Lot 27
  • 27

Magnifique tête, Fang, Gabon

Estimate
500,000 - 700,000 EUR
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bidding is closed

Description

  • Fang
  • Magnifique tête
  • haut. 34 cm
  • 13 1/3 in

Provenance

Ancienne collection Paul Guillaume, Paris
Maîtres Etienne Ader et Maurice Rheims, Hôtel Drouot, Paris, Ancienne collection Paul Guillaume - Art Nègre, 9 novembre 1965, n°147
Simone de Monbrison, Paris
Collection Rosemary et George Lois, New York
Entwistle, Londres
Collection Drs. Daniel et Marian Malcolm, New Jersey
Acquise de la galerie Entwistle, Londres

Literature

Exposée et mentionnée dans :
Sweeney, African Negro Art, 1935 : 47, n° 363, catalogue de l'exposition, The Museum of Modern Art, New York, 18 mars – 19 mai 1935

Exposée et reproduite dans:
Dapper, Fang, 1991 : 105, catalogue de l'exposition, Musée Dapper, Paris, 21 novembre 1991 - 15 avril 1992
Lagamma, Eternal Ancestors, The Art of the Central African Reliquary, 2007 : 203, n° 46, catalogue de l'exposition, The Metropolitan Museum of Art, New York, 2 octobre 2007 – 2 mars 2008
Beyeler, Visual Encounters. Africa, Oceania and Modern Art, 2009 : V, n° 21, catalogue de l'exposition, Fondation Beyeler, 25 janvier - 25 mai 2009

Reproduite dans:
Evans, African Negro Art: Photographs by Walker Evans, 1935, WE 313
Art News : Special Issue Museum of Primitive Art, janvier 1968 : 23

Figure sur le célèbre cliché de Soishi Sunami de 1935 montrant l'accumulation des œuvres dans une salle du MoMA avant la mise en place de l'exposition.

Socle d'Inagaki
La nuque porte une étiquette mentionnant : « douane centrale, Paris»

Condition

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Catalogue Note

Cette tête d'ancêtre fang fait partie de l'ensemble prestigieux qui fut mis en vente le 9 novembre 1965 à Paris (Ancienne collection Paul Guillaume - Art Nègre, hôtel Drouot). Paul Guillaume (1891 – 1934) s'intéresse à l'art africain dès 1911, avant même de découvrir l'art moderne et d'en devenir l'un des marchands les plus talentueux. L'art africain est à la mode chez les artistes et il en devient aussi l'un des principaux marchands et collectionneurs. Il fut le premier français à s'engager dans l'aventure New yorkaise du Primitivism, en organisant en 1915 avec Marius de Zayas à The Modern Gallery, l'exposition « Picasso and Negro Art ». Au collectionneur Albert C. Barnes (Philadelphie), il fera découvrir à partir des années 1920 tant Soutine que l'art africain. Il incarnait un type inédit de collectionneur apparu à la fin du XIXe siècle, le « marchand-collectionneur », et constitua en quelques années l'une des plus importantes collections d'art moderne d'Europe, où se mêlaient de nombreux chefs-d'œuvre de l'art africain.

Paul Guillaume constitua sa collection « lors des années glorieuses de la découverte de l'Art Nègre ». Les figures d'ancêtre fang (têtes et statues) réunies par le célèbre collectionneur et marchand parisien sont parvenues en Europe dès le début du XXe siècle, recherchées in-situ par des forestiers et autres commerçants aventureux. La plupart, comme celle-ci, avaient déjà une grande ancienneté lors de leur collecte. Elles furent les vedettes des grandes expositions d'art primitif de l'avant-guerre, tant en Europe qu'en Amérique, notamment de la plus importante d'entre elles : African Negro Art, au MoMA (New York), en 1935. Paul Guillaume meurt quelques mois avant son inauguration, et ne verra pas l'art africain enfin consacré par son exposition dans un musée d'art moderne – vingt ans après son « Picasso and Negro Art ». Il y contribua cependant magistralement, par le prêt de cinquante œuvres de sa collection, dont cette tête remarquable.

Les têtes seules añgokh-nlo-byeri

Appelées añgokh-nlo-byeri [litt.= « tête entière de l'ancêtre » / par opposition aux fragments de crânes qui sont conservés dans les reliquaires], les têtes juchées sur un long cou, sont, à l'instar des statues en pied (eyema-byeri), des représentations symboliques des défunts. Beaucoup plus rares que ces dernières, les têtes seules, souvent d'une très grande qualité de finition, occupent une place particulière dans le corpus de la statuaire Fang.

