Lot 18
  • 18

André Masson

Estimate
1,500,000 - 2,000,000 EUR
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Description

  • André Masson
  • GRADIVA
  • signé André Masson (en bas à gauche)
  • huile sur toile
  • 97 x 130 cm
  • 38 1/8 x 51 1/8 in.

Provenance

Galerie Louise Leiris, Paris
Collection particulière, Belgique (acquis du précédent)
Acquis du précédent par le propriétaire actuel

Exhibited

Berlin, Akademie der Künste; Amsterdam, Stedelijk Museum, André Masson (exposition itinérante), 1964, no. 29
Lyon, Musée de Lyon, André Masson : 1922-1966, 1967, no. 14
Torino, Galleria Civica d'Arte Moderne, Le Muse inquietanti - Maestri del Surrealismo, 1967-1968
Knokke-Le-Zoute, Albert Plage, Casino Communal, Schatten van het Surrealisme. Trésors du Surréalisme, 1968, no. 93
Knokke-Le-Zoute, Albert Plage, Casino Communal, XXIIe Festival Belge d'été, André Masson, 1969, no. 27
Bruxelles, Galerie Govaerts, Hommage à Paul-Gustave van Hecke, 1969
Bordeaux, Galerie des Beaux-Arts, Surréalisme, 1971, no. 164
Munich, Kunsthaus, Der Surrealismus, 1972, no. 283
Knokke-Le-Zoute, Albert Plage, Casino Communal, Collection Nellens, 1972, no. 87
Saint-Étienne, Musée d'Art et d'Industrie, Les Peintres belges et les Surréalistes dans la Collection Gustave J. Nellens, 1972, no. 43
Düsseldorf, Stadtische Kunsthalle, Ausstellung Surrealität-Bildrealität, 1974-75, no. 195
New York, The Museum of Modern Art; Houston, Museum of Fine Arts; Paris, Galeries nationales du Grand Palais, André Masson (exposition itinérante),1976-1977, no. 71
Saint-Étienne, Musée d'Art et d'Industrie, L'Art des années 30 en France, 1979, no. 215
Rome, Villa Médicis, Académie de France à Rome; Auxerre, Centre culturel de l'Abbaye de Saint-Germain, André Masson, L'Insurgé du XXe siècle (exposition itinérante), 1988-1989
Londres, Tate Modern; New York, The Metropolitan Museum of Art, Surrealism. Desire Unbound, 2001-2002, no. 1230
Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, André Masson (1896-1987), 2003
Bâle, Fondation Beyeler; Wien, Kunstforum, Eros in der Kunst der Moderne (exposition itinérante), 2006-2007
Paris, Galerie Malingue, Grands Surréalistes, 2008, no. 36

Literature

Michel Leiris & Georges Limbour, André Masson et son univers, Genève-Paris, 1947, reproduit p. 138
Patrick Waldberg, Chemins du Surréalisme, Bruxelles, no. 1, reproduit p. 13
Sarane Alexandrian, L'Art surréaliste, Paris, 1969, no. 66, reproduit p. 73
Patrick Waldberg, 'André Masson ou le monde dans un grain de sable', XXe siècle, no. 32, Nouvelle série, XXXIe Année, Panorama 69 - Les Grandes expositions dans les Musées et les Galeries en France et à L'Étranger
Whitney Chadwick, 'Masson's Gradiva : The Metamorphosis of a Surrealist Myth', The Art Bulletin, New York, vol. 52, no. 4, décembre 1970, pp. 415-422
Jean-Paul Clébert, Mythologie d'André Masson, Genève, 1971, no. 114
Patrick Waldberg, Les Demeures d'Hypnos, Paris, 1976, reproduit p. 206
Gaëtan Picon, Journal du Surréalisme, Genève, 1976, reproduit p. 158
'André Masson von Automatismus zur Allegorie', Kunstforum International, janvier-février 1987, reproduit p. 132
Patricia de Beauvais, 'Masson - Le rêveur insoumis', Paris-Match, Paris, 20 novembre 1987, pp. 106-114, reproduit p. 113
Françoise Levaillant, André Masson - Les Années Surréalistes - Correspondances 1916-1942, Paris, 1990, no. 48, reproduit
Dawn Adès, André Masson, Paris, 1994, no. 68
Camille Morando, Peinture, Dessin, Sculpture et Littérature autour du Collège de Sociologie pendant l'entre-deux-guerres, Thèse de Doctorat sous la direction de Bruno Foucart, Université Paris IV - La Sorbonne, no. 500, reproduit p. 1612
Annie Lebrun, 'Surréalisme, les inventeurs du désir', Connaissance des Arts, Paris, no. 586, septembre 2001, pp. 106-113, reproduit p. 113
Martin Ries, 'André Masson : Surrealism and his Discontentus', New York Art Journal, New York, 2002, no. 4, vol. 60, reproduit p. 78
William Jeffett, 'El amor y la memoria en Gradiva', catalogue de l'exposition Dalí: Gradiva - Contextos de la colección permanente 12, Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza, 2002, pp. 11-49, reproduit p. 48
Martin Ries, 'L'Estasi del disagio', Arte dossier, Florence, Anno XVII, no. 176, mars 2002, reproduit p. 10
Institut Mathildenhöhe, André Masson. Vues du Labyrinth de l'âme, Darmstadt, 2003, reproduit p. 107

