Lot 90
  • 90

Paire de ployants en hêtre sculpté doré d'époque Louis XV, vers 1740, livrés pour le prince-évêque de Rohan-Soubise

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • Haut. 49,5 cm, larg. 65,5 cm, prof. 53 cm
  • Height 19 1/2 in; width 25 3/4 in; depth 20 3/4 in
le piètement en X, à décor de fleur de tournesol, coquilles, enroulements, courbes et contre-courbes, les pieds terminés en rouleau ; garni de brocart cramoisi à fils d'argent du XVIIIe siècle

Provenance

- Collection du prince Armand Gaston Maximilien de Rohan-Soubise au château de Saverne ou plus certainement au palais Rohan de Strasbourg
- Collection du baron Guy de Rothschild, vente Sotheby's Londres, 24 novembre 1972, lot 19
-Collection de Madame Aimée de Heeren, New York
-Collection privée, Paris

Condition

Illustration is quite accurate. Good overall condition. As expected, traces of dust in places and very few minor chips to the giltwood. Original gilding. Exceptionally rich and beautiful carving. Attractive 18th century cover added later, in overall good condition. Prestigious provenance from the famous aristocratic Rohan family. Wonderful seats, to recommend.
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Catalogue Note

Ces sièges sont tout à fait caractéristiques de l'art de vivre de cour qui fut marqué, à Strasbourg comme dans toute l'Europe, par l'étiquette versaillaise. C'est en effet à la cour de France que ce type de siège fit son apparition durant le règne de Louis XIV. Dans les pièces protocolaires où figurait la personne royale, on trouvait ainsi deux fauteuils sur lesquels le Roi et la Reine pouvaient prendre place, des ployants pour les princes et princesses, tandis que les duchesses devaient se contenter d'un simple carreau (entendez coussin) sur lequel elles pouvaient s'agenouiller.
Les tabourets-ployants n'étaient pas que de simples sièges, puisqu'en réalité, l'extrême facilité avec laquelle ils pouvaient être repliés symbolisait purement et simplement, la précarité des titres et fonctions des courtisans, révocables à tout instant par le Roi.
Deux hypothèses sont possibles quant à la provenance exacte de ces sièges dont la sculpture sur les bouts de pieds est différente des exemplaires connus.

Le château de Saverne

A la suite de l'incendie de 1709, l'architecte Robert de Cotte entreprit une restauration générale et une rénovation partielle du grand appartement du prince. Le grand salon vit seulement son mobilier refait tandis que le décor de la chambre de parade fut entièrement modernisé. La rosace du plafond était ornée de mufles de lion et de coquilles.
De 1728 à 1730, les envois de meubles et objets furent si nombreux que l'abbé de Ravanne, intendant du prince, craignait qu'il ne finît « par y apporter tout Paris ».
Les étoffes de la chambre de parade furent commandées à Lyon, de même que le lit fut apporté de Paris. Il semblerait évident que des pliants aient accompagné ce lit mais ils ne furent pas publiés par madame Catherine Grodecki dans La résidence de Saverne sous les trois premiers cardinaux de Rohan ou signalés dans les quelques documents d'archives existants.
Nous ne savons pas ce qui échappa à l'incendie de 1779 et il est possible, comme nombre d'autres sièges facilement transportables, qu'ils aient pu être sauvés de l'incendie. L'hypothèse la plus plausible reste cependant une origine strasbourgeoise de la paire de pliants.

