Lot 10
  • 10

Georges Seurat

Estimate
750,000 - 1,000,000 EUR
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Description

  • Georges Seurat
  • AU DIVAN JAPONAIS
  • crayon Conté et gouache sur papier
  • 31,5 x 23,5 cm; 12 3/8 x 9 1/4 in.

Provenance

Baron et Baronne Napoléon Gourgaud, Paris (acquis avant 1924)
Acquis dans les années 1960 par le père du propriétaire actuel

Exhibited

Paris, Pavillon de la Ville de Paris, IVème Salon des Artistes Indépendants, 1888, no. 617 (sous le titre "Au Divan japonais")
Paris, Pavillon de la Ville de Paris, VIIIème Salon des Artistes Indépendants, Rétrospective incorporée au Salon, 1892, no. 1125 (sous le titre "Café-concert")
Paris, Théâtre de la Cigale, L'Art au Music-Hall, au Théâtre et au Cirque - Soirée de Paris, 1924, no. 44 (sous le titre "Le Chahut", prêté par le Baron Gourgaud)
Paris, Galerie Paul Rosenberg, Georges Seurat, 1936, no. 93
Buenos Aires, Museo Nacional de Bellas Artes, La Pintura Francesa de David a nuestros dias, aleos, dibujos y acuarelas, 1939, no. 273 (sous le titre "Le Chahut", prêté par le Baron Gourgaud)
Santiago de Chile, Museo Nacional de Bellas Artes, Exposición de Arte Francés, 1940
Montevideo, Salon nacional de Bellas Artes, La Pintura Francesa de David a nuestros días, 1940
San Francisco, M.H. de Young Memorial Museum, French drawings and watercolors, supplement to The Painting of France since the French Revolution, 1941
New York, Metropolitan Museum of Art, French paintings from David to Toulouse-Lautrec, 1941, no. 175 (sous le titre "The Chahut", prêté par le Baron Gourgaud)

Literature

Gustave Coquiot, Georges Seurat, Paris, 1924, p. 151
Paul Signac, Le Néo-Impressionnisme - Documents - Introduction au catalogue "Seurat et ses amis", Gazette des Beaux-Arts, Périodique 6, XI, Paris, 1934, pp. 50-54, reproduit
Umbro Appollonio, Disegni di Seurat, Venise, 1945, reproduit pl. XXI
John Rewald, Georges Seurat, New York, 1946, reproduit p. 55
Henri Dorra &t John Rewald, Seurat, Paris, 1959, no. 197a, reproduit p. 252
César M. de Hauke, Seurat et son œuvre, vol. II, Paris, 1961, no. 690, reproduit p. 279
Simon Hodgson, "Line the Dots", Art and Artists, Londres, juillet 1966, reproduit p. 57
André Chastel & Fiorella Minervino, Tout l'œuvre peint de Seurat, Paris, 1973, no. D65, reproduit p. 109
Richard Thomson, Seurat, Oxford, 1985, no. 210, reproduit p. 204
Jean-Claude Lebensztejn, Chahut, Paris, 1989, reproduit p. 33
John Rewald, Seurat, Italie, 1990, reproduit p. 185
Françoise Cachin, Robert L. Herbert, Anne Distel, Gary Tinterow, Seurat (catalogue d'exposition), Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 1991, reproduit p. 394 
Paul Smith, Seurat and the avant-garde, Londres, 1997, no. 142, reproduit p. 128
Jodi Hauptman, Georges Seurat, The Drawings (catalogue d'exposition), New York, Museum of Modern Art, 2008, reproduit p. 175

Condition

This work is in a very good state of conservation. It is executed on cream laid paper, not laid down. The left and lower edges are deckled, and the right and upper edges have been cut, undoubtedly by the artist himself (a standard size sheet cut into four). The sheet is slightly time-stained. Thin strips of Japan paper have been placed temporarily along the reverse of each edge to facilitate handling of the work; the sheet is hinged to the mount along the strip on the left edge (these strips were applied by a paper conservator and can be removed without difficulty). The touches of grey pigment in the three lights along the upper edge and the light on the left edge most probably correspond to small touches of lead-white pigment that have oxidised. There is a small spot of foxing located in the centre of the composition, just above the musician's head. This work is in very good original condition. Please note that this work is signed 'Seurat' (upper left).
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

conté crayon and gouache on paper. Executed circa 1887-88.

 

Details used this order:
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Fig. 1  Georges Seurat, photographie anonyme
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Fig. 2  Georges Seurat, Au Concert européen, 1887-88, crayon conté et gouache blanche sur papier, The Museum of Modern Art, New York
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Fig. 3  Georges Seurat, A la Gaîté Rochechouart, 1887-88, crayon conté et gouache sur papier, Museum of Art, Rhode Island School of Design
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Fig. 4  Georges Seurat, Au Divan japonais, 1887-88, crayon conté et gouache sur papier
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Fig. 5  Georges Seurat, Forte Chanteuse, 1887-88, crayon conté sur papier, Collection particulière
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Fig. 6  Georges Seurat, Société des artistes indépendants, 22 mars – 3 mai 1888, catalogue des œuvres exposées
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Fig. 7  Georges Seurat, Au Divan japonais, avec son cadre
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Fig. 8  Georges Seurat, Etude pour Chahut, 1889-90, huile sur panneau, Courtauld Institute, Londes
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Fig. 9  Georges Seurat, Etude pour Chahut, 1889-90, huile sur panneau, The Albright-Knox Art Gallery, Buffalo
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Fig. 10  Georges Seurat, Chahut, 1889-90, huile sur toile, Rijkmuseum Kröller-Müller, Otterlo
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Fig. 11  Edgar Degas, Le Café Concert des Ambassadeurs, 1876, pastel sur monotype, Musée des Beaux-Arts de Lyon
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Fig. 12  Edouard Manet, Coin de Café-Concert, vers 1878-80, huile sur toile, National Gallery, Londres
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Fig. 13  Henri de Toulouse-Lautrec, Le Divan Japonais, 1893, lithographie en couleurs
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Fig. 14  Pablo Picasso, Le Divan Japonais, 1901, huile sur carton, Collection particulière
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Fig. 15  Grille d'Egout et La Goulue, sans date, photographie de Bacard
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Fig. 16  Programme du Divan Japonais, 1896
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Fig. 17  Ernest Laurent, Georges Seurat et Gaston Doumergue aux Concerts Colone, 1883, encre et crayon sur carton, localisation inconnue
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Fig. 18  Henri Matisse, Portrait de la Baronne Gourgaud, 1924, huile sur toile, Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou, don de la Baronne Gourgaud en 1946
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Fig. 19  Au Divan Japonais exposé en 1936 chez Paul Rosenberg, Paris
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M. Seurat est certes le meilleur dessinateur que je connaisse, il donne aux petites chanteuses et aux ballerines des cafés-concerts des allures nobles et simplifiées. De l'ensemble de son exposition résulte l'impression d'un art subtil et sain; les personnages figés avec une incomparable noblesse dans l'allure la moins cherchée, une vision du corps de la femme dans sa luminosité et ses vraies lignes; un hiératisme simple anime les modèles et leur donne de la simplicité et de la majesté de l'art antique.


C'est en ces termes enthousiastes que Gustave Kahn, critique d'art à la Revue Indépendante, décrit Au Divan japonais alors exposé au Salon des Indépendants en avril 18881. L'œuvre graphique de Georges Seurat (1859-1891), fondateur du Néo-Impressionnisme, est reconnue pour sa modernité et son aspect novateur dès sa création. Le rôle des dessins est aussi décisif que celui des peintures dans l'œuvre de Seurat. Bien que sa carrière artistique fut brève – il mourut à 31 ans – il produisit l'une des plus belles œuvres graphiques du XIXe siècle. Au Divan japonais fut réalisé alors que l'artiste avait acquis une réelle maturité, à l'apogée de ses compétences de dessinateur : la signification d'un tel sujet, la maîtrise technique, et la volonté expresse de Seurat de l'exposer, autant d'arguments qui font de ce dessin l'un des plus importants demeurés en mains privées. Ce chef-d'œuvre n'avait plus été présenté au public depuis son exposition en 1941 au Metropolitan Museum of Art de New York.

 

Modernité de Georges Seurat

Seurat accordait une grande attention à ses œuvres sur papier. Lors de sa première exposition publique, au Salon de 1883, il expose une seule œuvre, le superbe dessin Aman-Jean2 (1882-83, The Metropolitan Museum of Art, New York). Depuis cette date, il ne cessera de présenter des dessins aux côtés de ses peintures et s'attachera tout particulièrement à montrer la série des cafés-concerts : en 1887, Eden Concert est exposé aux Indépendants3; deux dessins (non identifiés) sont accrochés dans les bureaux de La Revue Indépendante en janvier 1888; quelques mois plus tard, Au Concert européen, A la Gaîté Rochechouart, Au Divan japonais, et  Forte Chanteuse partie du Salon des Indépendants (22 mars - 3 mai 1888) [Fig. 2-5]; à nouveau A la Gaîté Rochechouart et Au Concert européen sont présentés à l'exposition des XX à Bruxelles en 1889.

L'exposition des Indépendants de 1888 est remarquable puisque Seurat décide d'y envoyer davantage de dessins que de peintures [Fig. 6]. Aux côtés des chefs-d'œuvre Poseuses (1886-88, Barnes Foundation, Merion) et Parade de Cirque (1887-88, The Metropolitan Museum of Art, New York), l'artiste propose huit œuvres sur papier4 – dont quatre scènes de music-hall – habilement réalisées au crayon Conté. Seurat n'a laissé que très peu de documents ou d'archives, cependant cette exposition doit être vue comme un véritable manifeste. En plaçant ses œuvres graphiques sur le même niveau que ses huiles sur toile, l'artiste fait preuve d'une grande audace. De personnalité secrète, Seurat avait en réalité une vision moderne de son art, jusque dans la présentation de ses œuvres, renversant ainsi les conventions du salon traditionnel.

Le cadre du Divan japonais - de facture simple et striée, typique des cadres impressionnistes et post-impressionnistes - est probablement l'original, choisi par Seurat pour l'exposition en 1888 [Fig. 7]. Une étiquette "P. Cluzel" se trouve en effet au dos de l'œuvre, or Pierre Cluzel (1850-1894) était l'encadreur attitré des artistes d'avant-garde à la fin des années 1880, et plus particulièrement de Camille Pissarro ou Vincent Van Gogh, alors proches de Seurat.5

Mettant l'accent sur les musiciens ou les spectateurs, dont les bustes vus de dos semblent surgir sur la page, la danseuse étant relayée au second plan, Au Divan japonais est la composition la plus originale de l'ensemble des cafés-concerts. La scène du théâtre est alors introduite par le manche courbé de la contrebasse qui sert d'élément repoussoir, comme le note l'historien d'art Robert L. Herbert, utilisant "ce moyen pour accentuer la surface bidimensionnelle et en même temps permettre l'illusion de profondeur, en situant le plan de la composition quelque part entre le spectateur et les figures, dans l'espace imaginaire de l'image."6

La géométrie de ses lignes diagonales parallèles est frappante : jambe de la danseuse, et derrière, celle du danseur, manche de la contrebasse entrecoupé par la baguette du chef d'orchestre.
Cette répétition dynamique est brillamment structurée. Seurat était, en effet, influencé par les théories esthétiques de Charles Blanc et Humbert de Superville7 qui avaient montré à travers différents schémas que la direction des lignes, associée aux couleurs, devait susciter différentes émotions. Selon Blanc, les directions linéaires étaient des "signes inconditionnels" d'émotion. Les lignes ascendantes étaient liées au sentiment de gaîté, de vie et par association d'expansion et de volupté.