Participant du culte des ancêtres connu sous le nom de byeri, pratiqué par les Fang de l'Afrique équatoriale (Cameroun, Guinée Equatoriale et Gabon), ces effigies rituelles avaient pour principale fonction de « garder » magiquement les reliques humaines conservées, de génération en génération, dans les grands coffres cylindriques nsekh byeri en écorce cousue dont chaque chef de lignage était dépositaire - les crânes étant garants de l'identité généalogique de chaque lignage. Mais tandis que les statuettes en pied servaient également de « marionnette » rituelle lors des initiations des jeunes gens, les têtes seules añgokh-nlo-byeri demeuraient cachées dans la case du chef de lignage et n'en sortaient jamais. Tout comme les fragments de crânes humains, elles étaient périodiquement enduites d'huile de palme, de sang sacrificiel et de poudre de ba (mélange d'huile et de bois de padouk pulvérisé, cet enduit rouge étant, comme les plumes de perroquet de même couleur, le signe du sacré).

Par ailleurs, selon mes recherches menées depuis les années 60 à propos de plusieurs centaines de sculptures fang, il apparaît que toutes les têtes fang dont on connaît la provenance ont été trouvées chez les Fang du sud, les Fang de l'Estuaire du Gabon, ceux des vallées du Como, du Remboué, de l'Okano et de l'Abanga (Fang Make), enfin les Fang Betsi du sud du Woleu-Ntem et de la rive droite de l'Ogooué.

Les deux formes – têtes seules et statuettes – ont donc vraisemblablement co-existé depuis très longtemps, avant même le XIXe siècle, certains groupes ayant pris l'habitude d'utiliser des têtes seules (plus ou moins volumineuses), d'autres des statuettes en pied (cf. carnets de croquis du pasteur Fernand Grébert, 1913-1932, constatant la co-existence des têtes, des bustes et des statuettes).  

Enfin, l'étude des collections auxquelles elles ont appartenues montre combien, dès 1914-1920, les amateurs « d'art nègre » tels que Paul Guillaume, André Lefèvre, Carl Einstein, Jacob Epstein, Joseph Brummer et autres, ont vivement apprécié ces têtes seules « pahouines », à coiffes en coques ou à tresses.

La tête « Paul Guillaume »

La tête « Paul Guillaume » constitue un témoin remarquable du style Fang Betsi. Les canons classiques - volume en « poire inversée », large front bombé et petit visage triangulaire – sont superbement mis en valeur par la sensibilité des modelés et la tension des courbes. En regard du catogan, le sculpteur a rétréci l'épaisseur du cou étiré, accentuant la légèreté et l'élégance de la coiffe. A la fluidité des formes épurées répond la coiffure lisse en coques arrondies, et le graphisme des scarifications linéaires, l'une axiale et l'autre en bandeau transverse, chacune constituée de trois stries parallèles. Les paupières à peine incisées des yeux en « grain de café », confèrent à l'effigie un air méditatif et mystérieux. Elle possède une patine d'une ancienneté exceptionnelle, d'un ton brun-noir à transparence rougeâtre.

Cf. Grebert (2003 : folio 143) pour une tête comparable, très ancien spécimen vu et dessiné par le pasteur Fernand Grébert dès 1918, lors de ses tournées dans les villages fang de la région de l'Ogooué (Samkita et Talagouga-Ndjolé).

La tête « Paul Guillaume » présente deux particularités : d'une part sa coiffure à deux coques arrondies retombant en catogan sur la nuque, d'autre part plusieurs zones particulièrement érodées au niveau du nez, de l'œil gauche, de la bouche des tempes et au sommet de la coiffe.

La coiffe est d'un type peu répandu dans la statuaire fang, constituée de deux coques arrondies et soigneusement polies, dépourvues de stries. Plusieurs gravures anciennes nous montrent des femmes coiffées ainsi dans la région allant de Libreville à l'Ogooué. On peut donc supposer que cette tête d'ancêtre évoque « une » ancêtre, ce qui pouvait parfaitement se produire, certaines très vieilles femmes ayant accédé, au bénéfice de l'âge, au statut de chef de lignage, en dépit du système de parenté patrilinéaire.

Les parties érodées correspondent à des micro-prélèvements de bois en vue de la confection de « médicaments » magiques. C'était là une façon d'entrer en correspondance étroite et intime avec les ancêtres. Au niveau de la bouche, un orifice d'un diamètre de # 3 mm s'enfonce dans la partie inférieure de la mâchoire sur une profondeur de 2,5 cm. On peut faire l'hypothèse qu'on y avait inséré une petite charge magique ?