Le Palais Rohan de Strasbourg

Depuis la Réforme, les évêques catholiques ne résidaient plus dans cette ville mais à Saverne. Lorsqu'en 1681 le prince François-Egon de Furstenberg, évêque de Strasbourg, qui préparait depuis longtemps à Versailles son retour dans la métropole diocésaine, reprend possession de son église cathédrale, l'antique hôtel épiscopal, le Fronhof, n'est plus habitable. Le prince et son successeur, le cardinal Guillaume-Egon de Furstenberg, son frère, occupent plus volontiers lors de leurs rares séjours strasbourgeois le vieil hôtel de la prévôté du Chapitre. L'arrivée d'Armand-Gaston-Maximilien de Rohan-Soubise sur le trône épiscopal va bouleverser cette frugalité architecturale en réalisant l'un des plus beaux bâtiments du XVIIIe siècle français. En 1727, il décide en effet de construire à l'emplacement du Fronhof un palais digne de son rang, dans une Alsace devenue française.
L'ameublement, réalisé aux environs de 1740, reflète une volonté de magnificence. Comme à Versailles dans la chambre du Roi, le mobilier se composait selon l'étiquette de deux fauteuils et de douze ployants ; il s'y ajoutait deux petits canapés d'angle, mentionnés dès 1749 mais dont il n'est pas certain qu'ils aient fait partie du mobilier d'origine.
L'inventaire après-décès du prince-évêque mentionne en effet Deux fauteuils en bois sculpté et doré, garnis de crin et couverts de damas cramoisi bordé d'un galon d'or fin et n° 148 Douze ployants en X, de bois sculpté et doré, garnis de carreaux de plumes et recouverts de damas cramoisi avec des franges d'or faux (Inventaire après décès du cardinal de Rohan, Chantilly, Musée Condé, Cabinet des titres, série A, carton 47). Ces derniers se trouvaient tous dans la partie antérieure de la chambre du Roi. Des deux fauteuils, l'un a été identifié puisqu'il présente une marque au revers antérieur de la ceinture représentant la macle des Rohan avec la mention Chambre du dais (Collection Murat ; puis Paris, Palais Galliera, 2 mars 1961, n° 82, reprod. ; puis collection Djahanguir Riahi). Concernant les ployants, Jean-Daniel Ludman a pu en identifier en se fondant, non seulement sur leur style en totale adéquation avec celui des lambris et des meubles provenant du palais, mais encore sur des particularités ornementales, comme des griffes de lion aux pieds et des fleurs de tournesol au centre de l'X qui renforce encore cette présomption par leur allusion héraldique et emblématique au cardinal de Rohan (Ludman, J.-D., Le palais Rohan de Strasbourg, Strasbourg, 1979, Tome I, p. 296). Les premiers sont en effet les tenants des armoiries et le tournesol, choisi par le maître des lieux, se retrouve dans de nombreuses pièces du palais.
Sur la paire présentée, seules les fleurs de tournesols se retrouvent, la forme des pieds présentant une variante dite en rouleau. Cela n'a pas lieu de surprendre, car c'est en fait un ensemble plus important qui se trouvait dans les grands appartements, puisqu'en plus des douze ployants figurant dans la chambre du Roi, douze autres ornaient le cabinet (salon) du Roi. On trouve en effet dans le même inventaire de 1749 au n° 130 douze pliants de bois doré, couvert de damas cramoisi et galonnés d'or fin, bordés d'une frange d'or faux surdorée, estimé.......360.
Bien que certainement conçus à l'origine comme deux douzaines différenciées, chacune attribuée à une pièce différente, la légère différence esthétique des pieds n'empêchait pas de les mélanger. Ainsi, au lieu de cette disposition douze par douze, l'inventaire de 1779, mentionne dans la chambre du Roi seize ployants garnis de plumes couverts de Damas cramoisi orné d'une frange d'or faux sur leurs bois en X sculpté et doré et un complément de huit ployants en X du même modèle dans la chambre du Roi (Archives départementales du Bas-Rhin, IG 157-28). Enfin dans un inventaire de 1790 Quatorze pliants en damas cramoisi, avec des franges en faux, bois sculpté et doré se trouvent dans la chambre du grand appartement, tandis que les dix autres se trouvent dans le cabinet (Archives du Bas-Rhin, Q 4340 n° 16).
De cet ensemble prestigieux de vingt-quatre ployants, cinq à pieds de lion furent identifiés par feu Jean-Daniel Ludman, ancien conservateur du musée, et reprirent place au palais (Ludman, 1979, Tome I, p. 379, note 116). Le premier (publié in Devinoy, P., Le siège en France du Moyen-âge à nos jours, Paris, 1948, p. 61, 98 et planches 85-86) appartenait à la collection Louis Guiraud et fut acquis par le musée de Strasbourg à la vente du 10 décembre 1971, Paris, Palais Galliera (Inventaire du musée des Arts Décoratifs de Strasbourg n° LXXI-7). Deux autres, provenant de la collection du comte Niel furent achetés par le musée en 1973 (Inv. N° LXXI-7 a et b). Une autre paire fut acquise en vente publique (Paris, Palais Galliera, 29 novembre 1974, n° 145, Inv. N° 33.975.4.1 et 2). Ajoutons que, provenant de la collection Luart (Paris, galerie Charpentier, 5 décembre 1959, n° 77, planche XV), un ployant (ou une paire, la notice étant imprécise) fut aussi vendue : la localisation actuelle en est inconnue, à moins qu'il ne s'agisse d'une des paires ou de celui, seul, achetés par le musée. Plusieurs de ces sièges ont été publiés, parfois in situ (voir Ludman, 1979, Tome I, p. 294, fig. 230, p. 297, pl. IX et p. 314, fig. 251 ; Martin, E., Le Palais Rohan, Musée des Arts décoratifs, Strasbourg, 1998, p. 11 et p. 40, reprod.).
Le grand intérêt des ployants présentés, dont le modèle était jusqu'à aujourd'hui inédit, est constitué par l'absence de pattes de lions qui indique qu'il devait bien s'agir de deux séries de douze, et non d'une seule de vingt-quatre comme avait pu le penser J.-D. Ludman à la lecture des inventaires peu explicites du XVIIIe siècle.
Par leur forme et leur décor, ils appartiennent bien aux débuts du style Louis XV. S'ils conservent du style Louis XIV une symétrie inhérente à leur fonction, le jeu de courbes et contre-courbes animé de coquilles et d'aquatiques (terme désignant les concrétions simulées s'adaptant largement sur les montants) trahit bien une création du début des années 1740. Tous ces éléments se retrouvent traités de la même manière sur la série à pattes de lion, ainsi que sur le fauteuil provenant de la collection Riahi (musée du Louvre).

L'auteur de ces sièges 

Des hypothèses furent émises quant à l'attribution de ces pliants. La plus plausible est la participation de Jean-Auguste Nahl, d'origine berlinoise, qui travailla au palais Rohan à la sculpture des boiseries. De retour en Allemagne, cet artiste travailla à Potsdam et à Charlottenbourg, mais également au château de Wilhelmsthal, près de Cassel.

Armand-Gaston-Maximilien de Rohan-Soubise (1674-1749)

Cinquième fils de François de Rohan, prince de Soubise, lieutenant général des armées du Roi, et d'Anne de Rohan-Chabot, il laissait volontiers courir la rumeur, colportée par tous les mémorialistes du temps, d'une liaison de sa mère avec le Roi l'année de sa naissance, expliquant ainsi la protection exceptionnelle que Louis XIV lui accorda. Prince-évêque de Strasbourg à partir de 1704 et, en tant que tel, landgrave de Basse Alsace et prince du Saint-Empire, cardinal à partir de 1712, il devint Grand Aumônier de France et commandeur de l'ordre du Saint-Esprit l'année suivante.