Seurat utilise les théories de Blanc et de Humbert comme base de son travail mais il se les approprie et les réinterprète; il conserve les lignes directrices mais en estompe les côtés. Dans les dessins au crayon Conté, l'artiste développe une technique qui lui est propre, tout en évocation. Les formes ne sont jamais délimitées, les contours jamais tracés. Les critiques d'art ont rapidement mis en avant les subtiles variations de teintes de l'artiste. Félix Fénéon le remarquait déjà dans son compte-rendu de l'exposition des Indépendants de 1888 : "Huit fusains formulent par des ondulations du blanc au noir, jamais par un tracé descriptif, une Chanteuse du Divan Japonais, la pointe du pied vers le globe du gaz..."8 En 1929, c'est Gustave Kahn qui insiste sur cet aspect de l'œuvre : "L'originalité de Seurat s'y inscrit par les lignes déjà très résumées de ses personnages, et par la gradation des pénombres foncées qui tentent, en s'éloignant des personnages, à se fondre en blanc et noir. Une des caractéristiques des dessins de Seurat c'est qu'ils sont faits moins pour la ligne que pour l'atmosphère."9

Plus nous nous éloignons de l'œuvre et plus la scène se précise, laissant apparaître des détails insoupçonnables. Cela n'est pas sans rappeler les théories mêmes du Néo-Impressionnisme, se basant sur les principes optiques de Michel-Eugène Chevreul et Eugène Rood. Dans son essai sur La Loi du contraste simultané des couleurs, paru en 1839, Chevreul montre qu'une couleur donne à une couleur avoisinante une nuance complémentaire dans le ton. Seurat s'attache à traduire ces recherches optiques dans ses peintures mais également dans ses dessins; il remplace les couleurs par l'infinie variété de gris, l'effet 'granulé' des dessins n'étant pas sans rappeler le poudroiement pointilliste de ses huiles.

 

Un dessin visionnaire : du Divan japonais au Chahut

Les dessins occupent une place majeure dans le travail de Seurat par leur qualité mais également leur quantité. César M. de Hauke, dans son catalogue raisonné, en dénombre 500 parmi lesquels 270 sont considérés comme des œuvres matures non destinées à être des études pour des peintures. Au Divan japonais fait partie de ces dessins dits "indépendants". Cependant, il est tout à fait remarquable puisqu'il pose les bases d'un des plus célèbres chefs-d'œuvre de Seurat, Chahut [Fig. 10], réalisé et pensé par l'artiste près de deux ans plus tard. Si la composition est similaire, le dessin est beaucoup plus qu'une simple recherche plastique contrairement aux deux études peintes [Fig. 8 et 9] qui l'aident à mettre en place la composition finale.10 "Le Divan japonais, très estompé dès le départ, disparaît alors même que la composition du tableau se précise",11 passant d'une image floutée incroyablement moderne, à une forme de réalisme en pointillé.

"C'est dans le dessin du Chahut que l'on trouve le caractère innovateur de cette toile. Le maniement angulaire, presque saccadé, de la ligne est ici plus souligné que dans les peintures précédentes. Depuis le dessin du Divan japonais, Seurat avait développé une plus grande netteté linéaire dans ses croquis à l'huile qu'il transféra à la toile finale, avec des lignes bleues servant de support aux jambes et aux vêtements et du vert pour souligner le contour des zones de chair."12
Comme le constate ici Richard Thomson, les études peintes s'éloignent progressivement du dessin, elles sont des transitions pour la construction picturale de la scène.

L'évolution de la composition de Chahut, depuis les études peintes jusqu'à la version définitive, est longuement détaillée par Jean-Claude Lebensztejn :

Dans le croqueton du Courtauld, plus petit que le dessin, le profil du danseur apparaît, et une deuxième danseuse. Entre une lampe et un chapeau, on discerne le bout d'une quatrième jambe levée, le chef d'orchestre pointe toujours sa baguette vers l'entrejambe de la danseuse, et entre nous et lui, la vague diagonale au coin du dessin devient vaguement une flûte que tient une main. La lampe à gauche a changé de forme – concave et non plus convexe – , le contrebassiste paraît massif et assis. [...] Voici les détails que la composition d'Otterlo s'adjoint en propre : la canne du spectateur, les deux archets à la gauche du chef, et plus loin, les vagues têtes de spectateurs coupées par l'estrade. Les plis des vêtements sont beaucoup plus marqués, et la partition du contrebassiste se voit aussi sur sa gauche; on distingue trois feuilles à droite et deux à gauche. Ces traits visent à multiplier les lignes de gaîté...13

La multiplication des danseurs et, par là même, du nombre de lignes diagonales créées par leurs jambes apporte une sensation de mouvement propre au chahut. Si le dessin semble le plus statique de la série sur Chahut, il n'en est pas le moins moderne; il possède en effet un caractère intemporel propre au temps de pose des techniques photographiques - en plein essor à cette période - mais il s'inscrit également, par son abstraction graphique, dans l'histoire des avant-gardes artistiques.

 

Cafés-concerts

En choisissant de représenter le thème du café-concert, Georges Seurat, fils de bourgeois relativement aisé, prend le parti de s'éloigner des sujets traditionnels et académiques. Avec la naissance de l'industrialisation, la Troisième République voit l'émergence de nouvelles classes sociales, classes moyennes dites petites bourgeoisies, qui ont une forte demande en termes de divertissement populaire. Le quartier de Montmartre, incorporé à l'administration parisienne seulement en 1860, avait une réputation sulfureuse et ses loyers modérés étaient propices au développement de tels lieux de plaisir. Richard Thomson dans son ouvrage Vincent Van Gogh and the Painters of the Petit Boulevard, le rappelle :

Les années 1880 voient l'émergence d'une nouvelle vague de la culture de divertissement à Paris, située autour des boulevards périphériques, dits alors petits boulevards. Cette nouvelle mode était le cabaret artistique, sorte de café ou bar qui, en plus d'offrir boissons et nourriture, encourageait chanson, poésie et autre performance. L'idée était de créer une atmosphère à la fois culturelle, paillarde et subversive qui rassemblerait de nouvelles générations d'artistes et d'étudiants.14

Ces lieux reflétaient, en effet, une conception de la vie moderne ou convergeaient différents points de vue avec un but commun : l'amusement.

Dès 1889, André Chadourne explique ce phénomène dans l'introduction de son livre consacré aux cafés-concerts : De tous les plaisirs d'un peuple, comme le prouve l'histoire depuis les temps les plus reculés, le plus important est le spectacle. A cela concourent les charmes de la réunion, du bruit, de la lumière, de la musique, des décors, et d'autres non moins puissants. Mais le principal attrait peut-être consiste en ce qu'on abandonne la vie ordinaire; qu'on oublie son foyer, ses affaires, ses préoccupations; qu'on reporte ses yeux, ses pensées et son cœur sur des êtres imaginaires et qu'on prend fait et cause pour tels ou tels personnages, en vivant de leur émotion durant quelques heures.15

Caricaturé par Daumier et Raffaëlli, dépeint par Degas [Fig. 11] et Manet [Fig. 12] dès la fin des années 1870, puis largement illustré par Toulouse-Lautrec [Fig. 13], l'intérieur du café-concert devient un thème favori des artistes du XIXe siècle. Ces lieux se diffusèrent à Paris sous le Second Empire, rassemblant un public hétéroclite de bourgeois, prolétaires mais aussi d'artistes qui raffolaient de ces lieux de plaisir. Peu raffinés, ils offraient chansons, vaudevilles mais aussi "dames de compagnie" occupant la scène en continu et exécutant des chahuts.

Cette danse peu recommandable trouvait sa version la plus provocante dans la quadrille naturaliste, décrite par Erastène Ramiro en 1892 : "Pas de méthode, peu d'ordre, mais un sentiment sûr du rythme et une incontestable franchise de gaîté. Ses bras se lèvent, insoucieux des indiscrétions de la bretelle tenant lieu de manche; les jambes fléchissent, bringuebalent, battent l'air, menacent les chapeaux, entraînent sous le jupon les regards; ces regards voleurs poursuivent là l'entrebâillement espéré, mais toujours fuyant du pantalon brodé. Et autour d'elle, cette crispation incessante des yeux affole les mâles. Elle le sait, elle le sent, elle le voit, et imperturbablement, d'un même égal et indifférent sourire, elle sourit."16


Le Divan Japonais, situé au 75 rue des Martyrs dans le quartier de Montmartre [Fig. 16], était considéré comme un café-concert de deuxième catégorie contrairement aux Ambassadeurs ou L'Alcazar d'Eté, installés aux Champs-Elysées. Café musette créé sous le Second Empire, l'établissement fut racheté par Théophile Lefort en 1883, qui le développa, le renomma et le redécora à la mode japonisante : 

Montez quelques marches et vous vous trouverez au Divan Japonais, ainsi nommé, sans doute, parce que tout y est chinois. Dans cette fumisterie de haut goût qu'on a essayé de rendre plus piquante en confiant le service à des dames japonaises – encore plus chinoises que le reste – vous retrouverez le matériel du café parisien devenu par un subit changement de décor, du japonisme d'occasion. Le billard se peint en bleu et rouge et on y colle des baguettes de bambou. Aux becs de gaz on ajoute des petites clochettes, aux murs on applique des grands panneaux sur soie, comme il s'en trouve en certains magasins. Le comptoir reçoit également une teinte dans ce bleu et ce rouge qui sont particuliers aux peuples de l'Extrême-Orient. D'anciennes chaises Louis-Philippe, en acajou, sont badigeonnées avec une couche de vernis noir, le plafond se plaque en or avec des ornements de fantaisie, et tout est dit.17

De 1887 à sa mort soudaine et prématurée en 1891 d'une angine infectieuse, Georges Seurat s'intéresse au thème du café-concert et plus largement à l'imagerie populaire des spectacles vivants. Il réalise alors trois importantes peintures – Parade de Cirque, Chahut, et Cirque – plusieurs études graphiques, mais également huit dessins indépendants sur ce même motif.18 Gustave Kahn témoigne que l'artiste fréquentait les cafés-concerts pour puiser son inspiration : Seurat, sur le soir, plutôt à la tombée du jour, parcourait lent, correctement vêtu, coiffé du chapeau haut de forme, la ligne des boulevards extérieurs, de la Place Clichy au boulevard Magenta, pour aller dîner dans sa famille, ponctuellement. Après quoi il allait souvent au music-hall, prendre des croquis.19 [Fig. 17]
 


Technique novatrice

La particularité des dessins de Seurat réside dans l'adéquation du crayon Conté, constitué de noir de fumée, d'argile et de graphite, et du papier Michallet, papier de type "Ingres", relativement épais et strié. L'artiste est le premier à maîtriser aussi parfaitement la combinaison de ces deux éléments pour créer une gamme d'effets allant du noir intense à la lumière la plus vibrante.
Meyer Shapiro a expliqué que la lumière intense, la 'radiance' qui émanait des dessins de Seurat était inhérente au fait que le crayon Conté ne marquait que sur le grain supérieur du papier laissant ainsi blanche la couche 'enfoncée' du papier, l'éclat semblant surgir sous la couche de graphite. Contrairement aux peintures de l'artiste ou les points colorés lumineux adhérent à la surface de la toile, la lumière irradie ici du dessin.20