En 1915, Carl Einstein publiait « Negerplastik », première analyse approfondie de l'esthétique de la sculpture africaine. Parmi les illustrations de ce « manifeste » pour la reconnaissance de l'art africain on trouve sur la planche 18, saisissante de modernité, la célèbre tête Fang (ex. collections J. Brummer, P. Guillaume et A. Kann) dont le nez et la bouche, absents, témoignent de ces mêmes prélèvements rituels. En 1941, Madame Paul Guillaume offrait au Musée de l'homme (MH n° 41-13-10) une autre tête profondément érodée, aussi précieusement conservée jusqu'à sa mort par Paul Guillaume. Ce contraste entre la fluidité des formes épurées et la violence de la déformation procède de la même audace esthétique qui fit de Paul Guillaume - « confit en intérieure sensualité », (Max Jacob) – le découvreur d'artistes comme Soutine et Fautrier, et l'un des plus grands marchands et collectionneurs d'art moderne et d'art africain.

Commentaire de Louis Perrois, septembre 2010.

Magnificent Fang Head, Gabon

This Fang ancestor head is part of the prestigious collection sold at auction on 9 November 1965 in Paris (Ancienne collection Paul Guillaume - Art Nègre, hôtel Drouot). Paul Guillaume (1891-1934) became interested in African Art as early as 1911, before discovering modern art and becoming one of its most renowned dealers. African Art was popular among artists in Paris in the early years of the 20th century and he soon became one of its leading dealers and collectors. Guillaume's impact was widely felt and he was the first Frenchman to present Primitivism in New York, curating the "Picasso and Negro Art" show with Marius de Zayas at the Modern Gallery in 1915. From the 1920s on, he introduced both Soutine and African Art to Philadelphia collector Albert C. Barnes.

Guillaume himself embodied a new type of collector, which came into being during the late 19th century: the "dealer-collector". Over the course of a few years he came to own one of the largest collections of Modern Art in Europe, as well as a number of African Art masterpieces.

Paul Guillaume built his collection "during the glorious years of the discovery of Negro Art". A series of Fang ancestor heads and figures entered the collection of the famous dealer. Most of these Fang objects were collected in situ in the early 20th century and were already well used within the culture by the time they were acquired by Guillaume's agents. Guillaume lent his collection of Fang statuary to exhibitions both in Europe and America, including the most  important of them all: African Negro Art, at the Museum of Modern art in New York in 1935. Paul Guillaume died a few months before the show's opening and did not fulfil his ambition of seeing African Art established in an exhibition in a museum of modern art - twenty years after his "Picasso and Negro Art" exhibition. However he greatly contributed to this exhibition, lending fifty pieces of his collection, including this remarkable head.

Stand-alone añgokh-nlo-byeri heads

Heads resting on long necks are called añgokh-nlo-byeri [literally 'full head of the ancestor'/ as opposed to fragments of skulls kept in reliquaries] and along with full figures (eyema-byeri) they are symbolic representations of the deceased.

As elements within the ancestral cult, which was known as byeri and practised by the Fang of equatorial Africa (Cameroon, Equatorial Guinea and Gabon), these ritual effigies were intended to magically "protect" the human relics, which were kept in large cylindrical nsekh byeri woven bark chests from generation to generation. The reliquary boxes and figures were looked after by the head of each lineage. The skulls were a guarantee of the genealogical identity of each lineage. Whereas full figure statuettes were also used as ritual "marionettes" during young people's initiation ceremonies, stand-alone añgokh-nlo-byeri  heads remained hidden in the lineage head's hut and were never brought out. The ancestor heads received the same treatment as human skulls, being regularly rubbed with palm oil, sacrificial blood and ba powder (a mixture of oil and pulverized padouk wood; this paste, like similarly coloured parrots' feathers, is a sign of sacredness).

According to the research on several hundred Fang sculptures that I have conducted since the 1960s it appears that all the known Fang heads were discovered on the lands of south dwelling Fangs: Fangs from the Gabon Estuary, from the valleys of the Como, the Remboué, the Okano and the Abanga, the Fang Make, and on the lands of the Fang Betsi, south of the Woleu-Ntem and of the right bank of the Ogooué River.

Based on historical research both the heads and figures have probably coexisted for a very long time, even before the 19th century. Certain groups undoubtedly grew to use mainly (more or less voluminous) stand-alone heads whilst others used the full figures (cf. Pastor Fernand Grébert's sketchpad, 1913-1932, noting the coexistence of heads, busts and statuettes).   