Condition

Please note that measurements in inches are incomplete in the printed catalogue and should read 38 1/8 x 51 1/8 in. This work is in superb condition. The canvas is not lined. Two very minor networks of hair-line shrinkage, probably intrinsic to the artistisc process, can be seen towards the center of the composition. There is no evidence of retouching visible under UV light.
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Catalogue Note

signed 'André Masson' (lower left), oil on canvas. Painted in 1939.

Gradiva
est l'un des tableaux majeurs de tout l'œuvre d'André Masson. Son format spectaculaire et la fécondité du mythe de Gradiva dans l'imaginaire surréaliste l'imposent également comme l'un des tableaux phares du Surréalisme, par lequel André Masson voulut officialiser en 1939 sa réconciliation définitive avec le groupe d'André Breton. A la fin des années 30, la peinture surréaliste atteint son apogée, et Gradiva en est l'une des réussites les plus éclatantes. L'œuvre puise son inspiration dans une imagination des plus sauvages et rassemble beaucoup des éléments principaux du Surréalisme des quinze années précédentes pour créer une composition fantastique et surprenante.

Exposé dans toutes les grandes rétrospectives consacrées à l'œuvre d'André Masson, ce chef-d'-œuvre a également figuré dans l'exposition Grands surréalistes organisée par la Galerie Malingue en 2008. Cette exposition rappelait combien l'expérience du grand format pour les peintres surréalistes avait pour ambition d'impressionner, de submerger et d'étourdir le spectateur. La présence extraordinaire de cette jeune fille à-demi pétrifiée, les tonalités riches et flamboyantes des rouge, pourpre, rose corail, jaune pur, vert d'eau et mauve qui éclairent d'une lumière d'apocalypse le décor emprunté à la Villa des Mystères de Pompéi, l'audace de la composition où le Vésuve est représenté à l'échelle d'une fleur de pavot, et enfin la puissance dégagée par cette métamorphose en arrêt sur image, font de la Gradiva d'André Masson une véritable expérience visuelle et sensuelle. Conservé successivement dans deux collections particulières européennes (belge puis française), ce tableau très célèbre est pour la première fois présenté en vente aux enchères.    


Le tableau d'André Masson Les Quatre Éléments (1924) avait frappé si vivement André Breton lors de sa visite, sur les conseils de Robert Desnos, de l'exposition Masson à la galerie Simon (25 février-8 mars1924) qu'il en avait fait, sur le champ, l'acquisition avant même de rencontrer le peintre. Cette toile demeure, en quelque sorte, représentative de la première période surréaliste d'André Masson qui s'achève en 1929 après une brouille avec Breton. Gradiva (1939), quant à elle, est emblématique de la seconde période qui se poursuivra jusqu'en 1942. Les liens d'amitié et de coopération artistique s'affirment, de nouveau, face au danger fasciste qui menace l'Europe, à partir de novembre 1936, entre l'artiste, de retour d'Espagne, et le groupe surréaliste.

Gradiva est une nouvelle de l'écrivain Wilhelm Jensen, de 1903, dont Sigmund Freud fit l'analyse dans un essai, de 1906, intitulé : Délire et rêves dans la "Gradiva" de Jensen, publié en français en 1931 dans une traduction de Marie Bonaparte, qui demeure une tentative d'interprétation psychanalytique exemplaire d'une œuvre d'art. Cette nouvelle relate la quête d'un jeune archéologue Norbert Hanold, fasciné par un bas-relief romain représentant une jeune femme, à la démarche d'une grâce singulière, qu'il nomme Gradiva "celle qui avance". À la suite d'un rêve, Hanold, convaincu que Gradiva est morte à Pompéi en l'an 79 victime de l'éruption du Vésuve, décide de se rendre sur les lieux du drame. Il y croise une inconnue qu'il prend tout d'abord pour une apparition, puis pour la réincarnation de son idole et qui se trouve être, en réalité, une camarade d'enfance oubliée, Bertgang, traduction allemande de  "celle qui s'avance".