La surface du papier, qui était fabriqué manuellement, laissait apparaître les rainures du moule dans lequel la pâte était déposée. En séchant, la pâte humide épousait la forme du cadre créant des irrégularités sur les bords de la feuille. La qualité du papier était primordiale pour atteindre le résultat escompté, comme l'écrit le peintre Charles Angrand dans une lettre adressée à Paul Signac : "Je regarde d'abord l'échantillon que vous m'envoyez. Appartient-il à une feuille de Ingres : j'en douterais. Probablement le format en était plus petit; la minceur du papier et le serré des vergeures semblent l'indiquer. Il me paraît plutôt convenir à l'impression qu'au dessin. Assurément par le crayon on obtiendrait difficilement avec lui un somptueux résultat. Il ne comporte pas les raies profondes qui permettraient tout à la fois les beaux noirs, les larges réserves de blanc, et les demi-teintes. Je craindrais que sous le travail tout ne se grise."21

Le crayon Conté, crée à la fin du XVIIIe siècle, était utilisé dans les écoles d'art mais c'est Seurat qui lui donne une noblesse particulière. Plusieurs catégories de crayons étaient proposées, du plus sec au plus gras mais tous avaient la même composition de base, quasiment inchangée depuis le dépôt du brevet en 1795. Les récents travaux scientifiques22 sur Seurat ont montré que l'artiste utilisait des fixatifs entre plusieurs couches de crayon pour créer des effets de noir profond; cela est probablement le cas pour le dos du musicien. Karl Buchberg, restaurateur spécialiste des œuvres sur papier, a démontré que la composition du crayon Conté ne contenait pas de cire – même dans les crayons les plus gras – l'effet "brillant" de certains dessins étant en effet dû à l'emploi volontaire de fixatif. L'artiste se servait en effet d'un tel produit pour retravailler certaines parties, donner une densité et accentuer les contrastes.

En jouant avec les nervures du papier et l'intensité du crayon, l'artiste obtient une large palette de gris. Gustave Kahn en donne une très belle description dans la préface de l'ouvrage Les Dessins de Georges Seurat : "Le crayon qui s'écrase pour les masses, éperle, sur les contours, des gris, des blancs neigeux, des archipels de minuscules tonalités graduées du blanc au noirâtre sur une coulée, un liseré que le détail des valeurs mue en frontière légèrement teintée."23

Au crayon Conté, l'artiste ajoute ici, quelques rehauts de gouache blanche, visible en haut du dessin et sur la gauche. L'artiste a utilisé la gouache ou le crayon coloré essentiellement dans les œuvres représentant les cafés-concerts comme un moyen plastique pour marquer des points de lumière émanant des becs de gaz. Les touches grises sur ces rehauts n'étaient peut-être pas intentionnelles. Comme le remarque Gary Tinterow sur le dessin Eden Concert, l'artiste aurait en effet rehaussé la gouache blanche d'un pigment d'un blanc plus éclatant encore tel que le blanc de plomb qui aurait pu s'oxyder et devenir gris au fil du  temps.24 L'utilisation d'un tel medium permet de créer un effet velouté sur le papier qui traduit parfaitement l'atmosphère confinée et enfumée du lieu. Par des tracés tout en légèreté, à la limite de l'abstraction, Seurat déconstruit l'imagerie de la culture populaire pour la sublimer.


Reconnaissance de Seurat

Au Divan japonais faisait partie de la notable collection du Baron et de la Baronne Napoléon Gourgaud. Le Baron était l'arrière petit-fils de Gaspard Gourgaud, compagnon de Napoléon Bonaparte sur Sainte-Hélène. En 1917, il se maria avec l'héritière d'un riche banquier américain, Eva Gebhard (1886-1959) [Fig. 18] et ensemble, ils rassemblèrent une importante collection d'art, principalement des peintures et dessins du XIXe et XXe siècle, mais également du mobilier français du XVIIIe siècle. Ils ne possédaient pas moins de cinq dessins de Seurat, dont Au Divan japonais, mais également plusieurs chefs d'œuvre des XIXe et XXe siècles, tels que Deux danseuses au repos (vers 1898) de Degas, L'Italienne (1887) de Van Gogh, La Lecture (1924) de Léger, Intérieur, bocal de poissons (1914) de Matisse ou encore l'Arlequin (1923) de Picasso.

L'acquisition par les Gourgaud du Divan japonais au début des années 1920 illustre l'intérêt croissant que Seurat commençait à exercer à la fois sur les grands collectionneurs français et sur les membres de l'avant-garde. De cette époque, date précisément l'attention que Jacques Doucet porte au travail de l'artiste. Doucet chargeait le poète et fin connaisseur André Breton de constituer pour lui une collection représentative du développement de l'art moderne, de la génération d'artistes suivant les Impressionnistes jusqu'aux Dadaistes et, par la suite, les Surréalistes. Le 6 novembre 1923, Breton écrit à Doucet : "...je ne déplore vraiment dans votre collection, pour ce qui est de la fin du XIXe siècle, que l'absence d'une œuvre très représentative de Seurat, telle, par exemple, que La Baignade. Je sais l'extrême difficulté que présente la recherche d'une toile de Seurat achetable; il faut sans doute attendre une vente publique."25

Doucet avait une telle envie d'acquérir une œuvre de Seurat qu'il demanda la même année à Marcel Duchamp de l'aider dans sa quête. Celui-ci lui répond le mois suivant : "De Seurat je ne sais rien : sa Poudreuse je crois appartient à une collection américaine. Le Chahut qui est, je trouve, son meilleur, je n'ai aucune idée où il est. [...] Mais d'un autre côté je ne pense pas que parmi les dix ou 12 grandes choses importantes qu'il ait faites, aucune soit dans un musée."26 Six ans plus tard, en 1929, au Museum of Modern Art, New York, nouvellement inauguré, la première exposition, Cézanne, Gauguin, Seurat, van Gogh, est consacrée aux maîtres qui ont préfiguré le modernisme.


Tout au long de sa vie, Duchamp conserva en effet la plus haute estime pour Seurat, et admira surtout l'aspect optique de son œuvre, sa fascination pour les données scientifiques et sa vision des couleurs – "le plus grand esprit scientifique du XIXe siècle, en ce sens-la plus grand Cézanne, c'est Seurat", déclara-t-il en 1915.27 Vers la fin de sa vie, dans un numéro spécial de la revue Art and Artists qui lui est consacrée – et dans lequel Au Divan japonais est reproduit – il déclare :

Le seul homme du passé que j'ai toujours respecté est Seurat. Il faisait de grandes peintures comme un charpentier, un artisan. Il ne laissait pas interférer sa main avec son esprit.28

Cet hommage rendu par le plus grand artiste-philosophe du XXe siècle témoigne – si besoin était – de l'impact déterminant de Seurat sur la pensée artistique innovante.


Vérane Tasseau

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Toute œuvre de Georges Seurat mentionnée est identifiée par un (H) suivi de son numéro dans l'ouvrage de César M. de Hauke, Seurat et son œuvre, Paris, 1961.


1 Gustave Kahn, "Peinture : Exposition des Indépendants", La Revue Indépendante, avril 1888,
pp. 160-164.
2 H 588. Dans le catalogue du Salon, l'œuvre est répertoriée sous le no. 3189 Broderie. Selon Roger Marx et plus tard Jules Christophe, l'œuvre montrée était en fait le portrait du peintre Aman-Jean.
3 H 688. Société des artistes Indépendants, 3e exposition, Paris, Pavillon de la ville de Paris (Champs-Élysées), 26 mars – 3 mai 1887.
4 Répertoriées dans le catalogue des Indépendants sous le numéros suivants : 615 - Au Concert Européen, The Museum of Modern Art, New York, H 689; 616 - A la Gaîté Rochechouart, Museum of Art, Rhode Island School of Design, Providence, H 685; 617 - Au Divan japonais, H 690; 618 - Forte chanteuse, Collection particulière, H 684; 619 - Dîneur, Collection particulière, H 600; 620 - Lecture, Collection particulière, H 585; 621 - Balayeur, Museus Raymundo Ottoni de Castro Maya, Rio de Janeiro, H 560; 622 - Jeune Fille, Fogg Art Museum, Harvard University Art Museums, Cambridge, H 601.
5 Frédéric Destremau, "Pierre Cluzel (1850-1894), encadreur de Redon, Pissarro, Degas, Lautrec, Gauguin", Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 1995, pp. 239-47. Nous remercions Frédéric Destremau d'avoir identifié ce cadre comme étant l'œuvre de Cluzel.
6 Robert L. Herbert, Seurat's Drawings, Londres, 1965, p. 138.
7 Charles Blanc, Grammaire des arts du dessin, 1867 et D.P.G. Humbert de Superville, Essai sur les signes inconditionnels dans l'art, Leiden, c. 1827-39. Voir Appendix G et H in Robert L. Herbert et Françoise Cachin, Seurat (catalogue d'exposition), The Metropolitan Museum of Art, New York, 1991, pp. 384-87.
8 Félix Fénéon, "Le Néo-Impressionnisme à la IVe Exposition des artistes indépendants", L'Art moderne de Bruxelles, 15 avril 1888.
9 Gustave Kahn, Les Dessins de Georges Seurat 1959-1891, Bernheim-Jeune, Paris, 1929, n.p.
10 Chahut, 1889-90, huile sur toile, 171,5 x 140,5 cm, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Etude pour 'Chahut', 1889-90, huile sur bois, 21.5 x 16.5 cm, Courtauld Institute Gallery, Londres, H 197; Etude pour 'Chahut', 1889-90, huile sur toile, 55.5 x 46.5 cm, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, H 198.
11 Jean-Claude Lebensztejn, Chahut, Paris, 1989, p. 32.
12 Richard Thomson, Seurat, Oxford, 1990 (version anglaise 1985), p. 204.
13 Lebensztejn, op. cit, pp. 35-36.
14 Richard Thomson, Vincent Van Gogh and the Painters of the Petit Boulevard (catalogue d'exposition), Saint Louis Art Museum, Saint Louis, 2001, p. 92.
15 André Chadourne, Les Cafés-concerts, Paris, 1889.
16 Erastène Ramiro, Cours de danse fin-de-siècle, Paris, 1892, pp. 5-6, in Paul Smith, Seurat and the Avant-Garde, New Haven & London, 1997, pp. 126 et 192.
17 John Grand-Carteret, Raphaël et Grambrinus ou l'Art dans la brasserie, Paris, 1886.
18 Parade de Cirque, 1887-88, huile sur toile, The Metropolitan Museum of Art, New York, H 187; Chahut, 1889-90, huile sur toile, 1889-90, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Cirque, 1890-91, huile sur toile, Musée d'Orsay, Paris, H 213; Scène de théâtre, 1887-88, Musée d'Orsay, Paris, H 683; Forte Chanteuse, 1887-88, Collection particulière, H 684; A la Gaîté Rochechouart, 1887-88, Museum of Art, Rhode Island School of Design, Providence, H 685; A la Gaîté Rochechouart, 1887-88, Fogg Art Museum, Harvard University Art Museums, Cambridge, H 686; Au Concert parisien, 1887-88, The Cleveland Museum of Art, H 687; Eden Concert, 1886-87, Van Gogh Museum, Amsterdam, H 688; Au Concert européen, 1886-88, The Museum of Modern Art, New York, H 689; Au Divan japonais, 1887-88, H 690.
19 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
20 Meyer Shapiro, "Seurat", Modern Art : Nineteenth and Twentieth Centuries. Selected Papers, New York, 1979, p. 101.
21 Charles Angrand, Correspondances 1883-1926, Rouen, 1988, pp. 97-98.
22 Voir Karl Buchberg, "Seurat : Materials and Techniques", in Seurat : The Drawings (catalogue d'exposition), The Museum of Modern Art, New York, 2007, pp. 31-40.
23 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
24 Robert L. Herbert et Françoise Cachin, 1991, op. cit., pp. 297-98.
25 Lettre du 6 novembre 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-6, 7210.40.
26 Lettre du 22 décembre 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-1, 7204.34.
27 Arts and Decoration, New York, 1915, pp. 427-28, cité in Jean Clair, L'Œuvre de Marcel Duchamp (catalogue d'exposition), Musée National d'Art Moderne, Paris, 1977, p. 166.
28 Arts and Artists, Londres, juillet 1966, p. 54 (traduit de l'anglais).

