Lot 71
  • 71

Mallarmé, Stéphane

Estimate
60,000 - 80,000 EUR
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Description

  • Mallarmé, Stéphane
  • Ce que disaient les trois cigognes. Sans lieu ni date [vers 1860].
Manuscrit autographe à l'encre bleue, signé Stéphane Mallarmé, (31) ff. in-8 oblong montés sur onglets, maroquin janséniste aubergine, dos à nerfs, étui (Alix).

Catalogue Note

Prose et vers de jeunesse : le premier texte mallarméen de quelque étendue. Important manuscrit littéraire signé par Mallarmé. Il présente quelques ratures et corrections. Sur le premier feuillet, Mallarmé a consigné à une date postérieure : «Narration - Sur un sujet libre en «seconde ou troisième», au lycée de Sens».

Composé vers l'âge de seize ans, ce conte féérique de trente et une pages est divisé en sept chapitres. Scintillant de trouvailles poétiques, il renferme également La Chanson de Deborah, pièce de 36 octosyllabes. C'est l'hiver, il neige, un ancien bohémien devenu bûcheron veille au coin du feu dans sa chaumière, en compagnie du chat Puss. Il songe à Deborah, sa fille morte à l'âge de seize ans. Sur le toit, «trois cigognes mélancoliquement perchées sur une patte grêle, rêvant, le bec enfoui dans leur jabot, à la fête des Rois qu'ont carillonnée les cloches matinales».
Or Deborah sort de son tombeau. Elle apparaît à son père, radieuse, sous sa pâle couronne de morte. Elle chante et danse au son du tambourin avant de fêter les Rois. Enfin, la vision fugitive s'évanouit : «Puis, il n'entendit plus rien... Sauf les pas légers de l'aurore grelottante sur la neige, et le craquement des quelques branches mortes sous leur blanc fardeau.»

«On relève un ensemble de motifs lyriques de l'oeuvre à venir du jeune Mallarmé ; et la résurrection momentanée de la jeune fille portant encore à son front la couronne de roses blanches dont on coiffait les adolescentes mises en bière, réalise une sorte de rêve, au cours duquel Maria par magie serait sortie du tombeau» (J. L. Steinmetz). Mallarmé venait de perdre sa soeur Maria, tendrement aimée.

Pensionnaire au Lycée de Sens, où il tripla la classe de troisième du fait de sa santé fragile, Mallarmé a confié à son condisciple Eugène Lefébure : «Enfant, au collège, je faisais des narrations de vingt pages, et j'étais renommé pour ne pas savoir m'arrêter.» Toutefois, on peut se demander si cette version ne serait pas un peu plus tardive, vers 1860, comme le souligne Bertrand Marchal : «À moins que le manuscrit conservé par Mallarmé ne soit la réécriture à cette date d'un exercice scolaire datant effectivement de 1857 ou 1858» (in OEuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, I, p. 1345).

Bel exemplaire, parfaitement établi par Alix.
De la collection Edmond Bonniot, gendre de Mallarmé, puis de celle du professeur Henri Mondor. Le manuscrit est précédé d'un feuillet portant le titre de sa main. Ce manuscrit unique fut tardivement publié par ce dernier dans Mallarmé plus intime (1944). Il a été exposé au Musée de Sens en 1998 (Mallarmé et les siens, nº 37).