Yves Klein

Gérard Bonnier, Stockholm
Galerie Ronny van de Velde, Anvers
Acquis auprès de celle-ci par le propriétaire actuel

Paul Wember, Yves Klein, Cologne, 1969, p.116

Executed on a thin canvas attached to the mount by four pinholes at each corner. The canvas is not laid down. The artist pinholes are visible at all four corners. There is a vertical crease running through the centre of the composition due to the artist technique. There are a few scattered pinhead sized dots of foxing and stains to the lower left corner. Otherwise this work is in good condition.
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pigment and synthetic resin on thin canvas. Executed in 1960.

Les séries Ant Su ou Suaires anthropométriques ont été principalement exécutées en 1960, puis jusqu'à la disparition de l'artiste en 1962. Elles furent une variante des Anthropométries exécutées sur papier; réalisées à l'aide de «filles», barbouillées de peintures et transformées en véritable « pinceaux vivants », ces dernières créaient l'image de leur corps en l'appliquant sur la toile, la soie ou la gaze, selon les supports utilisés.

Yves Klein a affirmé avoir eu l'idée des «anthropométries» à la suite d'un combat de judo auquel il avait assisté, durant lequel le corps chaud et humide d'un combattant aurait laissé une trace en entrant en collision avec le tatami; l'empreinte de la vie étant prise au vif, au sein même de l'action. Symboliquement, cette expérience est déterminante pour Yves Klein, qui lui-même pratique le judo, en vante les mérites physiques, et le lie à la santé du corps. Le corps a besoin d'être en activité pour apposer la trace de la vie sur le tissu.

Les Anthropométries représentent la manifestation physique de la vie elle-même avec le corps humain comme symbole de la chair – essence de la vie.

Cette série spécialement réalisée sur tissu évoque le Saint-Suaire. « Le linge pour essuyer la sueur » est la première définition du suaire. Et l'histoire du judoka rappelle le mythe de l'émissaire archiviste du roi d'Osroène, qui, trop éblouit par l'auréole du Christ pour en représenter le portrait, apposa un linge directement sur sa face afin de récupérer son empreinte pour la rapporter au roi. Ce lien n'est pas repoussé par Yves Klein, bien au contraire il reconnaît être un chrétien croyant avec raison à la « résurrection du corps, résurrection de la chair. »

Le Saint-Suaire est une icône qui n'a pas été réalisée par la main de l'homme (acheiropoïète), comme le sont aussi les œuvres d'Yves Klein, dont il souligne l'aspect : « J'avais rejeté le pinceau bien plus tôt. C'était trop psychologique. Je peignais avec le rouleau le plus anonyme, pour créer une « distance » - au moins une intellectuelle, invariable distance – entre la toile et moi pendant l'exécution. Puis, tel un miracle, le pinceau est revenu, mais sous forme vivante. Sous ma direction, la chair elle-même applique la couleur sur la surface, avec une précision parfaite. Je peux ainsi rester à la distance exacte « x » du tableau, et en dominer avec continuité le processus complet ».

Les Anthropométries Suaires sont une ode contemporaine à la chair, à l'essence vitale du corps, une recherche désespérée de conserver cette santé, d'immortaliser le corps humain comme l'a été celui du Christ.

Fig.1. Yves Klein devant ANT SU 22, 1960, galerie Rive Droite, Paris, exposition Yves Klein le Monochrome, du 11 octobre au 13 novembre 1960. - © Pierre Descargues, ADAGP.