 

 

 

Monsieur Seurat is surely the best draughtsman I know. He gives the little singers and ballerinas of the cafés-concerts a noble bearing and simple allure. Overall, his exhibition gives the impression of a subtle and balanced art: human beings are given a matchless nobility in their unmannered poses, a vision of the female body in its luminosity and its true contours; an easy hieratic quality that enlivens the models and imbues them with the simplicity and majesty of classical art.


It is in these glowing terms that Gustave Kahn, the art critic for the Revue Indépendante, described Au Divan japonais when it was exhibited at the Salon des Indépendants in April 1888.1 The graphic work of Georges Seurat (1859-1891), the founder of Neo-Impressionism, won instant renown for its modernity and innovative aspect. Drawings play as decisive a role as paintings in Seurat's œuvre and, although his artistic career was brief – he died aged 31 – he produced some of the most beautiful graphic works of the 19th Century. Au Divan japonais was executed when the artist had acquired a real maturity, when he was at the peak of his skill as a draughtsman: the significance of the subject, the mastery of technique, and Seurat's express decision to exhibit the work make this drawing one of the most important to remain in a private hands. This masterpiece has not been seen in public since a 1941 exhibition at the Metropolitan Museum of Art in New York.


The modernity of Georges Seurat

The artist devoted great attention to his works on paper. At his first public exhibition, at the 1883 Salon, he showed just one work, the superb drawing Aman-Jean2 (1882-83, The Metropolitan Museum of Art, New York). From this time on, he frequently presented drawings alongside paintings and was particularly fond of showing the café-concert series: in 1887, Eden Concert was exhibited at the Salon des Indépendants3; two unidentified drawings were hung at the offices of La Revue Indépendante in January 1888; a few months later, Au Concert européen, A la Gaîté Rochechouart, Au Divan japonais, and Forte Chanteuse were shown at the Salon des Indépendants (22nd March – 3rd May) [Fig. 2-5]; A la Gaîté Rochechouart and Au Concert européen were again presented at the exhibition of Les XX in Brussels in 1889.

The exhibition at the Salon des Indépendants in 1888 was remarkable because Seurat decided to show more drawings than paintings [Fig. 6]. Alongside the masterpieces Poseuses (1886-88, Barnes Foundation, Merion) and Parade de Cirque (1887-88, The Metropolitan Museum of Art, New York), the artist presented eight works on paper4 – including four music-hall scenes – skilfully drawn in Conté crayon. Though Seurat left very little in the way of documents or archives, this exhibition could be seen as a veritable manifesto. By placing his graphic works on an equal billing as his oil paintings, the artist showed great audacity. Secretive by nature, in reality Seurat had a modern vision of his art that extended to the manner in which he presented his works, overturning the conventions of the traditional salon.

The simple, ridged frame of Au Divan japonais, typical of Impressionist and Post-Impressionist frames, is most likely the original, chosen by Seurat for the 1888 exhibition [Fig. 7]. A label on the back of the work marked "P. Cluzel", refers to Pierre Cluzel (1850-1894), who frequently supplied frames to the artists of the avant-garde at the end of the 1880s, in particular Camille Pissarro and Vincent van Gogh, who were close to Seurat.5

Au Divan japonais is the most original composition in the café-concert series, placing the emphasis on the musicians and the spectators, whose torsos seen from behind seem to spring from the page, relegating the dancer to the background. The stage is introduced by the curved neck of the double bass which serves as a foil, drawing the viewer's gaze to the foreground. As the art historian Robert L. Herbert has noted, Seurat uses "the device to emphasize the flat surface and yet at the same time to enhance the illusion of depth, since it establishes the plane of the composition as somewhere between the observer and the figures within the imaginary space of the picture."6

The geometry of the parallel diagonal lines is striking: the female dancer's leg and, behind her, that of the male dancer, and the neck of the double bass are intercut by the conductor's baton. This dynamic repetition is brilliantly structured. Seurat was greatly influenced by the aesthetic theories of Charles Blanc and Humbert de Superville7 who had shown through various studies how the direction of lines, associated with colours, could illicit different emotions. According to Blanc, linear directions are "unconditional signs" of emotion. Ascending lines are linked to feelings of joy and life, and, by association, expansion and voluptuousness.

Seurat uses Blanc and Humbert's theories as a foundation for his work, but appropriates and reinterprets them; keeping the guidelines but changing the details. In the conté crayon drawings, the artist develops a technique that is unique in its evocativeness. The shapes are never defined, the contours never drawn. Art critics were quick to highlight the artist's subtle tonal variations. Félix Fénéon already remarked upon them in his account of the 1888 Salon des Indépendants. "Eight charcoal drawings are composed of waves of white to black, with never a descriptive line, a female singer at the Divan Japonais, the tip of her foot pointing to the gaslight..."8 In 1929, it was Gustave Kahn who underlined this aspect of the work: "Seurat's originality manifests itself through the simplified silhouettes of the figures and by the varying intensity of dark shadows which appear, as they move further away from the figures, to melt into white and black. One of the characteristics of Seurat's drawings is that they are composed less for the sake of line than for atmosphere."9

The further the viewer moves back from the work, the clearer the scene becomes, allowing previously indiscernible details to emerge. This of course recalls the theories of Neo-Impressionism, based on the optic principles of Michel-Eugène Chevreul and Eugène Rood. In his essay on the Law of Simultaneous Contrast, published in 1839, Chevreul showed that one colour gives an adjacent colour a complementary nuance in tone. Seurat strove to integrate these theories not only into his paintings but also into his drawings, where he replaces colours with an infinite variety of shades of grey, and the grainy effect of the drawings recalls the powdery haze of his pointilliste oils.


A visionary drawing: from Au Divan japonais to Chahut

Drawings play a major role in Seurat's work not just in their quality but also in their sheer quantity. César M. de Hauke, in his catalogue raisonné, counts 500 drawings of which 270 are considered as mature works that were not intended to be studies for paintings. Au Divan japonais is one of these so-called independent drawings. However it is all the more extraordinary since it lays the foundations for one of Seurat's most celebrated masterpieces, Chahut [Fig. 10], conceived and executed by the artist almost two years later. Though the composition is similar, the drawing is much more than a mere visual experiment in contrast with the two painted studies [Fig. 8 & 9] which helped him to create the final composition.10 "Au Divan japonais, well hidden from the outset, disappears as the composition of the painting takes shape",11 transformed from a blurred, incredibly modern image, to a pointillist realism.

"The innovative individuality of Le Chahut is to be found in its drawing. The angular, rather clipped handling of line was more emphatic than in previous paintings. Since the Divan Japonais drawing Seurat had developed in the oil sketches an increased linear crispness which he transferred to the final canvas, with blue lines providing scaffolding for legs and clothes, green outlining areas of flesh."12 As Richard Thomson points out here, the oil studies progressively move away from the drawing, acting as transitions for the pictorial construction of the scene.

The evolution of the composition is described in some detail by Jean-Claude Lebensztejn:

In the Courtauld croqueton, which is smaller than the drawing, the silhouette of the male dancer appears, along with that of a second female dancer. Between a lamp and a top hat, we discern the end of a fourth raised leg, while the conductor still points his baton towards the female dancer's thighs, and between us and him, the vague diagonal at the corner of the drawing becomes a flute held in a hand. The lamp to the left has changed in form – now concave rather than convex – the double bassist is depicted as massive and seated. [...] The following are the details introduced by the Otterlo composition: the spectator's cane, the two bows to the left of the conductor, and further away, the indistinct heads of the audience cut by the platform. The folds of the drapery are much more pronounced, and the double bassist's score is also visible to the left; we can make out three pages on the right and two on the left. These features serve to multiply the lines of joy...13

The multiplication of dancers, and at the same time, the number of diagonal lines created by their legs provokes a sensation of movement associated with the cancan. Though the drawing seems to be the most static of the Chahut series, it is not the least modern; in fact it possesses a timeless quality associated with photographic techniques – which were flourishing during this period – and with its graphic abstraction it also situates itself in the history of the artistic avant-garde.


The café-concert

In choosing to depict the theme of the café-concert, Georges Seurat, born into a comfortable bourgeois family, makes a radical departure from traditional and academic subject matter. With the birth of industrialisation, the Third Republic saw the emergence of a new social class, the middle class known as the petites bourgeoisies, who had a strong desire for popular culture. The district of Montmartre, only officially incorporated into the city of Paris in 1860, had a mischievous reputation and its cheap rents were amenable to the development of these pleasure grounds. In Vincent Van Gogh and the Painters of the Petit Boulevard, Richard Thomson states:

The 1880s saw the emergence of a new wave of entertainment culture in Paris, sited around the petit boulevard and, to an extent, defining it. The new form was the cabaret artistique, a café or bar that, as well as providing food and drink, encouraged songs, poetry and other performances. The idea was to provide an atmosphere, simultaneously cultural, bawdy, and subversive, that would appeal to the young generation of artists and students.14

These places reflected a conception of modern life that brought together different points of view in the pursuit of a common goal of entertainment.

In 1889, André Chadourne explained this phenomenon in the introduction to his book devoted to café-concerts: Of all of the general public's pleasures, as history has shown us since the beginning of time, the spectacle is the most important. This is due in part to the allure of the assembled masses, the noise, the light, the music, the décor and other equally powerful factors. But the main attraction is perhaps the way in which ordinary life is abandoned; we forget our home, work, and problems; our eyes, thoughts and hearts are all focused on imaginary beings and we identify with certain characters, living through their emotions for a few hours.15

Caricatured by Daumier and Raffaëlli, depicted by Degas [Fig. 11] and Manet [Fig. 12] from the end of the 1870s, then greatly illustrated by Toulouse-Lautrec [Fig. 13], the interior of the café-concert became a favourite theme for the artists of the 19th Century. These venues flourished in Paris under the Second Empire, uniting a diverse audience of the bourgeoisie, the working classes and also artists who adored these pleasure grounds. In no way refined, they offered songs and vaudeville performances and female company in the form of the dancers who performed dances on the stage known as chahuts.

