différentes (entre 80 x 170 mm et 230 x 175 mm).
De l'influence de la calomnie sur la révolution. Discours aux Jacobins. 28 octobre 1792. [...] C'est elle [la calomnie] qui chassa de nos armées, par les ordres arbitraires de l'aristocratie, les soldats les plus dévoués pour la cause publique [...] c'est elle qui a rempli nos cachots des citoiens dont les tirans redoutaient l'énergie [...]
Inédit. [...] Ils déclamaient contre l'aristocratie ; et les protégeaient contre les banquiers et partageaient avec eux les dépouilles de la république. S'ils dénoncaient un conspirateur, c'était pour absoudre les autres ; un complot c'était pour mieux cacher leur conspiration ou pour rendre suspects les défenseurs de la liberté [...]
Inédit. [...] Je crois que l'intérêt de la constitution et surtout la justice et l'humanité exigent que l'on assure la subsistance à ceux que la révolution a privés de leur état [...].

- [Robespierre contre Pétion]. Réponse de Maximilien Robespierre à Jérôme Pétion. Lettre à ses commettans. Septième lettre de la Première série. 30 novembre 1792. 52 pages sur 27 ff., blancs et bleutés (fragment). Brouillon, nombreux passages barrés, corrections.
Les événements du 10 août ayant conduit à l'abolition de la monarchie et à l'abrogation de la Constitution de 1791, Robespierre changea le titre de son journal, Le Défenseur de la Constitution, qui n'était plus au goût du jour et opta pour la Lettre à ses commettans. Le nouveau titre commença de paraître fin septembre 92.
Pétion et Robespierre, étroitement unis lorsqu'ils siégeaient l'un et l'autre sur les bancs de l'Assemblée constituante, s'affrontent dès que le premier, devenu maire de Paris, s'associe aux Girondins, entre à la Convention, et est élu premier président de l'assemblée. Ils rompent au début du mois de novembre, à la veille du procès de Louis XVI.
Robespierre se lance ici dans une attaque violente et systématique contre la dangereuse passivité de Pétion, dont il reprend les termes avec une ironie mordante. Sur son action contre la Commune : « [Barré : Vous êtes naturellement bon, et vous n'avez jamais cru à la méchanceté humaine]. Le maire de Paris, dites-vous dans votre discours, en parlant de cette désastreuse époque du 10 août, n'était plus un centre d'unité : j'avais été conservé dans ma place ; mais elle n'était plus qu'un vain titre. Je parus rarement à la commune. Je n'étais instruit de rien. Voilà le fait : vous n'y étiez pas.». Un mois plus tard, Pétion votera l'appel au peuple et le sursis pour Louis XVI. Décrété d'arrestation, il fuit, et se suicidera en juin 1794.

- [Robespierre contre l'indulgence pour Louis XVI]. Opinion de Robespierre sur la proposition faite de bannir tous les Capets. [Suivi de :]  Compte-rendu des séances de la Convention du 10 au 13 décembre. Lettre à ses commettans. Onzième lettre de la Première série. Décembre 1792. 22 pages sur 11 ff. in-8 (fragment). Brouillon, nombreux passages barrés, corrections.
La faction de la Gironde voulait, à quelque prix et de quelque manière que ce fût, sauver les Bourbons et arracher Louis XVI au « juste châtiment de ses crimes ». C'est dans ce but qu'elle proposa de bannir du territoire le roi déchu et les membres de sa famille. Robespierre avait d'abord été séduit d'abord par cette proposition, qui lui semblait dictée par le plus pur républicanisme, mais en découvrit les dangers et la combattit avec acharnement.
Robespierre met en garde contre les divers stratagèmes qu'utiliseront les forces anti-révolutionnaires pour faire échouer le procès de Louis XVI.

-[Robespierre au procès de Louis XVI, contre l'appel au peuple]. Lettre a MM. Vergniaud, Gensonné, Brissot et Guadet, sur la souveraineté du peuple et sur leur système de l'appel du jugement de Louis Capet. Lettre à ses commettans. Première lettre de la Deuxième série. Janvier 1793. 8 pages sur 2 ff. in-8 (fragment). Brouillon, nombreux passages barrés et mots corrigés.
Ce célèbre article développe les arguments du « Second discours de Maximilien Robespierre sur le jugement de Louis Capet » (prononcé le 28 décembre 1792), contre la consultation populaire sur la sentence que rendrait la Convention lors du procès de Louis XVI : l'urgence de la situation, le risque de manipulation des Assemblées par des adversaires de la Révolution rendraient l'appel dangereux. L'appel instrumentaliserait la souveraineté du peuple pour mieux la trahir et la détruire.
Le fragment contient la définition par Robespierre de la « Montagne » à l'Assemblée : [...] On appelle ainsi depuis les premiers temps de la révolution une partie de la salle où se plaçait, dans l'assemblée Constituante, le petit nombre de députés qui défendirent la cause du peuple, iusqu'au bout, avec le plus de constance et de fidélité. On sait que le côté opposé, nommé côté droit, fut toujours occupé par des hommes d'un caractère diamétralement opposé [...]. Jérôme Pétion a attribué ce phénomène à une certaine simpathie d'humeurs. et la diversité d'humeurs lui parait assez indifférente [...] Mais Jérôme 1er n'entend rien à tout cela; il est plutôt fait pour régner, que pour analyser. [...] 

