Lot 15
  • 15

Yves Klein

Estimate
300,000 - 400,000 EUR
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Description

  • Yves Klein
  • F94
  • signé, daté et dédicacé à Pierre le feu de l'esprit et l'empreinte de l'amitié au dos
  • carton brûlé monté sur panneau 
  • 100 x 65 cm; 39 3/8 x 25 1/2 in.
  • Exécuté en 1961.

Provenance

Pierre Restany, Paris
Galerie Svensk-Franska, Stockholm (no. 6160)
Galerie Bonnier, Lausanne (acquis auprès du précédent)
Ingemar Poussette, Landskrona (acquis auprès du précédent en 1967)
Vente: Sotheby's, Londres, 30 June 1988, lot 668
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel

Exhibited

Stockholm, Moderna Museet, L'Espace intérieur et extérieur, une exposition concernant un art universel, 1965-66, no. 200
Galerie Bonnier, Lausanne, Yves Klein Peintures de feu, 1966, no. 28
Galerie Leger, Copenhague, 1970

Literature

Paul Wember, Yves Klein, Cologne, 1969, no. F94, illustré p. 131

Catalogue Note

signed, dated and dedicated 'à Pierre le feu de l'esprit et l'empreinte de l'amitié' on the back; charred paper on card laid down on panel. Executed in 1961.


Le feu est intime et il est universel.

(Gaston Bachelard, Psychanalyse du feu, cité par Yves Klein le 15 décembre 1958 dans Le feu ou l'avenir sans oublier le passé).

Le 1er décembre 1955, Pierre Restany rencontre Yves Klein. C'est une révélation pour le jeune critique qui contribue à organiser l'exposition du peintre chez Colette Allendy. "Ce que, entre autres, j'ai ressenti et appris au contact d'Yves Klein, cela a été comme le sens de l'absolu, ou en tous les cas, le sens d'un extrémisme dans l'art". (J.F. Bory, Une vie dans l'art, 1983, p. 15). De cette rencontre découle une amitié profonde et féconde en échanges et en longues conversations. Pierre Restany a trouvé en Yves Klein l'artiste absolu dont il deviendra le héraut. L'oeuvre F94 est un témoignage de cette amitié, dédicacée par le peintre au poète " A Pierre le feu de l'esprit et l'empreinte de l'amitié".

Si le projet d'oeuvres réalisées avec du feu germe dans l'esprit d'Yves Klein dès 1951, ce n'est qu'en 1957 qu'il passe à la réalisation avec le Tableau de feu bleu d'une minute: première tentative de Peinture de feu réalisée chez Colette Allendy avec quatre rangées de feu de Bengale bleus fixés sur un panneau de bois peint en bleu IKB. Le 14 janvier 1961 ont lieu à Krefeld, les premières Peintures de feu réalisées avec un Mur de feu et une Fontaine de feu. Pierre Restany, présent à cette occasion, est conscient de vivre une nouvelle étape dans l'oeuvre de l'artiste: "Le spectacle de la mise à feu a le caractère poignant d'un événement mystérieux (...) nous venions d'assister à la célébration d'un rite inconnu et pourtant qui nous concernait tous." (P. Restany, Le feu au coeur du vide, p. 102). Yves Klein se sert aussi de lampes à souder, de torches mais également de pulvérisateurs d'eau pour délimiter des formes, réunissant en cela dans ses oeuvres, d'une manière symbolique, trois des quatre éléments de la nature: le feu, l'eau et l'air (le souffle de gaz des lampes et torches). Surgit alors sur les papiers ou cartons brûlés un paysage mystérieux, constitué de cratères plus ou moins définis selon que l'artiste dirige la flamme de la torche en s'approchant ou en s'éloignant du support. Celui-ci se dore ou vire au brun le temps que les flammes passent à lécher le carton. L'artiste peut aussi multiplier les tâches ou les déformer jusqu'à les rendre informes en renouvelant l'opération.

Pour Klein, une oeuvre d'art est une trace ou une matérialisation d'une sensibilité immatérielle et spirituelle: "l'art de créer des âmes pour les âmes" (Yves Klein, Quelques extraits de mon journal en 1957). L'artiste se réalise dans une communion spirituelle artistique, qu'il partage, comme avec Pierre Restany. La peinture devenant alors le meilleur moyen de pouvoir communiquer et partager ces expériences mystiques, "Elle ne sert qu'à prolonger pour les autres, le moment pictural abstrait, d'une manière tangible et visible". (op.cit). Gladys Fabre, dans son analyse des Peintures de feu 1961-62 (Galerie de France, 2004), développe l'idée que les Peintures de feu sont des tentatives de "destruction/disparition, non de l'art mais de la peinture. Le deuil de la peinture s'inscrit dans un passé marqué par l'exposition du Vide chez Iris Clerc (1958) et par les cessions de 'zones de sensibilité picturale immatérielle' (1959 et 1960).  Le feu ou l'avenir sans oublier le passé prend alors tout son sens, et plutôt ses sens polyvalents comme toujours chez Yves Klein. D'une part, les Peintures de feu fusionnent plusieurs des expressions antérieures (notamment les Anthropométries et les Cosmogonies) en les actualisant comme des  vestiges brûlés porteurs d'immatérialité - même la disparition concrète de l'oeuvre, une fois vue, n'atteint pas son aura. Elle vit toujours dans l'impression qu'en garde le spectateur et c'est là son avenir immatériel".


Fig. 1. Yves Klein réalisant une peinture de feu. - © Pierre Joly-Vera Cardot.

Fig. 2. Pierre Restany, 1961. - © D.R.

Fig. 3. Dos de F94.