The most risqué form of this disreputable dance was the quadrille naturaliste, described by Erastène Ramiro in 1892: "No technique, little order, only a sure sense of rhythm and an unquestionable openness and gaiety. She raises her arms, careless of the indiscretions of the strap taking the place of her sleeve. Her legs bend, shake out, beat the air, threaten people's hats and draw their eyes beneath her skirt. There, these furtive looks pursue the desired, but elusive, half-opening of her embroidered knickers. And around her, this incessant straining of eyes drives the men wild. She knows it, she feels it, and unperturbed, with the same steady and indifferent smile, she smiles."16

Le Divan Japonais, situated at 75 rue des Martyrs in the district of Montmartre [Fig. 16], was considered to be a second-rate café-concert in relation to the Ambassadeurs or L'Alcazar d'Eté, on the Champs-Elysées. A music hall founded under the Second Empire, the establishment was acquired in 1883 by Théophile Lefort who developed, renamed and redecorated it in a Japanese style:

Climb up a few steps and you find yourself in the Divan Japonais, so named, no doubt, because everything within it is Chinese. In this high class scam which they have tried to spice up by hiring Japanese women – who seem even more Chinese than the rest – you will discover all the trappings of a Parisian café transformed by a subtle change of décor into a second-hand version of Japan. The billiard table is painted blue and red and adorned with bamboo sticks. On the gaslights they have hung small bells, on the walls they have stuck large silk panels, as found in certain Japanese boutiques. The bar has also been decorated in this blue and red that are particular to people of the Far East. The old mahogany Louis-Philippe chairs are painted with a coat of black varnish, the ceiling is gold-plated with whimsical decorations and that is it.17

From 1887 until his sudden and untimely death from infectious angina in 1891, Georges Seurat was interested in the theme of the café-concert and more generally in the popular imagery of live performance. He created three important paintings on this theme, Parade de Cirque, Chahut, and Cirque, as well as several studies on paper and also eight independent drawings.18 Gustave Kahn attests that the artist frequently visited café-concerts to find inspiration: During the evening, at the end of the day, Seurat, correctly dressed and wearing a top hat, would wander slowly along the outer boulevards, from the Place de Clichy to the Boulevard Magenta, to occasionally dine with his family. Afterwards, he would often go to the music-hall, and make sketches.19 [Fig. 17]

 

Innovative technique

The uniqueness of Seurat's drawings lies in his use of conté crayon – composed of carbon black, clay and graphite – and of Michallet paper, a type of Ingres paper, which is relatively thick and textured. He was the first to master so perfectly the combination of these two elements to create an array of effects ranging from intense black to the most vibrant light. As Meyer Shapiro has argued, the radiance which seems to emanate from Seurat's drawings lies in the fact that the conté crayon only marked the upper "ridge" of the laid lines of the paper, leaving the white "groove" untouched, so the white paper seems to glow beneath the layer of black crayon. Contrary to the artist's paintings where the luminous coloured dots adhere to the surface of the canvas, here the light emanates from the drawing itself.20

The grooves of the mould in which the hand-made paper was made remained visible on the surface. When it dried, the pulp took the form of the frame creating irregularities at the edges of the sheet. The quality of the paper was essential in order to obtain the desired effect, as the painter Charles Angrand wrote in a letter to Paul Signac: "I am looking at the sample you sent me. Does it come from a sheet of Ingres paper – I would not be surprised. The format is probably smaller, the thickness of the paper and the close laid lines seem to indicate this. It seems to me more suited for printing than drawing. Certainly with a crayon it would be difficult to achieve a sumptuous result. It does not have the deep lines that allow at the same time the beautiful blacks, the large reserves of white and the mid-tones. I fear that everything would become grey."21

Conté crayon, invented at the end of the 18th Century, was widely used in art schools, but it was not until Seurat that it acquired a particular dignity. Many different varieties of crayon were available, ranging from very dry to very greasy, but all had the same basic composition, virtually unchanged since the brand was patented in 1795. The recent academic studies22 on Seurat have shown that the artist used fixatives between several layers of crayon in order to create effects of intense black, in all probability the technique used for the back of the musician in the present work. Karl Buchberg, a restorer who specialises in works on paper, has demonstrated that conté crayon did not contain any wax, and that even in the greasiest crayons, the "shiny" effect of certain drawings was in fact due to the deliberate use of fixative. Indeed, the artist used this product to rework certain areas, adding density and accentuating contrasts.

By playing with the fibres of the paper and the intensity of the crayon, Seurat obtained a very diverse palette of greys. Gustave Kahn gives a fine description in the preface to the book Les Dessins de Georges Seurat: "While the crayon is condensed and opaque for the solid masses, on the contours, its intensity disperses into greys and snowy whites, tiny patches of variegated shades, smudges blurring from white to black, the edges delicately tinged by this intricate technique."23

In the present work, the artist adds several touches of white gouache to the conté crayon, visible to the top and the left of the composition. Gouache or coloured crayon was principally employed in the café-concert works as a visual means of representing the beams of light emanating from the gas lamps. The grey touches on the highlights were perhaps not intentional. As Gary Tinterow has suggested of the drawing Eden Concert, Seurat had in fact heightened the white gouache with an even whiter pigment, such as lead white, which over time has oxidised and turned grey.24 Seurat's mastery of his technique produces a velvety effect on the paper that perfectly conveys the warm, smoky atmosphere of the venue. Using incredibly light touches, bordering on abstraction, Seurat deconstructs the imagery of popular culture, distilling it to its very essence.


Seurat's artistic recognition

Au Divan japonais formed part of the noted collection of the Baron and Baroness Napoléon Gourgaud. The Baron was the great-grandson of Gaspard Gourgaud, companion of Napoleon Bonaparte on Saint Helena. In 1917, he married a wealthy American banking heiress, Eva Gebhard (1886-1959) [Fig. 18], and together they formed an important art collection, principally 19th and 20th-century paintings and works on paper, as well as 18th-century French furniture. They owned no fewer than five drawings by Seurat, including Au Divan japonais, in addition to several 19th and 20th-century masterpieces bequeathed to the French state after her death, such as Deux danseuses au repos (circa 1898) by Degas, L'Italienne (1887) by Van Gogh, La Lecture (1924) by Léger, Intérieur, bocal de poissons (1914) by Matisse and L'Arlequin (1923) by Picasso.

The Gourgauds acquisition of Au Divan japonais in the early 1920s is illustrative of the high regard in which Seurat was beginning to be held by both French collectors and members of the avant-garde. Couturier Jacques Doucet's interest in his work dates precisely to this period. Doucet had employed the poet and connoisseur André Breton to assist him in the creation of an art collection truly representative of the development of modern art, from the generation after the Impressionists, to the Dadaists, and later the Surrealists. Breton wrote to Doucet on 6th November 1923: "...what I particularly lament in your collection, with regards to the end of the 19th Century, is the absence of a truly representative work by Seurat, such as "La Baignade". I am aware of the extreme difficulty which is presented by the search for an affordable painting; perhaps waiting for one to come up in auction is the only answer."25

Doucet was so keen to acquire a work by Seurat that he sought the help of Marcel Duchamp, who wrote to him a month later: "As for Seurat, I am not sure. His Poudreuse belongs to an American collection, I believe. The Chahut, which is, in my view, his best, I do not know where it is. [...] But on the other hand, I do not think that out of the ten or twelve important things he did, a single one is in a museum."26 Six years later, in 1929, the inaugural exhibition of the recently-opened Museum of Modern Art, New York, was entitled Cézanne, Gauguin, Seurat, van Gogh, devoted to the masters who pre-figured modernism.

Duchamp maintained his esteem for Seurat throughout his life, and admired above all the optic aspect of his work, his fascination for scientific data and his vision of colour – "the greatest scientific mind of the 19th Century, in that sense, greater than Cézanne, was Seurat", he declared in 1915.27 Towards the end of his life, in a special issue of Art and Artists magazine devoted to him – and in which Au Divan japonais is reproduced – Duchamp declared:

The only man in the past I really respected was Seurat, who made his big paintings like a carpenter, like an artisan. He didn't let his hand interfere with his mind.28

This tribute by the most important artist-philosopher of the 20th Century bears witness – as if it was necessary – to Seurat's defining influence on innovative artistic thought.


Vérane Tasseau

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All works by Georges Seurat mentioned in the text are identified by an (H) followed by their number in César M. de Hauke's Seurat et son œuvre (Paris, 1961).


1 Gustave Kahn, "Peinture: Exposition des Indépendants", La Revue Indépendante, avril 1888,
pp. 160-164.
2 H 588. In the catalogue  of the Salon, this work is recorded  under the no. 3189 Broderie. According to Roger Marx and later Jules Christophe, it was in fact the portrait of the painter Aman-Jean that was shown.
3 H 688. Société des artistes Indépendants, 3e exposition, Paris, Pavillon de la ville de Paris (Champs-Élysées), 26th March – 3rd May 1887.
4 Listed in the catalogue of the Salon des Indépendants under  following numbers: 615 - Au Concert Européen, The Museum of Modern Art, New York, H 689; 616 - A la Gaîté Rochechouart, Museum of Art, Rhode Island School of Design, Providence, H 685; 617 - Au Divan japonais, H 690; 618 - Forte chanteuse, Private Collection, H 684; 619 - Dîneur, Private Collection, H 600; 620 - Lecture, Private Collection, H 585; 621 - Balayeur, Museus Raymundo Ottoni de Castro Maya, Rio de Janeiro, H 560; 622 - Jeune Fille, Fogg Art Museum, Harvard University Art Museums, Cambridge, H 601.
5 Frédéric Destremau, "Pierre Cluzel (1850-1894), encadreur de Redon, Pissarro, Degas, Lautrec, Gauguin", Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 1995, pp. 239-47. We are grateful to Frédéric Destremau who has identified this frame as the work of Cluzel.
6 Robert L. Herbert, Seurat's Drawings, London, 1965, p. 138.
7 Charles Blanc, Grammaire des arts du dessin, 1867 and D.P.G. Humbert de Superville, Essai sur les signes inconditionnels dans l'art, Leiden, c. 1827-39. See Appendix G and H in Robert L. Herbert & Françoise Cachin, Seurat (exhibition catalogue), The Metropolitan Museum of Art, New York, 1991, pp. 384-87.
8 Félix Fénéon, "Le Néo-Impressionnisme à la IVe Exposition des artistes indépendants", L'Art moderne de Bruxelles, 15th April 1888.
9 Gustave Kahn, Les Dessins de Georges Seurat 1959-1891, Bernheim-Jeune, Paris, 1929, n.p.
10 Chahut, 1889-90, oil on canvas, 171,5 x 140,5 cm, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Etude pour 'Chahut', 1889-90, oil on panel, 21.5 x 16.5 cm, Courtauld Institute Gallery, Londres, H 197; Etude pour 'Chahut', 1889-90, oil on canvas, 55.5 x 46.5 cm, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, H 198.
11 Jean-Claude Lebensztejn, Chahut, Paris, 1989, p. 32.
12 Richard Thomson, Seurat, Oxford, 1985, p. 204.
13 Lebensztejn, op. cit, pp. 35-36.
14 Richard Thomson, Vincent Van Gogh and the Painters of the Petit Boulevard (exhibition catalogue), Saint Louis Art Museum, Saint Louis, 2001, p. 92.
15 André Chadourne, Les Cafés-concerts, Paris, 1889.
16 Erastène Ramiro, Cours de danse fin-de-siècle, Paris, 1892, pp. 5-6, in Paul Smith, Seurat and the Avant-Garde, New Haven & London, 1997, pp. 126 and 192.
17 John Grand-Carteret, Raphaël et Grambrinus ou l'Art dans la brasserie, Paris, 1886; translated by Jeanine Herman.
18 Parade de Cirque, 1887-88, oil on canvas, The Metropolitan Museum of Art, New York, H 187; Chahut, 1889-90, oil on canvas, 1889-90, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Cirque, 1890-91, oil on canvas, Musée d'Orsay, Paris, H 213; Scène de théâtre, 1887-88, Musée d'Orsay, Paris, H 683; Forte Chanteuse, 1887-88, Private Collection, H 684; A la Gaîté Rochechouart, 1887-88, Museum of Art, Rhode Island School of Design, Providence, H 685; A la Gaîté Rochechouart, 1887-88, Fogg Art Museum, Harvard University Art Museums, Cambridge, H 686; Au Concert parisien, 1887-88, The Cleveland Museum of Art, H 687; Eden Concert, 1886-87, Van Gogh Museum, Amsterdam, H 688; Au Concert européen, 1886-88, The Museum of Modern Art, New York, H 689; Au Divan japonais, 1887-88, H 690.
19 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
20 Meyer Shapiro, "Seurat", Modern Art : Nineteenth and Twentieth Centuries. Selected Papers, New York, 1979, p. 101.
21 Charles Angrand, Correspondances 1883-1926, Rouen, 1988, pp. 97-98.
22 See Karl Buchberg, "Seurat: Materials and Techniques", in Seurat: The Drawings (exhibition catalogue), The Museum of Modern Art, New York, 2007, pp. 31-40.
23 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
24 Robert L. Herbert & Françoise Cachin, 1991, op. cit., pp. 297-98.
25 Letter of 6th November 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-6, 7210.40.
26 Letter of 22nd December 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-1, 7204.34.
27 Arts and Decoration, New York, 1915, pp. 427-28, quoted in Jean Clair, L'Œuvre de Marcel Duchamp (exhibition catalogue), Musée National d'Art Moderne, Paris, 1977, p. 166 (translated from French).
28 Arts and Artists, London, July 1966, p. 54.