A study of early 20th century collections in the period from 1914-1920 onwards show how much  "Negro Art" enthusiasts such as Paul Guillaume, André Lefèvre, Carl Einstein, Jacob Epstein, Joseph Brummer and others valued these "pahouin" stand-alone heads with lobed or braided coiffures.

The "Paul Guillaume" head

The "Paul Guillaume" head is a remarkable testimony to the Fang Betsi style.  The traditional canons- the "inverted pear" volume, large domed forehead and small triangular face- are magnificently brought out by the subtlety of the carvings and the tension of the curves. For the tress the sculptor shortened the width of the elongated neck, thus accentuating the weightlessness and elegance of the coiffure.  The flowing clean lines are mirrored in the rounded lobes of the coiffure and the design of the linear scarification inset: the first one axial and the second set in a transverse band, both made up of three parallel grooves. The merest incisions in the lids of the "coffee bean" eyes give the effigy a pensive and mysterious aspect. Its brown-black patina is exceptionally old and has a red tint.

Cf. Grebert (2003 : folio 143) for a comparable head, a very old specimen seen and drawn by Pastor Fernand Grébert in 1918, in the course of one of his expeditions in the Fang villages of the Ogooué region (Samkita and Talagouga-Ndjolé).

The "Paul Guillaume" head has two distinct features: first its rounded bi-lobed coiffure gathered in a tress at the nape of the neck, second numerous areas of severe abrasion on the nose, the left eye, from the mouth to the temples and at the top of the coiffure.

The coiffure is of a type rarely seen in Fang statuary: two rounded lobes meticulously smoothed and devoid of striations. Several ancient engravings show women wearing similar types of hairstyles in the region between Libreville and the Ogooué. It can reasonably be assumed that this ancestral head was that of a "female" ancestor, considering the number of very old women who became heads of a lineage by prerogative of their age, despite the patrilineal parentage system.

The abrasion areas are caused by micro-samples of wood removed in order to prepare magical "medication".  This process was traditionally a close and intimate way to get in touch with ancestors. At mouth level the lower part of the jaw is pierced through by a 3 mm diameter orifice with a depth of 2.5 cm. Perhaps a small magic charge my have been inserted therein.

In 1915, Carl Einstein published "Negerplastik ", the first in-depth analysis of the aesthetics of African sculpture. Among the illustrations of this "manifesto" for the recognition of African Art, plate 18 shows the startlingly modern famous Fang head (ex. J. Brummer, P. Guillaume and A. Kann collections ) whose nose and mouth are missing. These hollow spaces are evidence of similar ritual sampling to the offered head In 1941 Mrs Paul Guillaume made a donation to the Musée de l'Homme (MH n° 41-13-10) of another head, which also showed signs of deep abrasion and had been preciously kept by Paul Guillaume until his death. The contrast between the flowing clean lines of the head and the violence of their distortion evokes the same aesthetic audacity that allowed Paul Guillaume -"steeped in his inner sensuality"(Max Jacob)- to discover artists such as Soutine and Fautrier, and to become one of the world's greatest dealers and collectors of modern and African art.

Commentary by Louis Perrois, September 2010

Repère bibliographiques.
Dapper musée, 1991, Fang, textes de Ph. Laburthe-Tolra, Ch. Falgayrette-Leveau, extraits traduits de G.Tessmann, Die Pangwe, 1913.
Dapper musée, 2006, « Gabon, présence des esprits », Paris.
Grébert F.,1941, Monographie ethnographique des tribus Fang. Bantous de la forêt du Gabon, Genève (manuscrit resté inédit, 6 exemplaires existants, 36 pl. ill, 719 croquis, Archives du MEN, Neuchâtel, Suisse).
     2003, Le Gabon de Fernand Grébert, 1913-1932, éditions D & Musée d'Ethnographie de Genève, Genève (textes de Cl. Savary & L. Perrois).
Perrois L., 1972, La statuaire fang, Gabon, éd. Orstom, Paris (thèse)   
1979, Arts du Gabon , Arnouville.
1985, Ancestral Art of Gabon , Barbier-Mueller Museum, Geneva.
1992, Byeri fang, Sculptures d'ancêtres en Afrique, éd. RMN, musée de Marseille.
1997, L'esprit de la forêt. Terres du Gabon, ouvrage collectif, éd. Somogy & Musée d'Aquitaine de Bordeaux, Paris.
Tessmann, G., 1913, Die Pangwe, Berlin.
Trilles H., 1912, Quinze années au Congo Français, Chez les Fang, éd. Desclée & De Brouwer, Lille-Bruges-Paris.