Cet ouvrage retint l'attention des surréalistes dont celle de Dalí qui réalisa une huile sur toile : Gradiva retrouve les ruines anthropomorphes en 1931 puis deux encres sur papier en 1932. Il n'est pas indifférent de signaler que Breton choisit la dernière phrase du texte de Jensen pour la mettre en exergue aux Vases communicants en 1932.

Chargé d'animer, en février 1937, une galerie, située 31 rue de Seine, Breton la nomme Gradiva. Il confie à Marcel Duchamp le soin d'en dessiner la porte d'entrée et précise dans un texte prévu pour l'inauguration du lieu:

« Qui peut bien être celle qui avance sinon la beauté de demain, masquée encore au plus grand nombre et qui se trahit de loin en loin au voisinage d'un objet, au passage d'un tableau, au tournant d'un livre ? Elle se pare de tous les feux du jamais vu qui font baisser les yeux à la plupart des hommes. Elle n'en hante pas moins leurs demeures, glissant au crépuscule dans le couloir des pressentiments poétiques. Sur le pont qui relie le rêve à la réalité, "retroussant légèrement sa robe de la main gauche" GRADIVA .»

Dans une lettre à Michel Leiris, du 4 juillet 1938, André Masson écrit : « J'ai beaucoup lu depuis deux semaines et pas de journaux ! : Gradiva de Jensen —L'histoire des treize de Balzac où l'imbécile se marie au génial d'une manière incroyable : La fille aux yeux d'or et un article sur Piero de Cosimo dans "Minotaure" où il y a des choses curieuses.» Il est indéniable que le grand lecteur qu'était Masson répercutait ensuite dans son travail la "connaissance affective où les images chargées d'émotion viennent au premier plan" comme l'écrit Leiris. Le même Leiris qui signe, dans son texte "Mythologies" inclus dans l'ouvrage, réalisé avec Georges Limbour, André Masson et son univers, en 1947, cette superbe évocation de la Gradiva peinte par Masson  dans un décor inspiré de la Villa des Mystères de Pompéi : " Mi-femme, mi-statue, montrée sur un fond d'éruption, de plantes somnifères et de bourdonnements d'insectes, entre ses jambes s'ouvrant l'abîme d'un coquillage et les plis de sa toge se muant en pièce de boucherie".

Pour illustrer le recueil de Breton : Martinique charmeuse de serpents Masson, compagnon d'infortune de l'auteur sur le chemin de l'exil, au printemps 1941, réalise une série de dessins dont une nouvelle version de Gradiva avec cette légende manuscrite : " ...Et toujours au soleil la démarche des porteuses — c'est le pied de Gradiva — Oui le sol est vraiment touché—la terre est appuyée ".

De la même veine que La métamorphose des amants (1938) ou Pygmalion (1939) Gradiva est une œuvre majeure de la production surréaliste d'André Masson. À la veille de la Seconde Guerre mondiale André Breton écrit, à propos du peintre, le 31 janvier 1939, année de la création du tableau, dans Prestige d'André Masson : " C'est le guide le plus sûr, le plus lucide qu'il y ait vers l'aurore et les pays fabuleux. Avec lui, par-delà les prouesses des jongleurs et les exploits des tire-laine, nous touchons au mythe véritable en construction de cette époque. "

Jean-Michel Goutier

 

 

Gradiva is one of the most important works of André Masson's career. Its spectacular scale and the pervasive influence of the myth of Gradiva on the Surrealist consciousness also distinguish it as one of the most iconic paintings of the entire Surrealist movement, the painting with which André Masson officialised his definitive reconciliation with André Breton's group in 1939. By the late 1930s Surrealist painting was reaching a climax and Gradiva is among its most striking achievements. The painting draws its inspiration from the wildest of imaginations and brings together many of the key elements of Surrealism of the preceding 15 years, producing a fantastical composition which startles the unsuspecting viewer.