 

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M. Seurat est certes le meilleur dessinateur que je connaisse, il donne aux petites chanteuses et aux ballerines des cafés-concerts des allures nobles et simplifiées. De l'ensemble de son exposition résulte l'impression d'un art subtil et sain; les personnages figés avec une incomparable noblesse dans l'allure la moins cherchée, une vision du corps de la femme dans sa luminosité et ses vraies lignes; un hiératisme simple anime les modèles et leur donne de la simplicité et de la majesté de l'art antique.


C'est en ces termes enthousiastes que Gustave Kahn, critique d'art à la Revue Indépendante, décrit Au Divan japonais alors exposé au Salon des Indépendants en avril 18881. L'œuvre graphique de Georges Seurat (1859-1891), fondateur du Néo-Impressionnisme, est reconnue pour sa modernité et son aspect novateur dès sa création. Le rôle des dessins est aussi décisif que celui des peintures dans l'œuvre de Seurat. Bien que sa carrière artistique fut brève – il mourut à 31 ans – il produisit l'une des plus belles œuvres graphiques du XIXe siècle. Au Divan japonais fut réalisé alors que l'artiste avait acquis une réelle maturité, à l'apogée de ses compétences de dessinateur : la signification d'un tel sujet, la maîtrise technique, et la volonté expresse de Seurat de l'exposer, autant d'arguments qui font de ce dessin l'un des plus importants demeurés en mains privées. Ce chef-d'œuvre n'avait plus été présenté au public depuis son exposition en 1941 au Metropolitan Museum of Art de New York.

 

Modernité de Georges Seurat

Seurat accordait une grande attention à ses œuvres sur papier. Lors de sa première exposition publique, au Salon de 1883, il expose une seule œuvre, le superbe dessin Aman-Jean (1882-83, The Metropolitan Museum of Art, New York). Depuis cette date, il ne cessera de présenter des dessins aux côtés de ses peintures et s'attachera tout particulièrement à montrer la série des cafés-concerts : en 1887, Eden Concert est exposé aux Indépendants; deux dessins (non identifiés) sont accrochés dans les bureaux de La Revue Indépendante en janvier 1888; quelques mois plus tard, Au Concert européen, A la Gaîté Rochechouart, Au Divan japonais, et  Forte Chanteuse partie du Salon des Indépendants (22 mars - 3 mai 1888) [Fig. 1-3]; à nouveau A la Gaîté Rochechouart et Au Concert européen sont présentés à l'exposition des XX à Bruxelles en 1889.

L'exposition des Indépendants de 1888 est remarquable puisque Seurat décide d'y envoyer davantage de dessins que de peintures. Aux côtés des chefs-d'œuvre Poseuses (1886-88, Barnes Foundation, Merion) et Parade de Cirque (1887-88, The Metropolitan Museum of Art, New York), l'artiste propose huit œuvres sur papier2– dont quatre scènes de music-hall – habilement réalisées au crayon Conté. Seurat n'a laissé que très peu de documents ou d'archives, cependant cette exposition doit être vue comme un véritable manifeste. En plaçant ses œuvres graphiques sur le même niveau que ses huiles sur toile, l'artiste fait preuve d'une grande audace. De personnalité secrète, Seurat avait en réalité une vision moderne de son art, jusque dans la présentation de ses œuvres, renversant ainsi les conventions du salon traditionnel.

Le cadre du Divan japonais - de facture simple et striée, typique des cadres impressionnistes et post-impressionnistes - est probablement l'original, choisi par Seurat pour l'exposition en 1888. Une étiquette "P. Cluzel" se trouve en effet au dos de l'œuvre, or Pierre Cluzel (1850-1894) était l'encadreur attitré des artistes d'avant-garde à la fin des années 1880, et plus particulièrement de Camille Pissarro ou Vincent Van Gogh, alors proches de Seurat.3

Mettant l'accent sur les musiciens ou les spectateurs, dont les bustes vus de dos semblent surgir sur la page, la danseuse étant relayée au second plan, Au Divan japonais est la composition la plus originale de l'ensemble des cafés-concerts. La scène du théâtre est alors introduite par le manche courbé de la contrebasse qui sert d'élément repoussoir, comme le note l'historien d'art Robert L. Herbert, utilisant "ce moyen pour accentuer la surface bidimensionnelle et en même temps permettre l'illusion de profondeur, en situant le plan de la composition quelque part entre le spectateur et les figures, dans l'espace imaginaire de l'image."4

La géométrie de ses lignes diagonales parallèles est frappante : jambe de la danseuse, et derrière, celle du danseur, manche de la contrebasse entrecoupé par la baguette du chef d'orchestre. La géométrie de ses lignes diagonales parallèles est frappante : jambe de la danseuse, et derrière, celle du danseur, manche de la contrebasse entrecoupé par la baguette du chef d'orchestre.
Dans les dessins au crayon Conté, l'artiste développe une technique qui lui est propre, tout en évocation. Les formes ne sont jamais délimitées, les contours jamais tracés. Les critiques d'art ont rapidement mis en avant les subtiles variations de teintes de l'artiste. Félix Fénéon le remarquait déjà dans son compte-rendu de l'exposition des Indépendants de 1888 :  "Huit fusains formulent par des ondulations du blanc au noir, jamais par un tracé descriptif, une Chanteuse du Divan Japonais, la pointe du pied vers le globe du gaz..."5 En 1929, c'est Gustave Kahn qui insiste sur cet aspect de l'œuvre : "L'originalité de Seurat s'y inscrit par les lignes déjà très résumées de ses personnages, et par la gradation des pénombres foncées qui tentent, en s'éloignant des personnages, à se fondre en blanc et noir. Une des caractéristiques des dessins de Seurat c'est qu'ils sont faits moins pour la ligne que pour l'atmosphère."6

Seurat remplace les couleurs par l'infinie variété de gris, l'effet 'granulé' des dessins n'étant pas sans rappeler le poudroiement pointilliste de ses huiles.

 

Un dessin visionnaire : du Divan japonais au Chahut

Les dessins occupent une place majeure dans le travail de Seurat par leur qualité mais également leur quantité. César M. de Hauke, dans son catalogue raisonné, en dénombre 500 parmi lesquels 270 sont considérés comme des œuvres matures non destinées à être des études pour des peintures. Au Divan japonais fait partie de ces dessins dits "indépendants". Cependant, il est tout à fait remarquable puisqu'il pose les bases d'un des plus célèbres chefs-d'œuvre de Seurat, Chahut [Fig. 4], réalisé et pensé par l'artiste près de deux ans plus tard. Si la composition est similaire, le dessin est beaucoup plus qu'une simple recherche plastique contrairement aux deux études peintes qui l'aident à mettre en place la composition finale.7 "Le Divan japonais, très estompé dès le départ, disparaît alors même que la composition du tableau se précise",8 passant d'une image floutée incroyablement moderne, à une forme de réalisme en pointillé.

Richard Thomson constate: "C'est dans le dessin du Chahut que l'on trouve le caractère innovateur de cette toile. Le maniement angulaire, presque saccadé, de la ligne est ici plus souligné que dans les peintures précédentes."9

Si le dessin semble le plus statique de la série sur Chahut, il n'en est pas le moins moderne; il possède en effet un caractère intemporel propre au temps de pose des techniques photographiques - en plein essor à cette période - mais il s'inscrit également, par son abstraction graphique, dans l'histoire des avant-gardes artistiques.

 

Cafés-concerts

Caricaturé par Daumier et Raffaëlli, dépeint par Degas [Fig. 5] et Manet dès la fin des années 1870, puis largement illustré par Toulouse-Lautrec, l'intérieur du café-concert devient un thème favori des artistes du XIXe siècle. Ces lieux se diffusèrent à Paris sous le Second Empire, rassemblant un public hétéroclite de bourgeois, prolétaires mais aussi d'artistes qui raffolaient de ces lieux de plaisir. Peu raffinés, ils offraient chansons, vaudevilles mais aussi "dames de compagnie" occupant la scène en continu et exécutant des chahuts.

De 1887 à sa mort soudaine et prématurée en 1891 d'une angine infectieuse, Georges Seurat s'intéresse au thème du café-concert et plus largement à l'imagerie populaire des spectacles vivants. Il réalise alors trois importantes peintures – Parade de Cirque, Chahut, et Cirque – plusieurs études graphiques, mais également huit dessins indépendants sur ce même motif.10 Gustave Kahn témoigne que l'artiste fréquentait les cafés-concerts pour puiser son inspiration : Seurat, sur le soir, plutôt à la tombée du jour, parcourait lent, correctement vêtu, coiffé du chapeau haut de forme, la ligne des boulevards extérieurs, de la Place Clichy au boulevard Magenta, pour aller dîner dans sa famille, ponctuellement. Après quoi il allait souvent au music-hall, prendre des croquis.11 [Fig. 6]
 


Technique novatrice

La particularité des dessins de Seurat réside dans l'adéquation du crayon Conté, constitué de noir de fumée, d'argile et de graphite, et du papier Michallet, papier de type "Ingres", relativement épais et strié. L'artiste est le premier à maîtriser aussi parfaitement la combinaison de ces deux éléments pour créer une gamme d'effets allant du noir intense à la lumière la plus vibrante.

