Pablo Picasso

Collection particulière, France
Acquis auprès du précédent dans les années 1960

Executed on cream wove paper, not laid down. The sheet is attached to the mount at the top corners. Apart from some light time staining, this work is in very good original condition.
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signed 'Picasso' and dated '7 juin 1945' (on the back), gouache, ink and wash on paper. Executed on 7th June 1945. 

Page précédente : Francoise Gilot & Picasso dans le jardin de la Galloise en 1951. Photo © Succession Picasso, 2010

Fig. 1  Francoise Gilot à Paris en 1945. Photo © Endre Rozsda

Des formes douces et voluptueuses de Marie-Thérèse aux profils sculpturaux de Jacqueline, les portraits de femmes, objets des attentions passionnées de l'artiste, alimentent l'œuvre de Picasso jusqu'à la fin de sa vie. D'une extraordinaire présence, ce saisissant portrait de Françoise manifeste l'emprise de celle-ci sur l'imagination passionnée du peintre.  

 

En juin 1945, peu de temps avant que celle-ci n'entre officiellement dans sa vie affective, Picasso immortalise ainsi le visage de Françoise Gilot, jeune artiste peintre rencontrée quelques années auparavant. Dans ce portrait en gros plan,  mêlant candeur et détermination, Françoise nous apparaît telle que la décrit Brassaï lors d'une de ses visites à l'atelier de Picasso en 1944, "toute jeune - dix-sept ou dix-huit ans -  passionnée de peinture, avide de conseils, impatiente de faire valoir ses talents [...]. Je fus frappé par la vitalité de cette jeune fille, par sa ténacité à triompher des obstacles. Toute sa personne dégageait une impression de fraîcheur et de vivacité remuante... " (Brassaï, Conversations avec Picasso, Paris, 1964, p. 260).

 

Déjà sous l'emprise de son modèle, Picasso nous offre une représentation d'une remarquable intensité. Le choix d'une vue frontale, verticale, en gros plan, centrée sur la figure de Françoise créé une puissante dynamique. Par sa sculpturale présence, le beau visage aux reflets argentés irradie la composition et les traits réguliers de la jeune femme, réduits à leur plus pure expression, gagnent en acuité. L'artiste, séduit par sa nouvelle muse, exalte la douceur de l'ovale de son visage, l'expression déterminée de ses grands yeux, son regard enveloppant, son nez droit et sa chevelure brune ondoyante.

 

La beauté de cette physionomie toute en rondeur, la plastique sensuelle et généreuse de ce portrait de Françoise est à l'image de la sérénité que l'artiste trouvera auprès de celle-ci jusqu'en 1953. La simplification formelle ici esquissée annonce la célèbre figure de la Femme-fleur, quintessence du portrait de Françoise, réalisé un an après en 1946. Comme le souligne Brigitte Léal, Françoise est à l'origine d'un nouveau langage que Picasso lui consacre exclusivement, "tout en courbes et en cercles, [...] restitu[ant] la plénitude déliée des formes et en soulign[ant] les traits caractéristiques" (cité in. Picasso, Une nouvelle dation (catalogue d'exposition), Paris, 1990, p. 168). Ce saisissant portrait, par sa subtile et intense sobriété, ouvre ainsi la voie de l'extrême dépouillement de la Femme-fleur, au cœur des préoccupations esthétiques de Picasso au début de la période d'après-guerre.