Exhibited in each of the major retrospectives dedicated to André Masson's oeuvre, this masterpiece also featured in the exhibition Grands surréalistes organised by the Galerie Malingue in 2008. This exhibition showed how the aim of Surrealist painters' experimentation with large formats was to make an impression on the viewer, engulfing and astonishing them. The extraordinary presence of this half-petrified young girl, the rich and flamboyant tones of the red, purple, coral pink, canary yellow, sea green and mauve which illuminate with apocalyptic brightness the decor borrowed from the Villa of the Mysteries at Pompeii, the audacity of the composition in which Vesuvius is depicted as the same scale as a poppy flower, and finally the powerful sensation evoked by this image of frozen metamorphosis, all combine to make André Masson's Gradiva a truly visual and sensual experience. Conserved successively in two private European collections (Belgian and then French), this is the first time this famous painting has ever been presented at auction.

 

André Masson's painting Les Quatre Éléments (1924) had so struck André Breton when he visited the exhibition Masson at the Galerie Simon (25 February - 8 March 1924) on Robert Desnos' advice that he decided to acquire the work straight away, even before meeting the painter. This canvas remains in some ways representative of Masson's first Surrealist period which ended in 1929 after a fall out with Breton. Gradiva (1939) on the other hand is emblematic of the second period which continued until 1942. Once again, in the face of fascist danger threatening Europe, the bonds of friendship and artistic cooperation strengthened between the artist, newly returned from Spain, and the Surrealist group.

Gradiva is a 1903 novel by the author Wilhelm Jensen, analysed by Sigmund Freud in 1906 in an essay entitled Delusion and Dream in W. Jensen's 'Gradiva', published in French in 1931 with a translation by Marie Bonaparte, which remains an exemplary attempt at a psychoanalytical interpretation of a work of art. The novel relates the quest of a young archaeologist Norbert Hanold, who becomes fascinated by a bas-relief representing a young woman walking with uncommon grace whom he names Gradiva "she who advances". Following a dream, Hanold, convinced that Gradiva died in Pompeii in 79 AD following the eruption of Vesuvius, decides to travel to the scene of the drama. There he meets a woman whom he assumes at first to be an apparition, then the reincarnation of his idol but who turns out in reality to be a lost friend from his childhood named Bertgang, the German translation of "she who advances".

This work came to the attention of the Surrealists including Dalí who painted an oil on canvas entitled Gradiva Finds the Anthropomorphic Ruins in 1931 followed by two ink drawings in 1932. Breton notably chose the last sentence of Jansen's text as the epigraph for Vases communicants in 1932.

When in February 1937, Breton was asked to run a gallery located at 31 rue de Seine, he named it Gradiva. He asked Marcel Duchamp to decorate the entrance and stipulated in a text written for the inauguration:

'Who could she who advances be other than tomorrow's beauty, still hidden to the vast majority, who gives herself away here and there when we approach an object, pass by a picture, or flick through a book? She adorns herself with all the unseen fires which make most men lower their eyes. She nevertheless haunts their houses, creeping at twilight into the corridors of poetic premonitions.  At the bridge that links dreams with reality, "gently tucking up her dress with her left hand" GRADIVA.'

In a letter to Michel Leiris on 4th July 1938, André Masson wrote: 'I've been reading a lot over the past two weeks and I don't mean newspapers! : Gradiva by Jensen - L'histoire des treize by Balzac which marries the idiotic and the magnificent in an incredible fashion: La fille aux yeux d'or and an article on Piero de Cosimo in "Minotaure" which contains some interesting things.' It is undeniable that Masson, a prolific reader, subsequently echoed in his own work the "affective awareness in which images charged with emotion come to the foreground", as Leiris wrote. It was Leiris who penned, in his text "Mythologies", included in the work published with Georges Limbour, André Masson et son univers, in 1947, this superb evocation of Gradiva as painted by Masson in a decor inspired by the Villa of the Mysteries in Pompeii: "Half-woman, half-statue, depicted against a backdrop of eruption, soporific plants and the humming of insects, an abyss of a seashell opening between her legs and the folds of her toga mutating into a piece of raw meat".

To illustrate Breton's collection Martinique charmeuse de serpents, Masson, the writer's companion in adversity during their exile in Spring 1941, created a series of drawings including a new version of Gradiva with this handwritten inscription: "... And always the carriers advance towards the sun – it is Gradiva's foot - yes the ground is truly touched – the earth is supported".

In the same vein as the La métamorphose des amants (1938) or Pygmalion (1939) Gradiva is a major work of André Masson's Surrealist period. On 31st January 1939 at the eve of the Second World War and the year of the painting's creation, André Breton wrote of the artist: "He is our most assured, most lucid guide towards the dawn and to fabulous countries. With him, beyond the prowess of jugglers and the exploits of footpads, we touch upon the construction of the veritable myth of our time."

Jean-Michel Goutier