Meyer Shapiro a expliqué que la lumière intense, la 'radiance' qui émanait des dessins de Seurat était inhérente au fait que le crayon Conté ne marquait que sur le grain supérieur du papier laissant ainsi blanche la couche 'enfoncée' du papier, l'éclat semblant surgir sous la couche de graphite. Contrairement aux peintures de l'artiste ou les points colorés lumineux adhérent à la surface de la toile, la lumière irradie ici du dessin.12

Le crayon Conté, crée à la fin du XVIIIe siècle, était utilisé dans les écoles d'art mais c'est Seurat qui lui donne une noblesse particulière. En jouant avec les nervures du papier et l'intensité du crayon, l'artiste obtient une large palette de gris. Gustave Kahn en donne une très belle description dans la préface de l'ouvrage Les Dessins de Georges Seurat : "Le crayon qui s'écrase pour les masses, éperle, sur les contours, des gris, des blancs neigeux, des archipels de minuscules tonalités graduées du blanc au noirâtre sur une coulée, un liseré que le détail des valeurs mue en frontière légèrement teintée."13

Au crayon Conté, l'artiste ajoute ici, quelques rehauts de gouache blanche, visible en haut du dessin et sur la gauche. L'artiste a utilisé la gouache ou le crayon coloré essentiellement dans les œuvres représentant les cafés-concerts comme un moyen plastique pour marquer des points de lumière émanant des becs de gaz. L'utilisation d'un tel medium permet de créer un effet velouté sur le papier qui traduit parfaitement l'atmosphère confinée et enfumée du lieu. Par des tracés tout en légèreté, à la limite de l'abstraction, Seurat déconstruit l'imagerie de la culture populaire pour la sublimer.

 

Reconnaissance de Seurat

Au Divan japonais faisait partie de la notable collection du Baron et de la Baronne Napoléon Gourgaud. Le Baron était l'arrière petit-fils de Gaspard Gourgaud, compagnon de Napoléon Bonaparte sur Sainte-Hélène. En 1917, il se maria avec l'héritière d'un riche banquier américain, Eva Gebhard (1886-1959) et ensemble, ils rassemblèrent une importante collection d'art, principalement des peintures et dessins du XIXe et XXe siècle, mais également du mobilier français du XVIIIe siècle. Ils ne possédaient pas moins de cinq dessins de Seurat, dont Au Divan japonais, mais également plusieurs chefs d'œuvre des XIXe et XXe siècles, tels que Deux danseuses au repos (vers 1898) de Degas, L'Italienne (1887) de Van Gogh, La Lecture (1924) de Léger, Intérieur, bocal de poissons (1914) de Matisse ou encore l'Arlequin (1923) de Picasso.

L'acquisition par les Gourgaud du Divan japonais au début des années 1920 illustre l'intérêt croissant que Seurat commençait à exercer à la fois sur les grands collectionneurs français et sur les membres de l'avant-garde. De cette époque, date précisément l'attention que Jacques Doucet porte au travail de l'artiste. Doucet chargeait le poète et fin connaisseur André Breton de constituer pour lui une collection représentative du développement de l'art moderne, de la génération d'artistes suivant les Impressionnistes jusqu'aux Dadaistes et, par la suite, les Surréalistes. Le 6 novembre 1923, Breton écrit à Doucet : "...je ne déplore vraiment dans votre collection, pour ce qui est de la fin du XIXe siècle, que l'absence d'une œuvre très représentative de Seurat, telle, par exemple, que La Baignade. Je sais l'extrême difficulté que présente la recherche d'une toile de Seurat achetable; il faut sans doute attendre une vente publique."14

Doucet avait une telle envie d'acquérir une œuvre de Seurat qu'il demanda la même année à Marcel Duchamp de l'aider dans sa quête. Celui-ci lui répond le mois suivant : "De Seurat je ne sais rien : sa Poudreuse je crois appartient à une collection américaine. Le Chahut qui est, je trouve, son meilleur, je n'ai aucune idée où il est. [...] Mais d'un autre côté je ne pense pas que parmi les dix ou 12 grandes choses importantes qu'il ait faites, aucune soit dans un musée."15 Six ans plus tard, en 1929, au Museum of Modern Art, New York, nouvellement inauguré, la première exposition, Cézanne, Gauguin, Seurat, van Gogh, est consacrée aux maîtres qui ont préfiguré le modernisme.


Tout au long de sa vie, Duchamp conserva en effet la plus haute estime pour Seurat, et admira surtout l'aspect optique de son œuvre, sa fascination pour les données scientifiques et sa vision des couleurs – "le plus grand esprit scientifique du XIXe siècle, en ce sens-la plus grand Cézanne, c'est Seurat", déclara-t-il en 1915.16 Vers la fin de sa vie, dans un numéro spécial de la revue Art and Artists qui lui est consacrée – et dans lequel Au Divan japonais est reproduit – il déclare :

Le seul homme du passé que j'ai toujours respecté est Seurat. Il faisait de grandes peintures comme un charpentier, un artisan. Il ne laissait pas interférer sa main avec son esprit.17

Cet hommage rendu par le plus grand artiste-philosophe du XXe siècle témoigne – si besoin était – de l'impact déterminant de Seurat sur la pensée artistique innovante.


Vérane Tasseau

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Toute œuvre de Georges Seurat mentionnée est identifiée par un (H) suivi de son numéro dans l'ouvrage de César M. de Hauke, Seurat et son œuvre, Paris, 1961.


1 Gustave Kahn, "Peinture : Exposition des Indépendants", La Revue Indépendante, avril 1888,
pp. 160-164.
2 Répertoriées dans le catalogue des Indépendants sous le numéros suivants : 615 - Au Concert Européen, The Museum of Modern Art, New York, H 689; 616 - A la Gaîté Rochechouart, Museum of Art, Rhode Island School of Design, Providence, H 685; 617 - Au Divan japonais, H 690; 618 - Forte chanteuse, Collection particulière, H 684; 619 - Dîneur, Collection particulière, H 600; 620 - Lecture, Collection particulière, H 585; 621 - Balayeur, Museus Raymundo Ottoni de Castro Maya, Rio de Janeiro, H 560; 622 - Jeune Fille, Fogg Art Museum, Harvard University Art Museums, Cambridge, H 601.
3 Frédéric Destremau, "Pierre Cluzel (1850-1894), encadreur de Redon, Pissarro, Degas, Lautrec, Gauguin", Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 1995, pp. 239-47. Nous remercions Frédéric Destremau d'avoir identifié ce cadre comme étant l'œuvre de Cluzel.
4 Robert L. Herbert, Seurat's Drawings, Londres, 1965, p. 138.
5 Félix Fénéon, "Le Néo-Impressionnisme à la IVe Exposition des artistes indépendants", L'Art moderne de Bruxelles, 15 avril 1888.
6 Gustave Kahn, Les Dessins de Georges Seurat 1959-1891, Bernheim-Jeune, Paris, 1929, n.p.
7 Chahut, 1889-90, huile sur toile, 171,5 x 140,5 cm, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Etude pour 'Chahut', 1889-90, huile sur bois, 21.5 x 16.5 cm, Courtauld Institute Gallery, Londres, H 197; Etude pour 'Chahut', 1889-90, huile sur toile, 55.5 x 46.5 cm, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, H 198.
8 Jean-Claude Lebensztejn, Chahut, Paris, 1989, p. 32.
9 Richard Thomson, Seurat, Oxford, 1990 (version anglaise 1985), p. 204.
10 Parade de Cirque, 1887-88, huile sur toile, The Metropolitan Museum of Art, New York, H 187; Chahut, 1889-90, huile sur toile, 1889-90, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Cirque, 1890-91, huile sur toile, Musée d'Orsay, Paris, H 213.
11 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
12 Meyer Shapiro, "Seurat", Modern Art : Nineteenth and Twentieth Centuries. Selected Papers, New York, 1979, p. 101.
13 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
14 Lettre du 6 novembre 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-6, 7210.40.
15 Lettre du 22 décembre 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-1, 7204.34.
16 Arts and Decoration, New York, 1915, pp. 427-28, cité in Jean Clair, L'Œuvre de Marcel Duchamp (catalogue d'exposition), Musée National d'Art Moderne, Paris, 1977, p. 166.
17 Arts and Artists, Londres, juillet 1966, p. 54 (traduit de l'anglais).

 

 

 

Monsieur Seurat is surely the best draughtsman I know. He gives the little singers and ballerinas of the cafés-concerts a noble bearing and simple allure. Overall, his exhibition gives the impression of a subtle and balanced art: human beings are given a matchless nobility in their unmannered poses, a vision of the female body in its luminosity and its true contours; an easy hieratic quality that enlivens the models and imbues them with the simplicity and majesty of classical art.


It is in these glowing terms that Gustave Kahn, the art critic for the Revue Indépendante, described Au Divan japonais when it was exhibited at the Salon des Indépendants in April 1888.1 The graphic work of Georges Seurat (1859-1891), the founder of Neo-Impressionism, won instant renown for its modernity and innovative aspect. Drawings play as decisive a role as paintings in Seurat's œuvre and, although his artistic career was brief – he died aged 31 – he produced some of the most beautiful graphic works of the 19th Century. Au Divan japonais was executed when the artist had acquired a real maturity, when he was at the peak of his skill as a draughtsman: the significance of the subject, the mastery of technique, and Seurat's express decision to exhibit the work make this drawing one of the most important to remain in a private hands. This masterpiece has not been seen in public since a 1941 exhibition at the Metropolitan Museum of Art in New York.

 

The modernity of Georges Seurat

The artist devoted great attention to his works on paper. At his first public exhibition, at the 1883 Salon, he showed just one work, the superb drawing Aman-Jean (1882-83, The Metropolitan Museum of Art, New York). From this time on, he frequently presented drawings alongside paintings and was particularly fond of showing the café-concert series: in 1887, Eden Concert was exhibited at the Salon des Indépendants; two unidentified drawings were hung at the offices of La Revue Indépendante in January 1888; a few months later, Au Concert européen, A la Gaîté Rochechouart, Au Divan japonais, and Forte Chanteuse were shown at the Salon des Indépendants (22nd March – 3rd May) [Fig. 1-3]; A la Gaîté Rochechouart and Au Concert européen were again presented at the exhibition of Les XX in Brussels in 1889.

The exhibition at the Salon des Indépendants in 1888 was remarkable because Seurat decided to show more drawings than paintings. Alongside the masterpieces Poseuses (1886-88, Barnes Foundation, Merion) and Parade de Cirque (1887-88, The Metropolitan Museum of Art, New York), the artist presented eight works on paper2 – including four music-hall scenes – skilfully drawn in Conté crayon. Though Seurat left very little in the way of documents or archives, this exhibition could be seen as a veritable manifesto. By placing his graphic works on an equal billing as his oil paintings, the artist showed great audacity. Secretive by nature, in reality Seurat had a modern vision of his art that extended to the manner in which he presented his works, overturning the conventions of the traditional salon.