- [Robespierre appelle à la guerre].  Réponse de la Convention nationale aux rois ligués contre la République. Discours du 5 décembre 1793 (15 Frimaire An II). Une page in-8 (fragment). Importants passages barrés.
« Les Tirans ont été trouvés plus légers. Français, oublions nos querelles et marchons aux tirans. Domptez les par vos armes et nous par nos loix. [Barré : Portez la Terreur en dehors, nous finirons au dedans, la sagesse, l'abondance, et le pain. Que la justice nationale soit formidable aux traitres et aux conspirateurs].Que les traîtres tremblent ! que le dernier des lâches émissaires de nos ennemis disparaisse ! que le patriotisme triomphe, et que l'innocence se rassure ! Français, combattez! Votre cause est sainte, vos courages sont invincibles. Vos représentants savent mourir ; ils peuvent faire plus ; ils savent vaincre. »

- [La préparation de la Fête de l'Etre Suprême].  Rapport à la Convention du Comité de Salut Public sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, et sur les fêtes nationales. Séance du 7 mai 1794 (18 Floréal An II). Une page sur un double feuillet in-8 (fragment). Important passage barré.
« Le vice et la vertu font les destins de la terre ; ce sont les deux génies qui se la disputent [...] Ainsi le fondement unique de [Barré : la société c'est la morale] toutes les institutions politiques c'est la morale.

- [Le dernier discours de Robespierre]. Discours du 8 Thermidor An II (26 juillet 1794). 2 pages sur un feuillet grand in-8 (fragment).
Copie de la main de Robespierre. Du début (« Que d'autres vous tracent des tableaux flatteurs... » jusqu'à « Lorsque celle-ci est proscrite comme un crime, la tyrannie règne ».
Le plus célèbre discours de Robespierre, à la fois une ultime tentative pour poursuivre une politique d'élimination des "ennemis de l'intérieur",  et une justification contre les accusations de plus en plus sérieuses contre son despotisme et la tyrannie qui ont ensanglanté la France et détruit l'esprit de la Révolution.
Ce discours sera l'étincelle qui mettra le feu aux poudres de la discorde profonde au sein de la Convention entre Jacobins robespierristes, et la majorité plus modérée, fatiguée des excès de la Terreur. La Convention décide de ne pas imprimer le discours du 8 Thermidor, créant une violente colère chez les Jacobins. Lorsque Saint-Just monte à la tribune le lendemain pour défendre Robespierre, la violence s'emballe et Robespierre est réduit au silence sous les cris d'"A bas le tyran !" Sachant mieux que quiconque les conséquences de l'échec en temps de révolution, Robespierre ne dit pas un mot. Il avait lui-même théorisé, justifié et légalisé  la sentence de mort pour quiconque échouait dans sa mission révolutionnaire. Son arrestation est déclarée le jour même à 17h. Commence pour Robespierre une longue suite d'heures où stupeur et fierté l'empêcheront de retrouver le calme nécessaire pour réagir et pour sauver sa vie.

- [Lettre sur le bonheur et la vertu]Le Bonheur [émané ?] de la liberté. Lettre inédite à un destinataire inconnu. 2 pages sur un feuillet in-8, numéroté 1, à la main (fragment). Ratures et corrections. Non datée [1792 ?]. Dans le coin supérieur gauche, la mention manuscrite biffée : [Lettre de Robespierre à ?]. Traces de pliures anciennes, ayant causé un petit manque au centre de la lettre.
Très belle lettre analysant les rapports entre le Bonheur et la Vertu, les attraits trompeurs de la Liberté, et la nécessité des Loix.
« Tu croyais, cher ami, qu'il suffisait à l'homme, pour être heureux, de vivre solitaire, dans le sein de la nature [...] Tu te croyais heureux et tu ne goutais que l'ombre du bonheur. A coté de ta chaumière était un laboureur languissant sous le poids des impots ; ici c'était un homme vertueux victime du despotisme et du crime. Tu ausais (sic) te dire heureux lorsque tes semblables étaient abreuvés d'amertumes ; tu ausais te dire heureux lorsque ta patrie gémissait sous la tyrannie d'un despote et de ses courtisans. Insensé tu te croyais donc seul sur la terre [...] .»