The simple, ridged frame of Au Divan japonais, typical of Impressionist and Post-Impressionist frames, is most likely the original, chosen by Seurat for the 1888 exhibition. A label on the back of the work marked "P. Cluzel", refers to Pierre Cluzel (1850-1894), who frequently supplied frames to the artists of the avant-garde at the end of the 1880s, in particular Camille Pissarro and Vincent van Gogh, who were close to Seurat.3

Au Divan japonais is the most original composition in the café-concert series, placing the emphasis on the musicians and the spectators, whose torsos seen from behind seem to spring from the page, relegating the dancer to the background. The stage is introduced by the curved neck of the double bass which serves as a foil, drawing the viewer's gaze to the foreground. As the art historian Robert L. Herbert has noted, Seurat uses "the device to emphasize the flat surface and yet at the same time to enhance the illusion of depth, since it establishes the plane of the composition as somewhere between the observer and the figures within the imaginary space of the picture."4

The geometry of the parallel diagonal lines is striking: the female dancer's leg and, behind her, that of the male dancer, and the neck of the double bass are intercut by the conductor's baton. In the conté crayon drawings, the artist develops a technique that is unique in its evocativeness. The shapes are never defined, the contours never drawn. Art critics were quick to highlight the artist's subtle tonal variations. Félix Fénéon already remarked upon them in his account of the 1888 Salon des Indépendants. "Eight charcoal drawings are composed of waves of white to black, with never a descriptive line, a female singer at the Divan Japonais, the tip of her foot pointing to the gaslight..."5 In 1929, it was Gustave Kahn who underlined this aspect of the work: "Seurat's originality manifests itself through the simplified silhouettes of the figures and by the varying intensity of dark shadows which appear, as they move further away from the figures, to melt into white and black. One of the characteristics of Seurat's drawings is that they are composed less for the sake of line than for atmosphere."6

Seurat replaces colours with an infinite variety of shades of grey, and the grainy effect of the drawings recalls the powdery haze of his pointilliste oils.

 

A visionary drawing: from Au Divan japonais to Chahut

Drawings play a major role in Seurat's work not just in their quality but also in their sheer quantity. César M. de Hauke, in his catalogue raisonné, counts 500 drawings of which 270 are considered as mature works that were not intended to be studies for paintings. Au Divan japonais is one of these so-called independent drawings. However it is all the more extraordinary since it lays the foundations for one of Seurat's most celebrated masterpieces, Chahut [Fig. 4], conceived and executed by the artist almost two years later. Though the composition is similar, the drawing is much more than a mere visual experiment in contrast with the two painted studies which helped him to create the final composition.7 "Au Divan japonais, well hidden from the outset, disappears as the composition of the painting takes shape",8 transformed from a blurred, incredibly modern image, to a pointillist realism.

Richard Thomson states: "The innovative individuality of Le Chahut is to be found in its drawing.  The angular, rather clipped handling of line was more emphatic than in previous paintings."9

Though the drawing seems to be the most static of the Chahut series, it is not the least modern; in fact it possesses a timeless quality associated with photographic techniques – which were flourishing during this period – and with its graphic abstraction it also situates itself in the history of the artistic avant-garde.


The café-concert

Caricatured by Daumier and Raffaëlli, depicted by Degas [Fig. 5] and Manet [Fig. 12] from the end of the 1870s, then greatly illustrated by Toulouse-Lautrec [Fig. 13], the interior of the café-concert became a favourite theme for the artists of the 19th Century. These venues flourished in Paris under the Second Empire, uniting a diverse audience of the bourgeoisie, the working classes and also artists who adored these pleasure grounds. In no way refined, they offered songs and vaudeville performances and female company in the form of the dancers who performed dances on the stage known as chahuts.

From 1887 until his sudden and untimely death from infectious angina in 1891, Georges Seurat was interested in the theme of the café-concert and more generally in the popular imagery of live performance. He created three important paintings on this theme, Parade de Cirque, Chahut, and Cirque, as well as several studies on paper and also eight independent drawings.10 Gustave Kahn attests that the artist frequently visited café-concerts to find inspiration: During the evening, at the end of the day, Seurat, correctly dressed and wearing a top hat, would wander slowly along the outer boulevards, from the Place de Clichy to the Boulevard Magenta, to occasionally dine with his family. Afterwards, he would often go to the music-hall, and make sketches.11 [Fig. 6]

 

Innovative technique

The uniqueness of Seurat's drawings lies in his use of conté crayon – composed of carbon black, clay and graphite – and of Michallet paper, a type of Ingres paper, which is relatively thick and textured. He was the first to master so perfectly the combination of these two elements to create an array of effects ranging from intense black to the most vibrant light. As Meyer Shapiro has argued, the radiance which seems to emanate from Seurat's drawings lies in the fact that the conté crayon only marked the upper "ridge" of the laid lines of the paper, leaving the white "groove" untouched, so the white paper seems to glow beneath the layer of black crayon. Contrary to the artist's paintings where the luminous coloured dots adhere to the surface of the canvas, here the light emanates from the drawing itself.12

Conté crayon, invented at the end of the 18th Century, was widely used in art schools, but it was not until Seurat that it acquired a particular dignity. By playing with the fibres of the paper and the intensity of the crayon, Seurat obtained a very diverse palette of greys. Gustave Kahn gives a fine description in the preface to the book Les Dessins de Georges Seurat: "While the crayon is condensed and opaque for the solid masses, on the contours, its intensity disperses into greys and snowy whites, tiny patches of variegated shades, smudges blurring from white to black, the edges delicately tinged by this intricate technique."13

In the present work, the artist adds several touches of white gouache to the conté crayon, visible to the top and the left of the composition. Gouache or coloured crayon was principally employed in the café-concert works as a visual means of representing the beams of light emanating from the gas lamps. Using incredibly light touches, bordering on abstraction, Seurat deconstructs the imagery of popular culture, distilling it to its very essence.

 

Seurat's artistic recognition

Au Divan japonais formed part of the noted collection of the Baron and Baroness Napoléon Gourgaud. The Baron was the great-grandson of Gaspard Gourgaud, companion of Napoleon Bonaparte on Saint Helena. In 1917, he married a wealthy American banking heiress, Eva Gebhard (1886-1959), and together they formed an important art collection, principally 19th and 20th-century paintings and works on paper, as well as 18th-century French furniture. They owned no fewer than five drawings by Seurat, including Au Divan japonais, in addition to several 19th and 20th-century masterpieces bequeathed to the French state after her death, such as Deux danseuses au repos (circa 1898) by Degas, L'Italienne (1887) by Van Gogh, La Lecture (1924) by Léger, Intérieur, bocal de poissons (1914) by Matisse and L'Arlequin (1923) by Picasso.

The Gourgauds acquisition of Au Divan japonais in the early 1920s is illustrative of the high regard in which Seurat was beginning to be held by both French collectors and members of the avant-garde. Couturier Jacques Doucet's interest in his work dates precisely to this period. Doucet had employed the poet and connoisseur André Breton to assist him in the creation of an art collection truly representative of the development of modern art, from the generation after the Impressionists, to the Dadaists, and later the Surrealists. Breton wrote to Doucet on 6th November 1923: "...what I particularly lament in your collection, with regards to the end of the 19th Century, is the absence of a truly representative work by Seurat, such as "La Baignade". I am aware of the extreme difficulty which is presented by the search for an affordable painting; perhaps waiting for one to come up in auction is the only answer."14

Doucet was so keen to acquire a work by Seurat that he sought the help of Marcel Duchamp, who wrote to him a month later: "As for Seurat, I am not sure. His Poudreuse belongs to an American collection, I believe. The Chahut, which is, in my view, his best, I do not know where it is. [...] But on the other hand, I do not think that out of the ten or twelve important things he did, a single one is in a museum."15 Six years later, in 1929, the inaugural exhibition of the recently-opened Museum of Modern Art, New York, was entitled Cézanne, Gauguin, Seurat, van Gogh, devoted to the masters who pre-figured modernism.

Duchamp maintained his esteem for Seurat throughout his life, and admired above all the optic aspect of his work, his fascination for scientific data and his vision of colour – "the greatest scientific mind of the 19th Century, in that sense, greater than Cézanne, was Seurat", he declared in 1915.16 Towards the end of his life, in a special issue of Art and Artists magazine devoted to him – and in which Au Divan japonais is reproduced – Duchamp declared:

The only man in the past I really respected was Seurat, who made his big paintings like a carpenter, like an artisan. He didn't let his hand interfere with his mind.17

This tribute by the most important artist-philosopher of the 20th Century bears witness – as if it was necessary – to Seurat's defining influence on innovative artistic thought.


Vérane Tasseau

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All works by Georges Seurat mentioned in the text are identified by an (H) followed by their number in César M. de Hauke's Seurat et son œuvre (Paris, 1961).


1 Gustave Kahn, "Peinture: Exposition des Indépendants", La Revue Indépendante, avril 1888,
pp. 160-164.
2 Listed in the catalogue of the Salon des Indépendants under  following numbers: 615 - Au Concert Européen, The Museum of Modern Art, New York, H 689; 616 - A la Gaîté Rochechouart, Museum of Art, Rhode Island School of Design, Providence, H 685; 617 - Au Divan japonais, H 690; 618 - Forte chanteuse, Private Collection, H 684; 619 - Dîneur, Private Collection, H 600; 620 - Lecture, Private Collection, H 585; 621 - Balayeur, Museus Raymundo Ottoni de Castro Maya, Rio de Janeiro, H 560; 622 - Jeune Fille, Fogg Art Museum, Harvard University Art Museums, Cambridge, H 601.
3 Frédéric Destremau, "Pierre Cluzel (1850-1894), encadreur de Redon, Pissarro, Degas, Lautrec, Gauguin", Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 1995, pp. 239-47. We are grateful to Frédéric Destremau who has identified this frame as the work of Cluzel.
4 Robert L. Herbert, Seurat's Drawings, London, 1965, p. 138.
5 Félix Fénéon, "Le Néo-Impressionnisme à la IVe Exposition des artistes indépendants", L'Art moderne de Bruxelles, 15th April 1888.
6 Gustave Kahn, Les Dessins de Georges Seurat 1959-1891, Bernheim-Jeune, Paris, 1929, n.p.
7 Chahut, 1889-90, oil on canvas, 171,5 x 140,5 cm, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Etude pour 'Chahut', 1889-90, oil on panel, 21.5 x 16.5 cm, Courtauld Institute Gallery, Londres, H 197; Etude pour 'Chahut', 1889-90, oil on canvas, 55.5 x 46.5 cm, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, H 198.
8 Jean-Claude Lebensztejn, Chahut, Paris, 1989, p. 32.
9 Richard Thomson, Seurat, Oxford, 1985, p. 204.
10 Parade de Cirque, 1887-88, oil on canvas, The Metropolitan Museum of Art, New York, H 187; Chahut, 1889-90, oil on canvas, 1889-90, Kröller-Müller Museum, Otterlo, H 199; Cirque, 1890-91, oil on canvas, Musée d'Orsay, Paris, H 213.~
11 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
12 Meyer Shapiro, "Seurat", Modern Art : Nineteenth and Twentieth Centuries. Selected Papers, New York, 1979, p. 101.
13 Gustave Kahn, Dessins, op. cit.
14 Letter of 6th November 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-6, 7210.40.
15 Letter of 22nd December 1923. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, B-IV-1, 7204.34.
16 Arts and Decoration, New York, 1915, pp. 427-28, quoted in Jean Clair, L'Œuvre de Marcel Duchamp (exhibition catalogue), Musée National d'Art Moderne, Paris, 1977, p. 166 (translated from French).
17 Arts and Artists, London, July 1966, p. 54.